SYRIE : Amnesty International appelle la Syrie à mettre fin aux mesures répressives prises à l’encontre des Kurdes et à ouvrir une enquête judiciaire indépendante sur les récents affrontements qui se sont produits

Index AI : MDE 24/029/2004

Mardi 6 avril 2004

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International a appelé ce mardi 6 avril 2004 les autorités syriennes à ouvrir une enquête judiciaire indépendante sur les récents affrontements qui ont opposé des manifestants kurdes aux forces de sécurité et à réexaminer de toute urgence les dossiers de centaines de Kurdes syriens placés en détention après des interpellations de masse dans tout le pays en mars.

« S’ils ne sont pas inculpés d’infractions dûment reconnues par la loi et traduits en justice dans un délai raisonnable, ils doivent être remis en liberté immédiatement », a déclaré l’organisation ce mardi 6 avril.

Amnesty International a réitéré son appel du 16 mars aux autorités pour s’enquérir du sort de centaines de personnes détenues. D’après ce que sait l’organisation, presque toutes les personnes détenues sont maintenues au secret sans avoir été inculpées, dans des lieux inconnus. Un certain nombre d’enfants se trouvent parmi les détenus, dont Masoud Jafar, seize ans de al Qahtaniya.

« La détention au secret, dans des lieux inconnus, de plusieurs centaines de Kurdes syriens est un grave sujet de préoccupation, en particulier parce qu’elle met les détenus en plus grand danger d’être torturés ou de subir de mauvais traitements », a ajouté Amnesty International. Amnesty International a déjà reçu des descriptions de tortures infligées à des personnes précises, y compris des enfants. Qanee Muhammad Ramadan, dix-sept ans, aurait été torturé à l’électricité pendant une détention de neuf jours.

L’organisation de défense des droits humains a également appelé le gouvernement syrien à ouvrir une enquête judiciaire indépendante pour établir comment des heurts lors d’un match de football ont dégénéré en affrontements ayant causé la mort de dizaines de personnes et provoqué une vague de protestations, d’émeutes et d’arrestations dans une grande partie du nord du pays. Amnesty International estime que seule une enquête judiciaire indépendante et impartiale, publique et disposant de fonds suffisants, sera à même d’établir la vérité.

« Pour que justice soit faite aux yeux de tous, la vérité doit éclater au grand jour et les auteurs présumés de crimes graves et d’atteintes aux droits humains, qu’ils soient parmi les forces de sécurité ou les manifestants, doivent être traduits en justice. L’enquête devra déterminer les raisons à l’origine des protestations et faire des recommandations pour y porter remède, de façon à ce que des évènements similaires ne puissent se reproduire à l’avenir », a déclaré l’organisation.

L’organisation est aussi préoccupée par l’exclusion de leurs universités et cités universitaires d’au moins 24 étudiants kurdes, dont un certain nombre de l’université de Damas le 18 mars, pour avoir, semble-t-il, participé à des manifestations pacifiques de protestation. Les informations reçues par Amnesty International semblent confirmer une politique de persécution de plus en plus importante à l’égard des Kurdes. Des Kurdes syriens auraient été arrêtés ou agressés uniquement à cause de leur origine ethnique ou pour avoir parlé kurde. Un appelé kurde du nom de Khayri Jendu Bin Barjas serait mort de ses blessures à l’hôpital aux alentours du 23 mars, après avoir été frappé par des soldats pour avoir parlé kurde avec un collègue.

Complément d’information

Le 12 mars, des affrontements ont éclaté entre des supporters kurdes et arabes à un match de football dans le stade de Qamishli, au nord est de la Syrie. Les forces de sécurité syriennes ont tiré dans la foule, faisant au moins vingt morts et des dizaines de blessés. La police a attaqué le lendemain des Kurdes syriens qui enterraient leurs morts, entraînant deux jours d’émeutes chez les Kurdes syriens dans plusieurs villes de la région nord-est de la Syrie à majorité kurde. À Amouda, aux alentours du 13 mars, le chef du poste de police de la ville aurait été frappé par des manifestants kurdes. Il est mort des suites de ses blessures un peu plus tard. Des centaines de personnes, essentiellement des Kurdes syriens, dont des enfants, sont toujours placés en détention. La plupart d’entre eux sont maintenus au secret et donc en grand danger d’être torturés ou de subir des mauvais traitements.

On estime à environ 1,5 million le nombre de Kurdes en Syrie, pour la plupart concentrés dans le région de Jazira, dans le nord-est du pays. Aujourd’hui, au moins 150 000 Kurdes de Syrie sont privés de la nationalité syrienne et de tous droits civiques.

La torture et les mauvais traitements sont pratique courante pour les prisonniers politiques, notamment les militants kurdes, détenus au secret dans les prisons et centres de détention syriens. Huit Kurdes syriens sont maintenus à l’isolement dans des conditions cruelles et inhumaines dans l’aile politique de la prison d’Adhra, près de la capitale Damas. Ils sont détenus pour avoir participé à une manifestation pacifique le 25 juin 2003 devant le siège du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) à Damas, au cours de laquelle étaient demandés des droits civiques et politiques pour la population kurde de Syrie et notamment le droit pour les enfants kurdes de Syrie à avoir un enseignement en langue kurde.

Des affrontements s’étaient déjà produits dans le passé entre autorités syriennes et Kurdes syriens. En mars 1986, au cours de la Fête de Newruz (nouvel an kurde), des heurts entre les deux parties s’étaient soldés par plusieurs morts et blessés. En octobre 1992, les Kurdes ont commémoré le 30ème anniversaire du recensement qui a privé nombre d’entre eux de leur nationalité syrienne et des droits civiques élémentaires. La réponse des autorités syriennes a été des interpellations massives. En 1995, les autorités syriennes ont interdit les célébrations traditionnelles de Newruz et arrêté des dizaines de Kurdes.

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