Soudan/Soudan du Sud. L’ONU doit renforcer son dispositif de sécurité afin de permettre aux civils déplacés de retourner à Abyei

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Les Nations unies doivent s’employer à réunir les conditions de sécurité requises pour que des dizaines de milliers de civils livrés à eux-mêmes dans des camps de fortune du Soudan du sud puissent retourner chez eux, après avoir fui les combats à Abyei il y a plus de six mois, a déclaré Amnesty International mardi 20 décembre.

Plus de 100 000 personnes – soit la quasi-totalité de la population – ont été déplacées par les explosions de violence de mai 2011. L’insécurité qui continue à régner sur place, la présence des forces armées et de milices, et le danger posé par les mines terrestres les empêchent de rentrer.

« L’armée soudanaise et les milices qui lui sont alliées ont chassé la quasi-totalité des habitants hors de la région d’Abyei et réduit leurs maisons en cendres afin d’empêcher leur retour », a indiqué Donatella Rovera, conseillère principale sur la réaction aux crises à Amnesty International, qui s’est rendue à Abyei à la fin novembre ; il s’agissait de la première visite effectuée par une organisation internationale sur place depuis les événements de mai 2011.

« Les maisons calcinées et les immeubles déserts et ravagés sont les séquelles des atrocités qui ont eu lieu à Abyei, qui est désormais une ville fantôme. Tout ce qui avait de la valeur a été pillé, notamment les locaux d’organisations humanitaires. Désormais le seul signe de vie est la présence des soldats et de la force de maintien de la paix des Nations unies. »

Ce qui est arrivé à Abyei n’a pas donné lieu à des enquêtes dignes de ce nom et on ne connaît pas pour l’instant avec précision le nombre de morts, de blessés ou encore de disparus.

Les Nations unies doivent veiller à ce qu’une enquête adéquate soit ouverte. En attendant, elles doivent rendre publiques toutes les informations recueillies par la mission de l’ONU déployée à l’époque à Abyei ou par d’autres organes de l’ONU pendant et après les événements.

Le Conseil de sécurité et le secrétaire général des Nations unies doivent par ailleurs faire le nécessaire pour que la composante du mandat de la mission de l’ONU en cours relative au suivi de la situation des droits humains soit mise en œuvre sans plus de délai.

La plupart des personnes déplacées par les combats vivent désormais dans des conditions très difficiles dans des camps érigés à la va-vite ou entassées avec leur famille dans des villages n’ayant rien, ou très peu, à partager avec elles. Elles dépendent des organisations humanitaires internationales pour tous leurs besoins de base - abri, nourriture, eau et soins de santé.

«  La nourriture est servie en quantité très limitée et pour le reste, nous n’avons rien  », a confié à Amnesty International Angelina Aguir, mère de deux jeunes enfants ayant trouvé refuge dans un camp ouvert dans le village de Mayen Abun. « Je ne sais pas ce qui est arrivé à notre logement. Nous ne pourrons pas y retourner tant que l’armée sera sur place.  »

Les craintes en matière de sécurité ont également empêché les organisations humanitaires internationales de retourner à Abyei, ce qui compromet encore davantage le retour des résidents déplacés, ceux-ci ayant perdu leur logement et leurs récoltes, et ayant désespérément besoin qu’on les aide à reconstruire leur vie.

Des soldats de la paix de la Mission préparatoire des Nations unies au Soudan (MINUS) étaient postés à Abyei lorsque les violences et la destruction ont commencé en mai dernier, mais ils n’ont pris aucune mesure significative afin de prévenir les attaques à l’origine du déplacement de plus de 100 000 civils.

D’anciens membres du personnel de la MINUS ont déclaré à Amnesty International qu’il avait été décidé de ne pas engager le combat avec les forces armées soudanaises parce que ces dernières étaient mieux équipées.

Quand l’armée soudanaise a fait sauter le pont reliant la région d’Abyei au Soudan du Sud, manœuvre semble-t-il destinée à empêcher le retour de la population, les soldats de la MINUS ne sont pas intervenus.

Une nouvelle force de maintien de la paix déployée par l’ONU, la Force intérimaire de sécurité des Nations unies pour Abyei (FISNUA), est présente à Abyei depuis juillet 2011. Elle est dotée d’un mandat de protection des civils, entre autres attributions. Le Conseil de sécurité a confié à la FISNUA d’autres tâches en rapport avec la démilitarisation d’Abyei mercredi 14 décembre, et reconduira son mandat pour six mois supplémentaires avant l’expiration de celui-ci, qui était fixée à mardi 27 décembre.

« Il est impératif que les Nations unies tirent des enseignements des échecs de la MINUS, afin que la FISNUA soit pleinement déployée et dotée des moyens matériels et humains nécessaires pour lui permettre de remplir son mandat de protection des civils », a ajouté Donatella Rovera.

« Il convient en premier lieu d’établir à Abyei les conditions requises sur le plan de la sécurité afin que les habitants puissent y revenir en toute confiance, et d’adopter des mécanismes robustes afin de mettre en œuvre les aspects du mandat de la FISNUA relatifs à la protection des civils et au suivi de la situation des droits humains », a-t-elle conclu.

Le statut d’Abyei continue à prêter à controverse, le Soudan et le Soudan du Sud affirmant tous deux que la région fait partie de leur territoire et essayant l’un comme l’autre de renforcer leur mainmise sur la zone. Un référendum visant à déterminer le futur de la région d’Abyei devait avoir lieu en janvier dernier, mais a été reporté jusqu’à nouvel ordre en raison de désaccords sur la participation au scrutin des deux principaux groupes ethniques – les Dinka Ngok du sud et les Misseryia, une population semi-nomade, au nord.

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