Thaïlande, Répression de la liberté d’expression d’une employée d’Amnesty International

Thaïlande Employée Amende

Une amende a été infligée à une employée d’Amnesty International, ainsi qu’à trois intervenants et une modératrice, pour avoir participé le 4 juillet à un débat sur les disparitions forcées de militants thaïlandais, dont Wanchalearm Satsaksit.

« Notre employée faisait simplement son travail de sensibilisation au droit international relatif aux droits humains en Thaïlande. Elle ne devrait pas écoper d’une amende, pas plus que les organisateurs et les invités, uniquement parce qu’ils ont évoqué les obligations des autorités thaïlandaises en termes de droits humains et le lourd passé en matière de disparitions forcées dans cette région, a déclaré Yamini Mishra, directrice régionale pour l’Asie et le Pacifique à Amnesty International.

« Amnesty International est une organisation mondiale de défense des droits humains et notre travail est d’encourager tous les gouvernements et les acteurs non-étatiques à respecter le droit international relatif aux droits humains.

« Les défenseur·e·s des droits humains jouent un rôle crucial s’agissant de protéger les libertés au sein de la société. Les intimider et les condamner à des amendes constitue une menace pour ces militant·e·s, mais aussi pour tous ceux qui s’efforcent de défendre avec courage les droits d’autrui.

« Elles doivent cesser d’infliger des amendes à des personnes n’ayant fait qu’exercer pacifiquement leurs droits fondamentaux et cesser de se servir de la pandémie comme d’une excuse pour durcir la répression »

« La pratique des disparitions forcées et la répression du droit à la liberté d’expression sont des motifs de grave préoccupation en Thaïlande. Les autorités doivent sans plus attendre assumer leurs responsabilités et remédier à ces problèmes qui durent depuis des années.

« Elles doivent cesser d’infliger des amendes à des personnes n’ayant fait qu’exercer pacifiquement leurs droits fondamentaux et cesser de se servir de la pandémie comme d’une excuse pour durcir la répression. »

Complément d’information

Cinq personnes, dont une employée d’Amnesty International, ont été convoquées au poste de police de Bangkok le 4 août 2021 à 13 heures et se sont vues infliger une amende.

Cette sanction a été délivrée en vertu de la Loi sur la circulation routière et de la Loi sur le maintien de la propreté et de l’ordre à titre d’amende administrative, en raison de leur participation en personne le 4 juillet à un débat public, portant sur les disparitions forcées de militant·e·s thaïlandais, dont Wanchalearm Satsaksit, qui aurait été enlevé. Elles sont également inculpées au titre de la loi sur le contrôle B.E. 2493 pour avoir utilisé un haut-parleur amplifié afin de faire connaître l’événement.

Les quatre autres personnes sont la modératrice de la réunion et trois intervenants : une personne ayant manifesté, un étudiant de 18 ans et un avocat dont un ami a été victime d’une disparition forcée.

« La pratique des disparitions forcées et la répression du droit à la liberté d’expression sont des motifs de grave préoccupation en Thaïlande. Les autorités doivent sans plus attendre assumer leurs responsabilités et remédier à ces problèmes qui durent depuis des années »

Wanchalearm Satsaksit est un militant thaïlandais, qui a été victime d’une disparition forcée à Phnom Penh le 4 juin 2020. Sa disparition s’inscrit dans une tendance profondément inquiétante, puisque depuis juin 2016 au moins neuf militants thaïlandais en exil ont été enlevés et tués par des inconnus dans des pays voisins, à savoir le Laos et le Viêt-Nam.

La décision de mettre une amende à une employée d’Amnesty International et à quatre militant·e·s des droits humains s’inscrit dans la volonté des autorités thaïlandaises de réduire au silence toute critique et de réprimer la liberté d’expression.

Le 29 juillet, le Premier ministre Prayut Chan-o-cha a promulgué une interdiction portant sur la diffusion de « fausses informations » ; elle s’applique à toute personne partageant des informations en ligne qui suscitent des révoltes ou la peur, portent atteinte à la sécurité nationale ou mettent en doute la réponse apportée par l’État à la crise du COVID-19, même si ces informations sont fondées sur des faits précis et dans l’intérêt de la santé publique.

En avril 2020, les autorités thaïlandaises ont présenté un projet de loi visant à réglementer les organisations à but non lucratif, témoignant de la volonté d’adopter une législation répressive qui musèle davantage encore les organisations de la société civile et les organisations non gouvernementales (ONG). Dans sa dernière version, ce texte confère au gouvernement le pouvoir d’interdire arbitrairement des organisations, d’empiéter sur leur confidentialité et de piétiner les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.

En réponse aux dizaines de milliers de Thaïlandais·e·s descendus dans les rues pour réclamer des réformes démocratiques tout au long de l’année 2020 et en 2021 à Bangkok, la capitale, et dans différentes provinces du pays, la police a recouru à une force inutile et excessive pour disperser les manifestant·e·s pacifiques et a procédé à des centaines d’interpellations.

« Amnesty International est une organisation mondiale de défense des droits humains et notre travail est d’encourager tous les gouvernements et les acteurs non-étatiques à respecter le droit international relatif aux droits humains »

Selon l’ONG Thai Lawyers for Human Rights (Avocats thaïlandais pour les droits humains), de juillet 2020 à juin 2021, au moins 695 personnes, dont 44 âgées de moins de 18 ans, ont fait l’objet de poursuites – notamment pour sédition, diffamation envers la famille royale, cybercriminalité et violation de la Loi sur les rassemblements publics – dans 374 cas pour avoir participé à des manifestations pacifiques.

En outre, d’après la règlementation n° 27, entrée en vigueur le 12 juillet au titre du décret relatif à l’état d’urgence, toute personne qui enfreint les protocoles de prévention liés au COVID-19 s’expose à une peine de prison maximale de deux ans ou à une amende pouvant aller jusqu’à 40 000 bahts (environ 1 000 euros).

La Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU avec le consensus de la Thaïlande et de tous les autres États, garantit le droit de chaque personne de former des organisations de la société civile, associations ou groupes de promotion ou de défense des droits humains, de s’y affilier et d’y participer.

Les autorités thaïlandaises doivent respecter cet accord. Infliger des amendes à des défenseur·e·s des droits et des militant·e·s qui participent pacifiquement à un débat va clairement à l’encontre du droit à la liberté d’expression.

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