TORTURE - Les Européens doivent rejeter les tentatives de se contenter des promesses de non-torture Déclaration conjointe d’Amnesty International, Human Rights Watch et la Commission internationale de juristes

Index AI : IOR 30/015/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

L’initiative du Conseil de l’Europe pour établir des normes relatives aux assurances diplomatiques constitue une menace pour l’interdiction mondiale de la torture

Strasbourg - Les États membres du Conseil de l’Europe doivent rejeter purement et simplement toute proposition pour établir des normes relatives à l’usage d’assurances diplomatiques dans les transferts de personnes risquant la torture. Telle est la déclaration conjointe d’Amnesty International, Human Rights Watch et la Commission internationale de juristes (CIJ), publiée ce mercredi 7 décembre (disponible en ligne sur http://web.amnesty.org/library/index/engior610252005 )

Amnesty International, Human Rights Watch et la CIJ ont lancé cet appel au moment où s’ouvre une réunion de représentants gouvernementaux au Conseil de l’Europe à Strasbourg, du 7 au 9 décembre, pour étudier une initiative visant à élaborer des « exigences minimales » pour les assurances diplomatiques. Il s’agit d’accords entre États, parfois également appelés « mémorandums d’accord », qui visent soi-disant à protéger une personne de la torture et des mauvais traitements après son transfert.

« Les gouvernements ne doivent pas revêtir les assurances diplomatiques de la légitimité qu’elles ne méritent pas, en créant des normes relatives à leur utilisation », a déclaré Jill Heine, conseillère juridique au Programme des affaires juridiques et des relations avec les organisations internationales d’Amnesty International. « Ces gouvernements doivent considérer ces arrangements comme ce qu’ils sont : des tentatives inacceptables d’États pour justifier l’envoi forcé de personnes en un lieu où elles risquent la torture ou des mauvais traitements. »

Amnesty International, Human Rights Watch, et la CIJ ont averti les gouvernements qu’en donnant un cadre à l’usage « acceptable » d’assurances diplomatiques peu fiables par nature et juridiquement non contraignantes, ils contrevenaient à l’obligation absolue des États, définie par le droit international, d’empêcher la torture ou les mauvais traitements. Cette interdiction inclut l’obligation de ne pas transférer de personnes en des endroits où elles risquent de subir des atteintes à leurs droits (obligation de non-refoulement).

« Les assurances diplomatiques ont démontré leur échec », a déclaré Veronika Szente Goldston, responsable des campagnes pour l’Europe et l’Asie centrale à Human Rights Watch. « D’après nos recherches, au lieu de protéger les personnes concernées contre la torture et les mauvais traitements, elles ont l’effet inverse. En conséquence, les assurances diplomatiques ne sont pas utilisées pour satisfaire les obligations juridiques des États, mais plutôt pour les contourner. »

Le besoin ressenti d’obtenir ces garanties diplomatiques témoigne par lui-même de la reconnaissance du risque de torture et de mauvais traitement existant dans le pays récepteur. Tel est le cœur du problème posé par les assurances diplomatiques. Celles-ci créent une double mesure et nuisent au système international de protection contre la torture et les mauvais traitements, en détournant l’attention des réformes systémiques nécessaires à la prévention et l’éradication de la torture dans les pays récepteurs.

Sur le plan pratique, de nombreux éléments montrent que les assurances diplomatiques ne fonctionnent pas ; rien n’indique que des garanties plus élaborées de ce type fourniraient une protection adéquate contre la torture et les mauvais traitements.

Cela est vrai même si les assurances comportent des dispositions relatives à un mécanisme de suivi après le retour.

« L’argument selon lequel le suivi après retour peut rendre les assurances diplomatiques efficaces est foncièrement inexact », a déclaré Gerald Staberock, directeur du programme sécurité mondiale et état de droit de la CIJ. « Ces arguments ignorent les limitations très sérieuses de ce suivi, en particulier le fait que nous avons ici affaire à des visites occasionnelles à un détenu isolé, qui a toutes les raisons de craindre des représailles s’il fait état de mauvais traitements. »

Le cas d’Ahmed Agiza, un ressortissant égyptien renvoyé de force en Égypte par le gouvernement suédois en 2001, avec l’implication des Etats-Unis, est un exemple flagrant de l’échec des assurances diplomatiques, même doublées d’un mécanisme de suivi après retour. Agiza a affirmé de manière crédible qu’il a été soumis à la torture après son retour en Égypte, malgré des visites régulières en prison de représentants de l’ambassade suédoise. Dans une décision importante prise en mai, le Comité des Nations unies contre la torture a déclaré que la Suède avait violé son obligation de non refoulement dans cette affaire.

Selon Amnesty International, Human Rights Watch et la CIJ, plutôt que de chercher à perfectionner un instrument défaillant par nature, les États membres du Conseil de l’Europe doivent consacrer leur énergie à aider les gouvernements du monde entier à prendre toutes les mesures législatives, administratives, judiciaires et autres nécessaires à la mise en œuvre, dans tout leur système, de l’obligation internationale de prévenir et d’interdire la torture.

« Les tentatives de créer des normes pour les assurances diplomatiques auront comme seul effet d’encourager leur usage, de saper l’interdiction universelle de la torture, et au bout du compte, d’exposer plus de gens à la torture », ont ajouté les trois organisations.

Paradoxalement, la réunion gouvernementale de Strasbourg - un groupe d’experts établi sous les auspices du Comité directeur pour les droits de l’homme du Conseil des ministres - est le même que celui de 2002, qui avait produit l’ensemble de normes le plus étendu à ce jour pour garantir les droits humains dans la lutte contre le terrorisme : les Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme. Tous les États membres du Conseil de l’Europe se sont engagés à respecter ces normes.

La recherche d’assurances diplomatiques contre la torture et les mauvais traitements constitue un phénomène mondial, les gouvernements d’Europe et d’Amérique du nord jouant clairement un rôle moteur. En Europe, la Suède et le Royaume-Uni figurent parmi les plus chauds partisans de ces pratiques.

La détermination des gouvernements à utiliser les assurances diplomatiques, malgré l’accumulation d’éléments prouvant leur inefficacité, a vu parallèlement l’émergence d’un consensus de plus en plus clairement exprimé parmi les experts et organes de surveillance, ainsi que certains tribunaux nationaux, concernant les risques liés à ces assurances. Manfred Nowak, Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, a par exemple constamment prévenu les gouvernements que les assurances diplomatiques ne sont ni fiables ni efficaces dans la protection contre la torture et les mauvais traitements ; il a demandé aux gouvernements de s’abstenir d’y avoir recours.

Pour lire la communication conjointe sur les assurances diplomatiques, merci de consulter :
http://web.amnesty.org/library/index/engior610252005

Pour lire une déclaration conjointe d’ONG sur les assurances diplomatiques à partir de mai 2005, merci de consulter :
http://web.amnesty.org/library/Index/ENGACT400022005?open&of=ENG-313

Pour lire le rapport de Human Rights Watch « Still at Risk : Diplomatic Assurances No Safeguard Against Torture », merci de consulter :
http://hrw.org/reports/2005/eca0405/

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