Turquie : Liberté d’expression en berne, Marche des fiertés interdite

Pour la troisième année consécutive, les autorités d’Istanbul ont interdit, pour des motifs fallacieux, le défilé de la Marche des fiertés qui est historiquement l’événement le plus important organisé en Turquie par les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) et ceux qui les soutiennent. Dimanche 25 juin, la police a fait un usage excessif et injustifié de la force contre des personnes qui tentaient de défiler pacifiquement en bravant l’interdiction.

Cet événement, qui s’était déroulé avec succès chaque année pendant plus d’une décennie et qui attirait des dizaines de milliers de participants, avait été cité par les autorités comme un exemple de leur respect pour les droits.

L’interdiction répétée de la Marche des fiertés ces dernières années est un nouvel exemple de l’intolérance des autorités envers la dissidence et la différence ainsi que de la dégradation générale de la situation des droits humains en Turquie et de l’incapacité des autorités à faire respecter les droits des LGBT.

Le bureau du gouverneur d’Istanbul avait publié une déclaration le 24 juin, soit la veille du défilé, dans laquelle il invoquait la nécessité de garantir la sécurité des participants et des touristes dans la zone concernée et de faire respecter l’ordre public. Il mentionnait également l’absence de notification appropriée de la manifestation. Le défilé a été interdit alors que le comité organisateur avait informé les autorités et entamé un dialogue avec elles plusieurs semaines avant la date prévue pour la Marche des fiertés. Bien qu’il existe des motifs légitimes de restriction du droit à la liberté de réunion pacifique, l’interdiction du défilé par les autorités et les motifs invoqués vont directement à l’encontre des obligations de la Turquie découlant du droit à la liberté de réunion pacifique protégé par les normes internationales, notamment la Convention européenne des droits de l’homme et la Constitution turque. Amnesty International considère l’interdiction comme une tentative flagrante des autorités d’empêcher les personnes LGBT et ceux qui les soutiennent de s’exprimer, ce qui constitue une violation de leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

Dimanche 25 juin, une vaste opération de police regroupant plusieurs centaines de policiers en civil et de membres des brigades antiémeutes, appuyés par des véhicules équipés de canons à eau et un hélicoptère, a véritablement bouclé la zone dans laquelle le défilé devait avoir lieu. Des policiers ont également bloqué les rues adjacentes et empêché des personnes considérées comme des manifestants potentiels d’accéder à la zone où devait se dérouler la Marche des fiertés. Alors que l’opération de police empêchait des personnes qui souhaitaient participer au défilé de se rassembler en un seul groupe, la police a fait un usage excessif et injustifié de la force en utilisant des chiens, du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc contre des petits groupes de personnes qui tentaient de rejoindre le défilé. Des observateurs d’Amnesty International ont vu des policiers qui arrêtaient des personnes de manière arbitraire, apparemment au hasard, dans les groupes qui s’étaient formés. Des avocats ont déclaré à l’organisation que 26 personnes, dont deux enfants et au moins un journaliste qui rendait compte de la Marche des fiertés, ont été interpellés et relâchés par la suite. Selon certaines sources, une quinzaine de contre-manifestants ont également été brièvement retenus par la police.

Amnesty International appelle les autorités à ne pas engager de poursuites pénales contre les participants à la Marche des fiertés d’Istanbul qui ont été arrêtés et à veiller au respect du droit à la liberté de réunion pacifique de tous les individus, y compris ceux qui participent à des défilés de la Marche des fiertés.

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