Tunisie. Les agressions contre des journalistes doivent être sanctionnées

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI-
30 octobre 2009

L’agression de deux journalistes indépendants et l’arrestation d’un troisième au lendemain des élections du 25 octobre en Tunisie doivent être sanctionnées, a déclaré Amnesty International ce vendredi 30 octobre 2009.

« Selon toute vraisemblance, ces trois journalistes ont été pris pour cibles parce qu’ils ont critiqué le gouvernement et se sont opposés à la réélection, pour un cinquième mandat, du président Zine el Abidine Ben Ali , a indiqué Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Cette situation est extrêmement préoccupante et laisse présager une répression soutenue de la dissidence. »

Slim Boukhdhir, journaliste indépendant déjà incarcéré pour ses critiques à l’égard de l’action du gouvernement, a été intercepté en pleine rue et contraint de monter dans une voiture le 21 octobre au soir, par cinq hommes en civil, qui seraient tous des agents de police ou de sécurité.

Ils l’ont obligé à fermer les yeux, l’ont battu et insulté alors qu’ils roulaient. Puis ils ont arrêté la voiture, l’ont jeté hors du véhicule et l’ont roué de coups de pied et de poing jusqu’à ce qu’il perde connaissance.

Auparavant, l’un des agresseurs avait brandi un couteau et menacé de le poignarder.

Ces cinq hommes l’ont déshabillé et lui ont pris son téléphone portable, ses papiers d’identité, son argent et les clefs de son domicile, semble-t-il pour faire croire à une simple agression criminelle. Ils l’ont ensuite abandonné dans le parc du Belvédère, dans le nord de Tunis.

Un passant l’a aidé à prendre un taxi et un ami l’a ensuite conduit à l’hôpital, où il a appris qu’il avait le nez cassé et des séquelles à l’œil gauche, en plus de multiples contusions au visage et de douleurs à la poitrine.

Deux heures avant son enlèvement et son agression, Slim Boukhdhir avait, lors d’une interview à la BBC, dénoncé l’absence de liberté de la presse en Tunisie.

Le 29 octobre, un autre journaliste et détracteur notoire du gouvernement, Taoufik Ben Brik, a été placé en garde à vue après s’être rendu au commissariat où il avait été convoqué dans le cadre de la prétendue agression d’une femme près de l’école de sa fille le 22 octobre.

Après avoir comparu devant un juge d’instruction en l’absence de ses avocats, il a été inculpé d’« agression, atteinte aux bonnes mœurs et détérioration des biens d’autrui », pour reprendre les termes d’une déclaration officielle. Taoufik Ben Brik est actuellement incarcéré à la prison de Mornaguia et son procès devrait s’ouvrir le 19 novembre.

Avant l’élection présidentielle, ce journaliste a écrit plusieurs articles mettant en cause le gouvernement du président Ben Ali.

Dans cette même journée du 29 octobre, Lotfi Hajji, correspondant local de la chaîne satellitaire Al Jazira, a été copieusement injurié alors qu’il arrivait à l’aéroport Carthage de Tunis, de retour du Qatar.

Son agresseur inconnu, soupçonné d’être membre des forces de sécurité ou d’agir pour leur compte, a vociféré et l’a insulté de manière très intimidante, l’accusant de s’opposer au gouvernement. Dans son reportage pour Al Jazira, Lotfi Hajji avait critiqué certaines facettes des récentes élections présidentielle et législatives.

Le fait que ces journalistes, tous détracteurs notoires du gouvernement de Ben Ali, soient pris pour cibles atteste d’une politique globale qui, depuis longtemps, se traduit par une surveillance policière oppressive, des menaces et des mesures d’intimidation infligées aux détracteurs du régime et aux défenseurs des droits humains par des agents de sécurité ou des personnes en civil soupçonnées d’agir en leur nom.

« Il est grand temps que le gouvernement tunisien remette de l’ordre dans ses affaires et s’acquitte des obligations qui lui incombent au titre du droit international relatif aux droits humains, a conclu Malcolm Smart.

« Sur la scène internationale, il se targue de sa mobilisation en faveur des droits humains et de sa bonne gouvernance, ce qui est malheureusement loin d’être vrai. Dans la pratique, il ne tolère pas la critique et autorise forces de sécurité et gros bras à agresser et intimider ses détracteurs en toute impunité. »

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