Toujours aucune action du Comité des ministres du Conseil de l’Europe au sujet des « restitutions » et des détentions secrètes : à quand une décision ?

Déclaration publique

IOR 61/002/2008

Amnesty International trouve extrêmement regrettable que les représentants des 47 États membres siégeant au Comité des ministres du Conseil de l’Europe ne soient pas parvenus à se mettre d’accord pour condamner sans réserve le programme de « restitutions » et de détentions secrètes mis en place par les États-Unis. Elle regrette également qu’ils n’aient pas annoncé qu’ils allaient prendre des mesures pour empêcher que ne se reproduisent les graves atteintes aux droits humains auxquelles a donné lieu, notamment en Europe, l’application de ce programme.

Il est aujourd’hui avéré que des responsables d’États européens ont été complices de détentions secrètes et illégales, de transferts de personnes vers des pays étrangers en dehors de tout cadre légal, de disparitions forcées et d’actes de torture ou autres mauvais traitements dans le cadre de ce programme de « restitutions » et de détentions secrètes.

Cette complicité et des lacunes dans la législation – qui ont facilité le comportement illégal des services de renseignements nationaux étrangers et européens en les protégeant de toute obligation de rendre des comptes – ont été clairement établies dans les décisions du Comité des droits de l’homme des Nations unies, du Comité des Nations unies contre la torture, de la Chambre des droits de l’homme de Bosnie et par les enquêtes de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et de son secrétaire général ou du Parlement européen.

Amnesty International considère que les faits révélés à ce jour par ces enquêtes et un certain nombre d’autres rapports indiquent clairement qu’il faut agir pour que les auteurs de graves atteintes aux droits humains soient amenés à rendre des comptes, et pour empêcher que de telles violences ne se reproduisent.

L’organisation continue donc d’appeler les 47 États membres du Conseil de l’Europe à faire en sorte que soit mis un terme au secret et à tous les faux-fuyants autour de cette affaire.

Lorsque des allégations crédibles laissent supposer que des atteintes aux droits humains se sont produites sur le territoire d’un État membre du Conseil de l’Europe, ou ont été perpétrées par des fonctionnaires de cet État, une enquête indépendante et approfondie doit être diligentée. Les enquêteurs doivent avoir tout pouvoir pour requérir la production de preuves et la comparution de témoins.

Les responsables présumés des actes illégaux qui se sont produits doivent être déférés à la justice.

Les États impliqués dans les atteintes aux droits humains qui ont été perpétrées ont le devoir d’accorder réparation, y compris sous forme d’indemnisation juste, aux victimes de « restitutions » et de détentions secrètes.

La Convention européenne des droits humains l’exige.

Amnesty International considère également que le Conseil de l’Europe a un rôle à jouer et doit établir des normes visant à s’assurer que :
les services de renseignements nationaux et étrangers opèrent dans le cadre de la loi, respectent les droits humains et ont obligation de rendre compte de leurs actes ;
les informations concernant les atteintes aux droits humains ne sont pas protégées par le sceau du secret sous couvert de protection de la sécurité nationale.

La véritable sécurité pour les peuples des 47 États membres du Conseil de l’Europe comme pour tous les autres réside dans le respect des droits humains et la primauté du droit. Ce sont ces principes fondateurs du Conseil de l’Europe que nous voulons que le Comité des ministres, principal organe de décision du Conseil de l’Europe, protège.

Complément d’information

Le 18 janvier, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a rendu publique sa réponse aux recommandations faites par l’Assemblée parlementaire au sujet des détentions secrètes et transferts illégaux de détenus dans lesquels des États membres du Conseil de l’Europe ont été impliqués. Les recommandations de l’Assemblée avaient été adoptées en juin 2007, à l’issue des débats engagés après le second rapport de Dick Marty, sénateur suisse et rapporteur de l’Assemblée.

Dans cette réponse, qui figure dans le document final CM/AS (2008) Recommandation 1801, le Comité des ministres note, parmi d’autres observations, que les deux rapports de l’Assemblée parlementaire contiennent des allégations d’atteintes graves aux droits humains et font état de lacunes dans la législation nationale d’États membres du Conseil de l’Europe.

Dans ce document, les ministres rappellent également :
les obligations existant au titre de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), selon laquelle « des enquêtes promptes et efficaces, susceptibles de mener à l’identification et à la condamnation des responsables de tout acte illégal, demeurent la réaction la plus appropriée aux allégations sérieuses de violations graves des droits humains » ;
le fait que, « conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des Droits humains, la responsabilité d’un Etat partie pour la violation matérielle des dispositions de la Convention ne résulte pas uniquement d’une action directe de ses autorités, mais également d’un manquement à se conformer à ses obligations positives de prévenir les violations des droits de l’homme sur son territoire ou à conduire une enquête indépendante et impartiale sur les allégations substantielles de telles violations des droits humains » ;
et « la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ouverte à la signature le 6 février 2007, dont l’entrée en vigueur constituera une contribution significative à la lutte contre la pratique des disparitions forcées ».

Le Comité des ministres a déclaré être « convaincu de l’importance essentielle de la promotion et de la protection des droits humains pour tous et de l’état de droit dans la lutte contre le terrorisme ». Il a réaffirmé que « tenant compte de la nature complexe des sujets évoqués, le Comité des Ministres, si nécessaire, envisagera d’entreprendre de futurs travaux à ce sujet » (c’est Amnesty International qui souligne).

Cependant, les ministres ne sont pas allés jusqu’à condamner ouvertement la complicité européenne dans le programme de « restitutions » et de détentions secrètes mis en place par les États-Unis, ni jusqu’à convenir de l’élaboration de normes supplémentaires.

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