Un militant saoudien brave les manœuvres d’intimidation de l’État

Un militant saoudien de premier plan en faveur des droits humains déféré devant la justice il y a quelques jours pour avoir réclamé l’instauration d’une monarchie constitutionnelle a déclaré à Amnesty International qu’il ne cèdera pas face aux actes d’intimidation des autorités.

Waleed Abu al Khair, qui fait des études au Royaume-Uni mais était rentré dans son pays pendant le Ramadan, a été convoqué par un tribunal de Djedda dimanche 11 septembre. Lorsqu’il est arrivé sur place, aucun juge ni procureur n’était présent.

« L’assistant du juge a sorti mon dossier, et m’a dit que je m’étais rendu coupable d’outrage à la justice et que j’avais encouragé des personnes en Arabie saoudite à s’opposer au gouvernement. Pour la justice saoudienne, quiconque appelle a l’instauration d’une monarchie constitutionnelle est coupable », a déclaré cet homme de 32 ans.

L’arrestation de militants demandant une réforme n’a rien de nouveau en Arabie saoudite, mais les contestataires se font de plus en plus entendre ces derniers mois. Les manifestants descendus dans la rue se sont eux aussi trouvés en butte à la répression et aux arrestations.

Depuis le début de l’année, plusieurs pétitions réclamant des réformes ont circulé. Waleed Abu al Khair, qui a lui aussi organisé une pétition en février, pense que ces appels au changement ont déclenché les opérations de répression contre les contestataires.

« Récemment, la situation des défenseurs des droits sur place s’est nettement dégradée  », a-t-il ajouté.

Mubarak bin Said Bin Zuair, un avocat de 45 ans, est détenu sans inculpation depuis le mois de mars pour avoir pris part à une manifestation pacifique à Riyadh en faveur de la libération de prisonniers politiques de longue date. Un autre militant, Mohammad al Bajadi, co-fondateur d’une organisation saoudienne de défense des droits humains, a été arrêté le lendemain pour avoir participé à une manifestation. Il a été accusé de « soutien à la révolution à Bahreïn » et de « création d’une organisation ». Son procès s’est ouvert le mois dernier.

Amnesty International a récemment condamné une proposition de loi antiterroriste saoudienne, car elle craint que ce texte ne puisse être invoqué pour étouffer la contestation pacifique. Waleed Abu Al Khair et d’autres militants en Arabie saoudite partagent cette analyse.

« Les autorités ont vu ce qui s’est passé dans d’autres pays arabes. Elles n’aiment pas ce qui est arrivé en Égypte, en Tunisie, à Bahreïn et au Yémen, où des défenseurs des droits humains étaient à la tête des manifestations. Elles bloqueront quiconque essaie d’agir solidairement [avec les manifestants d’autres pays arabes]. Elles savent que ce sont les militants en faveur des droits humains qui posent problème, et elles nous surveillent de près », a-t-il poursuivi.

« Les charges retenues contre Waleed Abu al Khair semblent être motivées par des considérations politiques et sont un nouvel exemple de l’intolérance totale dont fait preuve l’État saoudien face aux actions ou déclarations perçues comme critiques à l’égard des autorités et de leur manière de gouverner », a déclaré Philip Luther, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

Aucune date n’a été fixée pour sa prochaine audience mais Waleed Abu al Khair ne prévoit pas de quitter le pays avant la fin de la procédure engagée contre lui, quel que ce soit le temps que cela prendra.

« J’ai accepté le fait qu’il est possible que je sois envoyé en prison pour cela. D’autres militants qui se sont mobilisés en faveur de l’instauration d’une monarchie constitutionnelle en 2005 ont été emprisonnés ; l’un d’eux a été condamné à neuf ans de prison. Ils veulent me faire peur, et espèrent ainsi me contraindre au silence. Mais je n’arrêterai pas de dire ce que je pense. Notre pays a besoin de réformes, il a besoin de changer. »

« Nous avons besoin de liberté, comme tout le monde. Nous en avons assez de voir ce qui se passe en Arabie saoudite et nous ne voulons plus nous taire. L’heure est au changement et les militants se montrent de plus en plus courageux », a-t-il conclu.

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