THAÏLANDE : De l’arrestation à la détention, le recours à la torture est très répandu

Index AI : ASA 39/005/02

Dans un nouveau rapport publié ce jour (11 juin 2002) et intitulé Widespread abuses in the administration of justice [Un système judiciaire marqué par des violations systématiques des droits humains], Amnesty International affirme que la police et l’armée thaïlandaises ont recours à la torture pour extorquer des « aveux » aux suspects, les punir ou encore les humilier.

L’organisation de défense des droits humains explique que « le recours à la torture ne doit pas être considéré comme une chose normale ; c’est au contraire un abus de pouvoir caractérisé. Les autorités thaï-landaises doivent intensifier leurs efforts, en condamnant publiquement cette pratique ; en menant des enquêtes sur les responsables présumés d’actes de torture ; et en les contraignant à répondre de leurs actes ».

La police et l’armée thaïlandaises ont recours à la torture et aux mauvais traitements contre des personnes qui viennent d’être arrêtées, sont placées en détention, sont transférées d’un lieu de détention à un autre ou sont détenues dans des camps militaires de désintoxication pour drogués. Les classes pauvres de la population thaïlandaise, les immigrés ainsi que les personnes appartenant à des minorités ethniques sont plus parti-culièrement visées.

Le 7 décembre 2001, Ateh Amoh et Ajuuh Cheh Cuuh Gooh, tous deux membres de la tribu akha, ont été interpellés par des soldats dans leur village, situé dans la province de Chiang Rai, puis amenés au camp militaire du 11ème régiment de cavalerie afin d’y suivre une cure de désintoxication pour consommateurs d’opium. Ils ont été jetés dans une fosse exiguë où étaient déjà détenus trois autres Akhas.

Ensuite, les soldats ont déversé sur les cinq hommes de l’eau, du charbon et des cendres, et les ont abandonnés à leur sort jusqu’au soir. Puis, ils leur ont bandé les yeux et les ont emmenés séparément pour leur faire subir un interrogatoire. L’un des hommes a alors réussi à s’échapper. En représailles, Ateh Amoh ainsi qu’Ajuuh Cheh Cuuh Gooh ont été passés à tabac. Le 9 décembre 2001, Ajuuh Cheh Cuuh Gooh mourait des suites des coups reçus ; quant à Ateh Amoh, il a dû être hospitalisé pendant six jours pour, entre autres blessures, une perforation pulmonaire. Amnesty Inter-national exhorte le gouvernement à diligenter une enquête réellement efficace sur cette affaire et à traduire en justice les auteurs présumés de ces actes.

En août 2000, un membre de la minorité ethnique karen a été torturé par la police alors qu’il était interrogé dans le cadre de l’enquête sur le meurtre du routard britannique Kirsty Jones. Les policiers lui ont bandé les yeux, l’ont déshabillé, puis l’ont roué de coups et lui ont marché sur le ventre. Tout en menaçant de le tuer, ils lui ont demandé d’avouer le meurtre. Comme il refusait de leur obéir, ils s’en sont débarras-sés en le jetant sur le bas-côté d’une route.

En Thaïlande, certains détenus béné-ficient de privilèges accordés par les gardiens et infligent fréquemment actes de torture et mauvais traitements à d’autres prisonniers lorsque ceux-ci enfreignent le règlement de la prison ; mais les gardiens sont aussi directement impliqués dans des violences.
Le 17 mai 2001, Sinchai Saslee, détenu thaïlandais d’environ 35 ans, est mort des suites d’un passage à tabac. Il avait, semble-t-il, tenté de fixer une bouteille d’eau au mur de sa cellule. Une dispute a alors éclaté à ce sujet entre le prisonnier et un gardien ; plusieurs surveillants l’ont alors frappé avec des matraques et lui ont donné des coups de poing et de pied. Sinchai Saslee a fini par perdre connaissance.

Le rapport publié par Amnesty International met également en lumière les conditions éprouvantes dans lesquelles les prisonniers sont détenus, en raison notamment de la surpopulation carcérale, de la nourriture insuffisante, de l’état déplorable des installations sanitaires et du manque de soins médicaux. L’entassement des détenus est un problème qui ne cesse de prendre de l’ampleur dans le pays, du fait que les autorités thaïlandaises appréhendent un nombre croissant de personnes inculpées d’infractions à la législation sur les stupéfiants. Tout en reconnaissant la gravité des problèmes liés à la drogue en Thaïlande, Amnesty International demande que des dispositions adéquates soient prises afin de faire face à la surpopulation carcérale.

Par ailleurs, les prisons enregistrent un taux élevé de morts en détention liées à des maladies telles que le sida ou la tuberculose, et un grand nombre de détenus ne reçoivent absolument aucun traitement. Bien que cela soit prohibé par la loi thaïlandaise, il est courant que les prisonniers condamnés à mort soient entravés en permanence par de lourdes chaînes aux pieds. D’autre part, les prisons souffrent d’un manque de personnel chronique, car les gardiens ne perçoivent qu’un maigre salaire.

« Le gouvernement du Royaume de Thaïlande doit veiller à ce que le système carcéral reçoive les fonds nécessaires à l’amélioration des conditions de détention. De même, le personnel pénitentiaire et les autres agents de la force publique doivent bénéficier d’une formation en accord avec les normes internationales en matière de droits humains », indique Amnesty International.

Dans ce rapport, l’organisation de défense des droits humains formule plusieurs recommandations à l’intention des autorités thaïlandaises. Elle demande entre autres choses :
– que le gouvernement donne des consignes précises à tous les représentants de l’État, afin qu’ils n’infligent ni actes de torture, ni mauvais traitements aux personnes placées en détention ;
– que toute information faisant état d’actes de torture soit l’objet d’une enquête impartiale, et que les responsables présumés de tels actes soient traduits en justice ;
– que les autorités prennent des mesures immédiates en vue d’améliorer les conditions de vie dans les prisons ; elles doivent notamment abolir dans les faits le recours à l’enchaînement prolongé, et s’assurer que les prisonniers disposent d’un espace adéquat, de soins médicaux appropriés et de nourriture en quantité suffisante ;
– que l’administration pénitentiaire veille à ce que le système des privilèges accordés à certains détenus n’ait plus cours.

Pour obtenir un exemplaire du rapport, veuillez consulter le site http://www.web.amnesty.org/ai.nsf/index/asa390032002

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