Index AI : MDE 24/095/2005
DÉCLARATION PUBLIQUE
Amnesty International accueille avec satisfaction la décision du gouvernement syrien de libérer 190 prisonniers politiques, parmi lesquels des prisonniers d’opinion, dans le cadre de la grâce présidentielle qui marque la fête musulmane d’Aïd al Fitr. Parmi les personnes libérées se trouvent des prisonniers d’opinion incarcérés depuis très longtemps et dont Amnesty International demandait la libération inconditionnelle depuis de nombreuses années, ainsi que des prisonniers politiques condamnés à des peines d’emprisonnement à l’issue de procès manifestement iniques.
Tout en se félicitant de ces libérations, Amnesty International appelle le gouvernement syrien à libérer tous les autres prisonniers d’opinion et à veiller à ce que les prisonniers politiques bénéficient d’un procès équitable ou soient libérés. Plusieurs centaines au moins de prisonniers politiques, dont des prisonniers d’opinion, des détenus politiques n’ayant pas été jugés et des prisonniers condamnés à des peines d’emprisonnement à l’issue de procès inéquitables, se trouvent toujours dans les prisons syriennes. L’organisation demande en outre aux autorités syriennes de s’expliquer sur les centaines de Syriens et de ressortissants étrangers qui ont « disparu » aux mains des services de sécurité syriens et dont la sécurité suscite de vives inquiétudes.
Parmi les personnes libérées par le président Bachar el Assad figure Abd el Aziz el Khayyir, médecin détenu depuis février 1992. Il avait été jugé en août 1995, après plus de trois ans de détention, et condamné à vingt-deux ans d’emprisonnement pour appartenance au Parti d’action communiste. Son procès avait été manifestement inéquitable. En prison, il mettait ses compétences médicales au service des prisonniers malades.
Les 4 derniers prisonniers d’opinion du « groupe de Darya », des militants sociaux pacifiques, ont également été libérés. Haythem Muhammed Yasin al Hamwi, Muhammed Khaled Shehada, Yahya Taha Sharabaji et Muatez Muhammed Zuheyr Murad faisaient partie des 22 personnes arrêtées en mai 2003 après avoir participé à une marche silencieuse dans la ville de Darya, non loin de Damas, pour protester contre l’invasion de l’Irak par la coalition dirigée par les États-Unis. S’inspirant de l’islam et du principe d’action directe non-violente, ils faisaient partie d’un réseau informel de bénévoles ayant créé une bibliothèque gratuite, procédé au nettoyage de la ville, et découragé la corruption et la consommation de cigarettes américaines. À l’issue d’un procès inique devant un tribunal militaire secret, Muhammed Khaled Shehada et Muatez Muhammed Zuheyr Murad ont été condamnés à une peine de trois ans d’emprisonnement, et Haythem Muhammed Yasin al Hamwi et Yahya Taha Sharabaji à quatre ans de prison, pour avoir « tenté de créer une organisation religieuse, pris part à des activités sociales illicites et suivi des enseignements religieux et intellectuels interdits ».
Muhammad Radun, avocat spécialisé dans la défense des droits fondamentaux et président de l’Organisation arabe des Droits humains en Syrie (AOHR-S), a lui aussi été libéré. Il était détenu depuis le 22 mai 2005 après, semble-t-il, avoir critiqué les atteintes aux droits fondamentaux en Syrie. Ali al Abdullah, lui aussi libéré, était détenu depuis son arrestation le 15 mai 2005, une semaine après avoir lu une déclaration au nom du dirigeant en exil des Frères musulmans, organisation interdite, lors du Forum Atassi non autorisé, que les autorités ont alors fermé.
Parmi les autres personnes libérées, selon les informations qu’Amnesty International a reçues de plusieurs avocats et défenseurs des droits humains en Syrie et au Liban, se trouvent également 101 personnes liées aux Frères musulmans ; 20 membres d’organisations palestiniennes ; 20 membres du Parti Baas arabe démocratique et socialiste ; 6 membres du Parti de libération islamique ; 6 personnes condamnées pour « espionnage », dont 2 Libanais ; des personnes associées à d’autres organisations islamiques.
On ne connaît pas le nombre exact de prisonniers d’opinion et de prisonniers politiques toujours détenus en Syrie, mais ils seraient au moins plusieurs centaines. De plus, des centaines d’opposants présumés au gouvernement, des Syriens et des ressortissants étrangers, ont « disparu » au fil des années après avoir été arrêtés par les forces de sécurité syriennes.
Parmi les prisonniers d’opinion toujours incarcérés figurent l’étudiant kurde Masoud Hamid ; le membre d’AOHR-S Nizar Ristnawi ; l’avocat Riad Drar et les 6 derniers détenus du « printemps de Damas » - Aref Dalilah, Riad Seif, Mamun al Humsi, Walid al Bunni , Habib Isa et Fawwaz Tello. Ils ont été arrêtés en 2001 pendant la répression du mouvement en faveur d’une réforme. Amnesty International continue de demander leur libération immédiate et inconditionnelle et d’insister auprès des autorités syriennes pour la mise en œuvre d’une réforme significative de la justice et d’une réduction des pouvoirs des forces de sécurité.