Durant cette session, les résultats du troisième examen périodique universel du bilan de la Tunisie en matière de droits humains ont été adoptés. Les autorités tunisiennes ont accepté 189 recommandations concernant la façon d’améliorer ce bilan, notamment celles concernant l’amélioration du respect de l’obligation de rendre des comptes pour les abus commis par les forces de sécurité, l’élimination de la torture et des autres formes de mauvais traitements et le fait de veiller à ce que la lutte contre le terrorisme et les mesures visant à garantir la sécurité nationale me mettent pas en péril les droits humains.
« Les engagements pris aujourd’hui par la Tunisie représentent une avancée positive. Mais le gouvernement doit rapidement mettre en œuvre les réformes nécessaires à la réalisation des progrès promis en matière de droits humains », a déclaré Heba Morayef, directrice de la recherche pour l’Afrique du Nord à Amnesty International.
Deux récents projets de loi ont remis en question l’engagement du gouvernement à faire respecter l’obligation de rendre des comptes. La semaine dernière, le Parlement tunisien a adopté un projet de loi controversé accordant amnistie aux fonctionnaires accusés de corruption sous le régime de l’ancien président Zine el Abidine Ben Ali.
Les engagements de la Tunisie liés à la réforme du secteur de la sécurité seront gravement compromis si le gouvernement ne retire pas le projet de loi « relatif à la répression des atteintes contre les forces armées », qui vise à accorder une immunité aux forces de sécurité en cas d’utilisation injustifiée de la force meurtrière et à réprimer pénalement ceux qui critiquent le comportement de la police. Ce projet de loi pourrait être de nouveau soumis au Parlement dès le mois prochain.
« L’engagement pris par la Tunisie de mettre fin à l’impunité des forces de sécurité sera vide de sens si les autorités entérinent ce projet de loi qui met les forces de sécurité à l’abri de poursuites judiciaires en cas de violations des droits humains. Les autorités doivent démontrer qu’elles sont résolues à tenir les engagements qu’elles ont pris aujourd’hui, en abandonnant immédiatement ce projet de loi », a déclaré Heba Morayef.
Amnesty International demande depuis des années aux autorités tunisiennes d’accroître leurs efforts pour réformer le secteur de la sécurité et éradiquer l’impunité. Or, depuis 2011, dans la très grande majorité des cas, les allégations dignes de foi faisant état d’actes de torture et d’autres violations graves commises par les forces de sécurité n’ont pas fait l’objet d’enquêtes indépendantes et impartiales, et un nombre infime de poursuites judiciaires ont été engagées.
Sur les 248 recommandations formulées par plus de 100 pays, la Tunisie en a adopté 189, a pris note de 55 d’entre elles et en a reporté 4 lors de la session d’aujourd’hui qui lui était consacrée.
Les autorités tunisiennes ont notamment accepté de veiller à ce que toutes les allégations de torture fassent l’objet d’enquêtes impartiales et efficaces.
Dans son rapport de février 2017 intitulé Violations des droits humains sous l’état d’urgence, Amnesty International a souligné que des violations telles que des actes de torture, des arrestations arbitraires et des restrictions au droit de circuler librement ont été commises au nom de la sécurité nationale depuis la chute du régime du président Ben Ali en 2011.
« La Tunisie ne doit pas gâcher cette occasion de respecter les engagements qui découlent de sa propre Constitution et du droit international relatif aux droits humains : elle se doit de mettre en œuvre les réformes qu’elle a promises et de réaliser de véritables avancées en matière de droits humains », a déclaré Heba Morayef.
Lors d’un récent entretien avec Amnesty International à Tunis, le ministre tunisien chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des Droits de l’homme, Mehdi Ben Gharbia, a discuté des résultats de l’examen de la situation des droits humains réalisé par l’ONU.
Il a insisté sur le fait que le gouvernement prend très au sérieux les recommandations relatives à l’intégrité physique, et que des efforts sont entrepris pour faire face à la torture, mais qu’il faut du temps pour surmonter l’héritage de l’ère Ben Ali. Il a aussi ajouté que les autorités ne ménagent pas leurs efforts pour mettre un terme aux examens anaux forcés qui sont régulièrement pratiqués sur des hommes soupçonnés d’avoir des relations homosexuelles. Amnesty International considère que cet examen représente un acte de torture.
À cet égard, Amnesty International accueille avec satisfaction le fait que la Tunisie a accepté deux recommandations visant à ce que cessent immédiatement les examens anaux et à garantir la protection des personnes LGBTQI de toutes formes de stigmatisation, de discrimination et de violence. Toutefois, l’organisation regrette fortement le rejet par la Tunisie de 14 recommandations relatives à la dépénalisation des relations homosexuelles par l’abrogation de l’article 230 du Code pénal.
Lors de la session d’aujourd’hui, les autorités tunisiennes se sont également engagées à mettre la législation nationale en conformité avec la nouvelle constitution du pays et avec les normes internationales relatives aux droits humains. Amnesty International demande à présent aux autorités d’accélérer le processus de création de la Cour Constitutionnelle, qui n’a que trop tardé, et d’amender le Code pénal tunisien afin que tous les articles relatifs à la liberté d’expression et d’association, à la torture et à la peine de mort soient en conformité avec le droit international.
Il est décevant de constater que la Tunisie a rejeté la recommandation demandant que les civils ne puissent plus être jugés par des tribunaux militaires, cette pratique constituant une violation des normes internationales relatives à l’équité des procès.
Il s’agit du troisième examen périodique universel du bilan de la Tunisie réalisé par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Amnesty International a fait une déclaration orale lors de la session d’aujourd’hui, et en amont de cette session, elle avait soumis au Conseil un rapport soulignant les principaux motifs de préoccupation concernant la situation des droits humains dans ce pays, ainsi que des recommandations essentielles.