Le traitement cruel et inhumain d’Albert Woodfox et Herman Wallace

Déclaration publique

Index AI : AMR 51/025/2011

ÉFAI

5 avril 2011

Herman Wallace et Albert Woodfox, deux sexagénaires, sont maintenus à l’isolement depuis près de 40 ans dans une prison en Louisiane. À la connaissance d’Amnesty International, aucun autre prisonnier aux États-Unis n’a été détenu aussi longtemps dans des conditions si cruelles et inhumaines.

Depuis plusieurs dizaines d’années, ces deux hommes passent 23 heures par jour enfermés dans des cellules de l’« unité de confinement cellulaire » qui mesurent 2 mètres sur 3. Ils sont autorisés à sortir de leur cellule sept heures par semaine, pour faire de l’exercice seuls dans une cage extérieure, se doucher ou marcher seuls dans le couloir de l’unité. Leurs décennies d’isolement cellulaire ont été dépourvues d’occasions de stimulation mentale ou sociale : aucun enseignement, aucune possibilité de travailler, un accès restreint aux livres, pas de télévision dans leur cellule, et une interaction sociale se limitant aux appels téléphoniques et aux visites.

Albert Woodfox et Herman Wallace ont été placés à l’isolement après avoir été accusés du meurtre d’un gardien tué au cours d’une émeute dans la prison en 1972. Ils ont toujours clamé leur innocence et affirmé qu’ils avaient été mis en cause en raison de leur militantisme politique en prison, en tant que membres du Parti des Panthères noires. Des documents juridiques laissent penser que la crainte de leur militantisme politique est un facteur de la décision prise par l’administration pénitentiaire de les maintenir à l’isolement. Tous deux ont formé des recours contre leur condamnation qui sont en instance devant les tribunaux fédéraux.

Les nombreuses années d’isolement cellulaires ont eu une incidence sur la santé physique et psychologique des deux hommes, qui sont maintenant âgés et infirmes. Les dossiers médicaux de la prison relatifs à leur état de santé mentale indiquent qu’ils ne représentent aucune menace pour eux-mêmes ni pour les autres, et la commission de révision interne qui a réexaminé – plus de 150 fois – la décision de l’administration de les maintenir à l’isolement de manière prolongée n’a jamais conclu qu’ils étaient physiquement dangereux, ni qu’ils risquaient de s’évader. La seule raison fournie pour justifier leur maintien dans les mêmes conditions est la « nature du motif initial du placement à l’isolement ».

En 1996, la politique carcérale de la Louisiane a été modifiée pour que le « motif initial du placement à l’isolement » ne soit plus un facteur pris en compte par la commission de révision lorsqu’elle examine l’opportunité de prolonger l’isolement cellulaire d’un détenu. Cependant, cette modification n’a jamais été appliquée lors des réexamens concernant Albert Woodfox et Herman Wallace, puisque la commission continue d’écrire « motif initial du placement à l’isolement » sur tous les documents leur refusant une reclassification.

Amnesty International estime que le maintien à l’isolement d’Albert Woodfox et Herman Wallace dans l’unité de confinement cellulaire n’a aucune fonction pénale légitime et bafoue les normes internationales selon lesquelles les détenus doivent être traités avec humanité. La commission de révision de la prison, qui tamponne depuis plusieurs décennies la décision initiale prise par le directeur de la prison de placer ces deux hommes dans l’unité de confinement cellulaire, n’a jamais procédé à un véritable réexamen de leur placement à l’isolement.

Amnesty International considère que cette négligence, ajoutée à l’ensemble des conditions carcérales au cours des décennies, s’apparente à une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, en violation des traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels les États-Unis sont partie.

Depuis 11 ans, les deux hommes contestent devant les tribunaux fédéraux les conditions cruelles de leur isolement. En 2007, un juge a estimé que ces conditions constituaient une privation d’un besoin humain fondamental en violation du 8e amendement de la Constitution des États-Unis, qui interdit les châtiments cruels et exceptionnels. Cette affaire est toujours en attente d’un examen approfondi par le tribunal de première instance.

Amnesty International appelle les autorités de la Louisiane à faire sortir immédiatement Albert Woodfox et Herman Wallace de leur isolement cellulaire et à mettre un terme aux nombreuses années de traitement cruel, inhumain et dégradant qu’ils ont endurées. Dans le cas où elles ne prendraient pas ces mesures, l’organisation les exhorte à au moins veiller à ce que ces deux hommes soient traités dans le respect des normes internationales et de la Constitution des États-Unis.

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