Tunisie : Halte aux tentatives visant à fermer une organisation de défense des personnes LGBTI

Les manœuvres du gouvernement tunisien ayant pour but de dissoudre Shams, une association locale de défense des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), constituent une attaque méprisable contre les droits humains, a déclaré Amnesty International avant une audience prévue pour vendredi 1er mars qui décidera du sort de cette organisation.
 

Les autorités tunisiennes ont formé un recours contre une décision de justice datant de 2016, qui avait conclu que Shams n’enfreignait pas la loi. Elles avaient auparavant déjà cherché à forcer cette organisation à mettre la clé sous la porte. Les autorités ont fait appel de cette décision au motif que les objectifs affichés par Shams sont contraires à la culture et aux principes religieux tunisiens.

 
« Les agissements honteux des autorités tunisiennes dans le but de dissoudre l’organisation Shams sont une attaque dévastatrice contre les droits des personnes LGBTI en Tunisie, ainsi qu’une atteinte méprisable au droit d’association et à la liberté d’expression. Ces manœuvres mettent en évidence les positions discriminatoires et homophobes profondément ancrées du gouvernement tunisien, qui sont en contradiction totale avec les normes internationales en matière de droits humains », a déclaré Magdalena Mughrabi, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« Ces manœuvres mettent en évidence les positions discriminatoires et homophobes profondément ancrées du gouvernement tunisien, qui sont en contradiction totale avec les normes internationales en matière de droits humains »

 
« La Tunisie s’attire les louanges parce qu’elle est l’un des seuls pays de la région à proposer un espace à la société civile. Le genre de harcèlement judiciaire constaté fait toutefois sérieusement douter de la détermination de la Tunisie à faire respecter le droit à la liberté d’association. »

Shams, association fondée en 2015, s’est mobilisée en faveur de l’abrogation de l’article 230 du Code pénal tunisien, qui érige en infraction les relations sexuelles entre personnes du même sexe. Cette organisation a également dénoncé les poursuites engagées contre des hommes gays - impliquant notamment des examens anaux forcés -, a lutté contre les discriminations et soutient les personnes LGBTI en Tunisie.
 
En janvier 2016, le secrétaire général du gouvernement a porté plainte contre Shams au motif que les objectifs de celle-ci violaient la Loi tunisienne relative aux associations, ce qui a donné lieu à la suspension des activités de l’organisation pour 30 jours. En février 2016, le tribunal de première instance de Tunis a estimé que Shams n’avait pas enfreint la loi et a levé la suspension.
 
Trois ans plus tard, en janvier 2019, le gouvernement tunisien a fait appel de cette décision de justice lorsque le chargé du contentieux de l’État a formé un recours affirmant que le concept de minorités sexuelles adopté par Shams est illégal et contraire aux préceptes religieux et à la culture arabe et islamique de la société tunisienne. Shams a été notifiée de cet appel le 20 février 2019.
 
Le recours formé accuse également Shams d’avoir enfreint un décret gouvernemental en ouvrant une antenne dans la ville de Sousse sans avoir suivi la procédure juridique en vigueur.
 

« Les autorités tunisiennes devraient protéger les organisations qui combattent toutes sortes de discriminations et défendent les droits des minorités, notamment des personnes LGBTI, et non pas essayer de les détruire », a déclaré Magdalena Mughrabi.

 
« Au lieu de recourir au harcèlement judiciaire pour réduire Shams au silence, les autorités tunisiennes devraient s’attacher à réviser de toute urgence les lois discriminatoires afin de les mettre en conformité avec les normes internationales en matière de droits humains. Elles doivent commencer par abroger l’article 230 et dépénaliser les relations sexuelles entre personnes de même sexe. »
 
L’article 230 viole la Constitution tunisienne, qui garantit le droit à la liberté d’association et à l’égalité entre tous les citoyen·ne·s, et contrevient aux obligations internationales du pays en matière de droits humains. Cette loi instaure par ailleurs un climat permissif à l’égard des crimes motivés par la haine contre les personnes soupçonnées d’entretenir des relations homosexuelles.
 
Bien qu’une proposition de loi visant à dépénaliser les relations entre personnes de même sexe ait été soumise au Parlement tunisien l’an dernier, les personnes LGBTI continuent à faire l’objet d’attaques.

En 2018, au moins 115 personnes ont été arrêtées en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre supposées, selon Damj, une organisation non gouvernementale tunisienne travaillant sur les droits des personnes LGBTI.

 
En 2018, au moins 115 personnes ont été arrêtées en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre supposées, selon Damj, une organisation non gouvernementale tunisienne travaillant sur les droits des personnes LGBTI. Au moins 38 personnes ont plus tard été inculpées et déclarées coupables en vertu de l’article 230. Arrêter et incarcérer une personne sur la base de son orientation sexuelle ou identité de genre constitue une violation de ses droits fondamentaux.
 
La police continue par ailleurs à soumettre les hommes accusés de relations homosexuelles à un examen anal forcé, en violation de l’interdiction de la torture inscrite dans le droit international. Les personnes transgenres continuent à être harcelées par la police et à vivre dans la peur constante d’être arrêtées en vertu de vagues lois relatives aux bonnes mœurs.
 

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