Les partenaires internationaux du Turkménistan doivent demander publiquement au gouvernement de mettre immédiatement fin aux atteintes aux droits humains visant les militants et de garantir qu’ils puissent s’exprimer sans craindre de représailles.
Le 14 novembre, deux hommes non identifiés ont suivi Soltan Atchilova, 68 ans, journaliste indépendante, et l’ont insultée et menacée à plusieurs reprises. Le lendemain, la police a harcelé et menacé d’arrêter Galina Koutcherenko, 52 ans, militante qui défend les droits des animaux et exprime souvent ses opinions critiques envers le gouvernement sur le site de réseau social russophone Odnaklassniki.ru.
« Ces actes de harcèlement et ces menaces visant des personnes qui critiquent le gouvernement illustrent les efforts soutenus du Turkménistan pour éradiquer la dissidence, a déclaré Rachel Denber, directrice adjointe pour l’Europe et l’Asie centrale à Human Rights Watch. L’enchaînement rapide de ces événements, qui se font quotidiens, laisse à penser que la campagne contre les militants s’intensifie, et elle doit cesser immédiatement. »
Soltan Atchilova, qui travaille pour Radio Azatlyk, le service turkmène de Radio Free Europe/Radio Liberty, a déclaré à la station qu’au moins deux hommes l’ont suivie à bord d’une voiture le 14 novembre, alors qu’elle se rendait à pied jusqu’au Centre de ressources et d’information de l’Ambassade des États-Unis à Achgabat.
Plus tard ce jour-là, alors que Soltan Atchilova photographiait des gens faisant la queue pour acheter de l’huile végétale dans un magasin du quartier, un inconnu l’a empoignée par le bras et lui a hurlé des menaces. Soltan Atchilova a relaté ces menaces à Radio Azatlyk : « Je vais prendre une pierre pour te frapper à la tête. Si tu utilises encore une fois un appareil photo, je l’écraserai, tout comme toi ! Rentre chez toi et n’en ressors plus jamais. Sinon tu mourras. »
Ces propos font suite à une série de menaces, notamment de mort, et d’autres formes de harcèlement qu’a subies Soltan Atchilova en juillet, dans le but manifeste de l’empêcher de faire son travail de journaliste. Elle a déclaré être soumise à la surveillance constante des autorités.
Au cours des dernières années, Soltan Atchilova et ses collègues de Radio Azatlyk ont été harcelés et menacés à maintes reprises en raison de leur travail. Son accès Internet chez elle a été bloqué, tout comme sa ligne fixe et son téléphone portable, vraisemblablement par les autorités.
Galina Koutcherenko a déclaré à Human Rights Watch qu’un haut fonctionnaire de la police l’a appelée le 15 novembre, lui demandant de signer une convocation et de se présenter au poste. Selon son témoignage, ce policier lui a dit qu’une autre militante, que Galina Koutcherenko connaît bien, avait porté plainte contre elle. Au départ, il a refusé de lui préciser la nature de l’accusation, mais a fini par lui dire que cette militante s’était plainte d’avoir été forcée d’écrire à « un magazine américain », sans fournir plus de détails.
Human Rights Watch avait reçu des informations selon lesquelles cette militante avait déjà été harcelée par la police en octobre et avait par la suite assuré à Galina Koutcherenko qu’elle n’avait pas déposé cette plainte.
Quinze minutes après l’appel, quatre hommes qui ne se sont pas identifiés ont frappé à la porte de Galina Koutcherenko, lui demandant de signer une convocation de police en affirmant qu’elle n’avait pas le droit de refuser. Ils sont restés devant la porte de son appartement pendant environ 25 minutes. Galina Koutcherenko leur a répondu par l’interphone qu’elle ne les laisserait pas entrer et qu’ils pouvaient déposer la convocation devant sa porte. Ils sont repartis sans laisser aucun document.
Galina Koutcherenko a déclaré à Human Rights Watch qu’elle craint pour sa sécurité et n’est pas sortie de chez elle depuis ce jour-là.
Elle a ajouté que depuis quelques mois, les autorités turkmènes cherchent à l’intimider à titre de représailles pour ses posts critiques sur les réseaux sociaux russophones. À la veille des Jeux asiatiques des sports en salle et des arts martiaux, que le Turkménistan a accueillis en septembre, la police l’a avertie qu’elle pourrait passer 25 ans derrière les barreaux, sans préciser pourquoi.
Elle est constamment surveillée par des agents en civil et, depuis septembre, ses connexions Internet et de téléphone portable connaissent des coupures inexpliquées. Début novembre, elle a appris que son adresse IP avait été bloquée, supprimant de fait son accès à Internet, et les employés du réseau téléphonique de la ville d’Achgabat lui ont dit que son accès Internet ne serait pas rétabli.
« Les autorités turkmènes menacent et harcèlent souvent les citoyens afin de faire taire tous ceux qui osent critiquer ou remettre en question la politique du gouvernement, a déclaré Denis Krivosheev, directeur adjoint des recherches au bureau régional pour l’Europe et l’Asie centrale d’Amnesty International. Les Turkmènes risquent différentes formes de représailles s’ils dénoncent des atteintes aux droits humains. Aussi la communauté internationale doit-elle faire pression sur les autorités turkmènes pour que ces violations cessent. »
Le harcèlement dont sont victimes Soltan Atchilova et Galina Koutcherenko s’inscrit dans le cadre d’une politique d’intimidation visant les défenseurs des droits humains et autres militants au Turkménistan.
« Le Turkménistan est l’un des pays les plus fermés et répressifs du globe, a déclaré Farid Toukhbatoulline, de l’Initiative turkmène pour les droits humains. Le gouvernement ne tolère aucune dissidence, n’autorise aucune liberté médiatique ni politique, et conduit à l’exil ou derrière les barreaux des opposants politiques, des défenseurs des droits humains et des journalistes indépendants. Le gouvernement arrête, menace et harcèle ses détracteurs – souvent en se servant d’" intermédiaires ". »
En octobre, dans la ville de Dachogouz, des hommes non identifiés ont attaqué la maison de la mère de Farid Toukhbatoulline, 76 ans. En août, des femmes non identifiées ont agressé Natalia Chabounts, l’une des rares défenseures des droits humains publiquement actives au Turkménistan, lui hurlant des insultes raciales et lui conseillant d’aller en Russie.
Les partenaires internationaux du Turkménistan doivent demander aux autorités turkmènes de mener rapidement une enquête efficace et impartiale sur ces agissements. Ils doivent également les inviter à respecter et protéger le droit à la liberté d’expression, que garantit l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Turkménistan est partie depuis 1997.
« Ces mesures de harcèlement renforcent l’image du Turkménistan en tant que pays parmi les plus répressifs du monde, a déclaré Brigitte Dufour, directrice de l’International Partnership for Human Rights. Les dernières informations faisant état d’actes d’intimidation contre Soltan Atchilova et Galina Koutcherenko illustrent à quel point la liberté de parole est bredouillante au Turkménistan. »