Turquie. Les victimes de torture et d’homicides commis par les forces de l’ordre n’obtiennent pas justice.

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

EUR 44/013/2007

Les forces de sécurité continuent d’avoir recours à la torture, aux mauvais traitements et aux homicides avec une impunité persistante, a déclaré Amnesty International dans un rapport publié ce 5 juillet. Les enquêtes et les poursuites concernant de graves violations des droits humains commises par des policiers et des gendarmes sont insuffisantes et accompagnées de décisions contradictoires du parquet et des juges. En conséquence, la justice n’est rendue aux victimes de violations des droits humains qu’avec retard, ou pas du tout.

« Le système de justice pénale a besoin de réformes. Il doit placer fermement la protection des droits humains des citoyens au-dessus des intérêts supposés de l’État et de ses représentants », a déclaré Nicola Duckworth, directrice du programme Europe et Asie centrale à Amnesty International.

Le rapport d’Amnesty International Turkey : The entrenched Culture of impunity must end examine les facteurs contribuant à l’impunité des forces de l’ordre, comme les retards administratifs, les lacunes de procédure judiciaire et l’intimidation des défenseurs des droits humains et des journalistes. Le rapport souligne l’absence d’un organe indépendant capable d’enquêter de manière impartiale et efficace sur les violations des droits humains commises par des représentants de l’État, ainsi que l’absence de données centralisées sur les violations commises par les forces de sécurité.

Parmi les éléments principaux du rapport figurent :

*La torture et les mauvais traitements, notamment en détention non officielle, pendant et après les manifestations, et lors des transferts carcéraux ;

*Les procès en cours en Turquie au cours desquels des déclarations qui auraient été obtenues sous la torture constituent un élément à charge essentiel, le tribunal ayant décidé que ces déclarations étaient recevables ;

*Le refus des tribunaux de reconnaître des examens médicaux indépendants dans les affaires de torture ou autres mauvais traitements. Les tribunaux n’acceptent généralement que les éléments fournis par l’Institut médico-légal, lié institutionnellement au ministère de la Justice.

*La réintroduction d’une disposition controversée dans la révision de la Loi antiterroriste, ne stipulant pas de manière explicite que l’usage de la force doit être strictement nécessaire et proportionné, et que l’usage de la force meurtrière n’est permis que s’il est « rigoureusement inévitable pour protéger des vies ».

*L’absence de progrès dans les enquêtes sur des tirs mortels des forces de l’ordre – en dehors d’affrontements armés – susceptibles d’être des exécutions extrajudiciaires.

En mars 2006, des manifestations antigouvernementales à Diyarbakir, dans l’est de la Turquie, ont été suivies d’arrestations en masse. Il y a eu de très nombreuses allégations de torture ou autres mauvais traitements lors des détentions par la police ; selon des rapports du service d’aide juridique du Barreau, 95 p. cent des détenus, dont des mineurs, avaient été torturés ou avaient subi des mauvais traitements. Trente-quatre enquêtes sur des allégations de torture ou d’autres mauvais traitements auraient été ouvertes. Plus d’un an après, pas une seule poursuite n’a été lancée contre un membre des forces de sécurité.

Amnesty International se félicite de l’engagement proclamé du gouvernement turc en faveur d’une politique de « tolérance zéro pour la torture » et de la protection des droits humains. Notre organisation a noté la diminution du nombre de signalements de torture et de mauvais traitements lors de détentions par la police, et l’amélioration des garanties relatives à la protection des suspects contre les mauvais traitements lors de leur appréhension, détention et interrogatoire.

« L’engagement du gouvernement en faveur d’une ‘tolérance zéro de la torture’ ne pourra jamais être considéré comme sincère et pleinement efficace tant que de vraies mesures ne seront pas prises pour traduire en justice les représentants de l’État qui violent l’interdiction absolue de la torture et d’autres mauvais traitements. La tolérance zéro pour la torture et autres graves violences doit impliquer que les responsables fassent l’objet d’enquêtes, de poursuites et de condamnations complètes et indépendantes », a déclaré Nicola Duckworth.

« Il faudra impérativement une politique de ‘tolérance zéro’ pour l’impunité, pleinement mise en œuvre, pour faire disparaître le spectre de la torture, des mauvais traitements, des homicides et des disparitions forcées, qui gâche encore le bilan de la Turquie en matière de droits humains. »

Contexte

En Turquie, la torture était systématiquement pratiquée en détention par la police et la gendarmerie jusqu’à une date récente. Le coup d’État de 1980 s’est accompagné de la détention d’un million de personnes, qui ont pour beaucoup été torturées ou tuées pendant leur détention, ont subi des disparitions forcées ou un procès inéquitable. Les violations massives des droits humains commises dans les années 1990 par la Turquie dans les régions du sud-est et de l’est à majorité kurde, ont pris la forme de disparitions forcées et d’homicides commis par des inconnus, que les autorités de l’État ne semblaient guère vouloir découvrir, et ont entraîné l’expulsion forcée d’environ un million de villageois, lorsque des villages ont été évacués et détruits par les forces de sécurité lors de leur conflit avec des groupes séparatistes armés. La Cour européenne des droits de l’homme condamne régulièrement la Turquie pour violation de ses obligations internationales dans des affaires concernant le droit à la vie ; la liberté de ne pas être torturé ni maltraité ; le droit à un procès équitable, à la liberté et la sécurité, à la liberté d’expression ; à un recours suffisant ; et à la protection des biens.

Après l’embargo, vous pourrez avoir accès au rapport : Turkey : The entrenched Culture of impunity must end, http://web.amnesty.org/library/index/engeur440082007

Voir :
Procès interminables et déni de justice. Les personnes inculpées en vertu de la Loi antiterroriste continuent d’être soumises à des procès interminables et inéquitables, http://web.amnesty.org/library/index/fraeur440132006
Turkey : Briefing on the wide-ranging, arbitrary and restrictive draft revisions to the Law to Fight Terrorism, http://web.amnesty.org/library/index/engeur440092006

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit