Communiqué de presse

Tunisie. Il faut abandonner les charges contre trois personnes accusées d’avoir insulté la police lors du procès d’un rappeur

Amnesty International a demandé mardi 18 juin aux autorités tunisiennes d’abandonner les accusations prononcées contre trois personnes le 17 juin pour insulte à agents de l’État et atteinte à la moralité publique, après qu’elles eurent protesté contre une peine de prison de deux ans infligée au rappeur Alaa Eddine Yaakoubi.

L’organisation appelle également les autorités à enquêter immédiatement sur les allégations de recours excessif à la force par la police au tribunal où Alaa Eddine Yaakoubi, également connu sous le nom de Weld El 15, a été condamné le 13 juin pour insulte à la police, indécence et atteinte à la moralité publique. Tout fonctionnaire de police responsable de ces actes doit rendre des comptes.

Des témoins oculaires ont déclaré à Amnesty International que la peine d’emprisonnement de deux ans avait provoqué la colère parmi les partisans du rappeur lors du procès, qui s’est déroulé devant un tribunal de Ben Arous, dans la banlieue de Tunis, la capitale. La police aurait refoulé ces gens hors de la salle d’audience puis roué de coups certains d’entre, ainsi que des journalistes qui filmaient la scène. Emine Mtiraoui, journaliste du site web d’information Nawaat, a assisté au procès. Il a déclaré à Amnesty International :

« Nous sortions de la salle d’audience, et des policiers en colère essayaient de pousser les gens dehors. J’ai filmé quelqu’un battre une femme, et mon appareil m’a été arraché des mains. Des policiers en civil ont commencé à me donner des coups de poing, des coups de pied, puis à m’asséner des coups de bâton ».

Emine Mtiraoui s’est retrouvé à l’hôpital afin de se faire soigner pour ses blessures : une possible fracture à un doigt, des ecchymoses sur la poitrine et aux pieds.

D’autres personnes, qui avaient assisté à l’audience, ont été arrêtées et emmenées au poste de police. Trois d’entre elles, y compris Hind Meddeb, une journaliste, ont été accusées hier par le procureur d’insulte à agents de l’État et d’atteinte à la moralité publique concernant leurs commentaires visant la police et concernant le verdict prononcé contre Alaa Eddine Yaakoubi. Hind Meddeb n’a pas pu lire le rapport d’interrogatoire de police, mais a été contrainte de le signer afin de ne pas rester en garde à vue, selon son avocat.

Alaa Eddine Yaakoubi a été condamné le 13 juin à la suite d’un clip vidéo (« Les flics sont des chiens »), qui évoque les brutalités policières. Bien qu’il ait été acquitté de « conspiration en vue de commettre des violences contre des agents de l’État » et de « participation à une rébellion », il a été condamné à deux ans d’emprisonnement en vertu des articles 125 et 128 du Code pénal, qui concernent les insultes à agents de l’État et la diffamation, et des articles 226 et 226 bis, qui pénalisent l’indécence et les atteintes à la moralité publique.

L’utilisation répétée des accusations de diffamation et d’atteinte à la « moralité publique » contre des personnes critiques à l’égard du gouvernement, des journalistes, des blogueurs et des artistes, souligne l’urgente nécessité de revoir les lois tunisiennes, notamment le Code pénal, qui étouffent la liberté d’expression. Selon les normes internationales relatives aux droits humains, la diffamation des fonctionnaires ne constitue pas une infraction pénale. Des accusations d’indécence et d’atteinte à la moralité publique ont également été utilisées pour condamner et même emprisonner des personnes qui expriment pacifiquement leurs opinions en Tunisie.

Amnesty International a recensé un certain nombre de cas où des personnes en Tunisie ont été accusées, condamnées, voire emprisonnées selon ces chefs d’accusation au cours des deux dernières années. Parmi ces personnes, on peut citer Jabeur Mejri, un blogueur et prisonnier d’opinion, qui purge actuellement une peine de prison de sept ans et demi pour des messages jugés insultants envers l’islam et les musulmans.

Le cas de Ayoub Massoudi, ancien conseiller présidentiel, sera examiné par la Cour de cassation le 19 juin. En avril 2013, il a reçu une peine d’emprisonnement de quatre mois avec sursis par un tribunal d’appel militaire pour atteinte à la réputation de l’armée et diffamation d’un fonctionnaire. Il avait critiqué l’extradition de l’ancien Premier ministre libyen, Baghdadi Mahmoudi, vers la Libye. Il a aussi été privé de certains droits civiques, se voyant notamment interdire de servir dans l’armée, de travailler dans la fonction publique ou d’obtenir des distinctions de la part de l’État.

Le procès du blogueur Hakim Ghanmi a été reporté par un tribunal militaire au 3 juillet. Il a été inculpé d’atteinte à la réputation de l’armée, d’avoir diffamé un fonctionnaire public, et de déranger d’autres personnes via des réseaux de communication. Il est par ailleurs accusé d’avoir mis en ligne une lettre au ministre de la Défense critiquant les actions du directeur de l’hôpital militaire de Gabès .

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