Sri Lanka. Amnesty International lance un appel en faveur d’une action urgente pour protéger les civils

Déclaration publique

ASA 37/022/2006

Amnesty International s’alarme de l’escalade des combats au Sri Lanka, qui ont fait de très nombreux morts et blessés civils, ont engendré un flux de plus de 160 000 personnes déplacées et détruit en grand nombre maisons, écoles et lieux de culte. L’organisation s’inquiète de constater que ni les forces de sécurité du gouvernement ni les Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE, Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul) ne semblent prendre de précautions suffisantes pour protéger la vie des civils. Alors même que de graves violations du droit international humanitaire sont signalées, les deux parties continuent de s’accuser mutuellement plutôt que de prendre des mesures visant à mettre un terme aux violations.

Amnesty International s’inquiète de l’étendue et de la gravité des violations signalées, de l’absence de protection suffisante pour les civils et des restrictions apportées à l’accès aux régions les plus affectées. Une incertitude persistante pèse sur ce qui s’est réellement passé et sur l’identité des présumés responsables de crimes de guerre et autres violations du droit international, alimentant les craintes et semant la panique parmi la population civile.

Amnesty International considère que la mise en place d’une opération internationale forte et efficace de surveillance des droits humains est nécessaire de toute urgence pour faire face à la dégradation dramatique de la situation humanitaire et relative aux droits humains. Cette opération devra bénéficier de la pleine coopération du gouvernement du Sri Lanka et des LTTE et du soutien des Nations unies et des États membres de cette organisation.

Un certain nombre d’affaires récentes, relevées par Amnesty International, devraient faire l’objet d’une enquête plus approfondie par des experts indépendants spécialisés dans les questions relatives aux droits humains :

Le 3 août, au moins 17 civils, parmi lesquels des enfants, ont été tués et plus de 80 autres blessés lorsque quatre écoles de Muttur ont été touchées par des bombardements, selon des informations qui nous sont parvenues.
Le 4 août ou aux alentours de cette date, des centaines de civils musulmans qui fuyaient les combats à Muttur ont été dirigés par les LTTE vers une région sous leur contrôle. Les LTTE ont affirmé leur avoir assuré un passage hors de la zone des combats, mais un nombre indéterminé d’hommes musulmans auraient été séparés du groupe et emmenés les mains liées. Certaines indications laissent supposer sue ces hommes ont été exécutés.
D’autres personnes parmi le groupe de personnes déplacées auraient été prises sous le feu des tirs échangés entre les LTTE et les forces gouvernementales ; un certain nombre d’entre elles auraient été tuées ou blessées.
Le 6 août, les corps de 15 travailleurs humanitaires de l’organisation française Action contre la Faim, ACF) ont été découverts face contre terre sur la pelouse devant les bureaux d’ACF à Muttur ; les blessures par balles relevées sur les corps indiquent que tous ont été tués à faible distance. Les corps de deux autres membres du personnel ont été découverts non loin des lieux dans une voiture le 8 août, ce qui semble indiquer qu’ils ont été tués alors qu’ils tentaient de s’enfuir. Le gouvernement a demandé à un expert médico-légal australien de prendre part à l’enquête, mais a empêché les observateurs chargés de surveiller l’application de la trêve sur le terrain de se rendre sur les lieux.
Un peu plus tard, dans la nuit du 8 août, une bombe a explosé sur le bord d’une route au passage d’une ambulance, tuant cinq personnes – un médecin, son épouse , deux infirmières et le conducteur de l’ambulance. Les faits se sont produits dans une région contrôlée par les LTTE, près du village de Nedunkerny, dans le district de Vavuniya. Le gouvernement a accusé les LTTE, les LTTE ont rejeté la responsabilité de l’attentat sur une unité de l’armée sri lankaise, la DPU (Deep Penetration Unit) qui opérerait, selon eux, sur le territoire contrôlé par les LTTE.
Le 10 août, de nouveaux bombardements aériens par l’aviation sri lankaise sur des zones contrôlées par les LTTE dans le district de Trincomalee auraient fait des victimes civiles. Selon les LTTE, au moins 50 civils auraient été tués et plus de 200 autres blessés lors d’attaques aériennes sur des zones peuplées. Un porte-parole militaire a déclaré à l’agence de presse Associated Press que l’armée ne prenait pas pour cible des civils mais a ajouté qu’il était de notoriété publique que les LTTE se servent de boucliers humains et placent leurs positions de tir autour de villages civils. Le nombre des victimes et les récits contradictoires des bombardements n’ont pas pu faire l’objet de vérifications indépendantes.
Le 13 août, des roquettes et des tirs d’artillerie auraient touché l’église Saint Philip Mary et les maisons proches de Allaipiddy sur la petite île de Kayts, au large de la côte nord-ouest de la péninsule de Jaffna, tuant au moins 15 civils et blessant au moins 54 personnes. Les informations sur l’origine des tirs – les forces gouvernementales ou les LTTE - sont contradictoires.
Le 14 août, 51 adolescentes auraient été tuées et plus d’une centaine blessées lorsque l’aviation sri lankaise a largué entre 12 et 16 bombes sur un ensemble du district nord de Mullaitivu, un territoire contrôlé par les LTTE. Selon l’UNICEF, les victimes étaient venues de différentes écoles des districts de Mullaitivu et Kilinochchi pour assister à un cours de secourisme. La Sri Lankan Monitoring Mission (SLMM, Mission de surveillance au Sri Lanka), une équipe internationale d’experts chargés de vérifier l’application de l’accord de cessez-le-feu de février 2002 à l’aide d’actions de surveillance sur le terrain, a déclaré que la cible du raid aérien était un ancien orphelinat, dont rien ne permet de penser qu’il abritait des installations militaires ou des armes. Un porte-parole de la sécurité nationale a déclaré que l’aviation avait mené des raids aériens contre un camp d’entraînement des LTTE à Puthukudiyurippu à Mullaitivu, au cours desquels entre 50 et 60 jeunes cadres terroristes des LTTE auraient été tués et de nombreux autres blessés.

Il y a également eu une série d’attaques dans la capitale Colombo ; leur nature et leurs cibles laissent fortement penser à une implication des LTTE.

Le 8 août, un attentat à la voiture piégée visant S. Sivathasan, membre influent de l’Eelam National Democratic Liberation Front (ENDLF, Front national démocratique de libération de l’Eelam) et ancien député, a tué le garde du corps de l’homme politique et un enfant de trois ans qui se trouvait au bord de la route. S. Sivathasan et cinq autres civils ont été blessés dans l’explosion.
Le 12 août, des hommes armés non identifiés ont assassiné Ketheshwaran Loganathan, secrétaire général adjoint au Secrétariat chargé de la coordination du processus de paix et ancien directeur du Centre de politiques alternatives basé à Colombo, un centre de recherche spécialisé dans la résolution des conflits et la bonne gouvernance.
Le 14 août, une bombe a explosé au passage du convoi de l’ambassadeur du Pakistan, Bashir Wali Mohamed ; l’ambassadeur n’a pas été blessé mais au moins sept personnes ont été tuées dans l’explosion, dont quatre gardes du corps militaires et trois passants civils.

Amnesty International appelle le gouvernement et les LTTE à respecter le droit international humanitaire, qui interdit le meurtre et toute violence à l’encontre de personnes ne participant pas directement aux hostilités. Il faut de toute urgence que les deux parties au conflit fassent en sorte que leurs forces respectent le principe de distinction entre objectifs militaires et objectifs civils et cessent de prendre pour cible des civils et de mener des attaques sans discrimination.

Toutes les infos
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit