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Tunisie : les réformes dans le domaine des droits humains sont indispensables pour redonner espoir aux Tunisiens

Par l’équipe de recherche d’Amnesty International sur la Tunisie

Klaxons, enfants agitant des drapeaux tunisiens, vieillards posant joyeusement devant les caméras et longues files d’électeurs dans les cours d’école : dimanche 26 octobre 2014, les Tunisiens se rendaient aux urnes pour la première fois depuis l’adoption de la nouvelle Constitution, presque quatre ans après être descendus dans la rue pour protester contre des années de répression et d’atteintes aux droits humains. Leur enthousiasme était palpable, mais le succès de ce processus électoral jusqu’à présent ne doit toutefois pas masquer les réalités plus sombres qui persistent en Tunisie.

Depuis le soulèvement de 2010-2011 qui a renversé l’ancien président Zine el Abidine Ben Ali, les violations des droits humains perdurent.

Nous l’avons clairement constaté depuis notre arrivée à Tunis, où nous avons vu des familles protester contre la torture dont leurs proches ont été victimes aux mains des forces de sécurité et demander justice et obligation de rendre des comptes. Leurs témoignages sont venus conforter les informations faisant état de torture et de décès en détention que nous recevions depuis plusieurs semaines.

On sait encore peu de choses sur la structure des forces de sécurité tunisiennes, qui n’ont pas été réformées depuis le soulèvement.

Les membres du gouvernement et les responsables politiques affirment que la sécurité doit être une priorité compte tenu des deux assassinats politiques qui ont eu lieu en 2013 et de l’instabilité croissante aux frontières avec l’Algérie et la Libye, attribués par les autorités à des cellules « terroristes ». Toutefois, cela pose des questions inquiétantes en matière de droits humains.

Juste 48 heures avant les élections, les forces de sécurité ont pris d’assaut une maison qu’elles assiégeaient dans la banlieue de Tunis, où elles soupçonnaient des hommes armés de se cacher ; cinq femmes et un homme ont été tués dans cette opération et un enfant a été blessé. La veille, un policier de la Garde nationale avait trouvé la mort dans la confrontation.

L’impunité était l’une des marques de fabrique du régime Ben Ali, et les autorités actuelles utilisent aussi le prétexte des menaces à la sécurité pour laisser les forces de sécurité commettre des violations des droits humains en toute impunité.

En août, deux femmes ont été abattues par des policiers à Kasserine alors qu’elles rentraient en voiture d’un mariage, tard dans la nuit. Le ministre de l’Intérieur nous a dit que ces policiers n’avaient pas été suspendus et ne faisaient l’objet d’aucune enquête interne car la mort des deux femmes était le résultat d’une « erreur » commise alors que les agents protégeaient la zone contre des menaces terroristes.

Les opérations antiterroristes de la Tunisie ne doivent pas servir d’excuse pour permettre aux forces de sécurité d’échapper aux poursuites en cas de violations.

Notre visite à l’ancien prisonnier d’opinion Jabeur Mejri, qui a été gracié pour la deuxième fois le 14 octobre, nous a brutalement remis en mémoire d’autres violations des droits humains commises par les autorités.

Jabeur avait été condamné à sept ans et demi de prison en 2012 pour des articles publiés en ligne et jugés insultants envers l’islam et le prophète Mahomet. Il avait bénéficié d’une première grâce début 2014, avant d’être de nouveau emprisonné pour « insulte » à un fonctionnaire.

Le 24 septembre 2014, Amnesty International a publié un manifeste pour les droits humains proposant 10 engagements que devaient prendre les candidats pour mettre en œuvre de véritables réformes en matière de droits humains.

Depuis, l’organisation a recueilli activement les signatures des candidats et des partis politiques en Tunisie et à l’étranger, notamment lors d’une conférence à Tunis en octobre, au cours de laquelle 11 partis politiques ont signé sans réserve notre manifeste. Cependant, d’autres partis sont restés évasifs ou ont simplement rejeté l’engagement d’abolir la peine de mort.

Maintenant que les résultats des élections législatives sont imminents, nous allons suivre attentivement les mesures prises par les nouveaux députés pour améliorer la situation en matière de droits humains.

Un nouveau projet de loi sur la violence contre les femmes doit être présenté le 25 novembre à la nouvelle assemblée. Dans le cadre de notre campagne pour le droit des femmes et des fillettes de ne pas subir de violences sexuelles, nous allons exhorter les nouvelles autorités à adopter et à mettre en œuvre une loi spécifique et exhaustive contre la violence liée au genre.

Les Tunisiens ont supporté quatre années de transition, espérant que leur persévérance aboutirait à la réalisation de leurs espoirs et de leurs rêves pour le pays. Le respect des droits humains doit être au cœur des élections, ainsi que des actes du nouveau gouvernement. C’est alors seulement que les aspirations des Tunisiens et du soulèvement de 2011 pourront réellement être satisfaites.

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