L’Union africaine (UA) doit rejeter la résolution présentée par le gouvernement kenyan demandant qu’une affaire portée devant la Cour pénale internationale (CPI) soit renvoyée devant la justice kenyane, a déclaré Amnesty International.
Uhuru Kenyatta, le président kenyan, et William Ruto, le vice-président, sont accusés de crimes contre l’humanité présumés qui auraient été commis lors des affrontements déclenchés par les résultats contestés de l’élection de décembre 2007, et fait plus de 1 000 morts et conduit au déplacement d’un demi-million de personnes. Les crimes exposés dans la décision de la Chambre préliminaire de la CPI incluent le meurtre, le transfert forcé de population, le viol, la persécution et d’autres actes inhumains.
« L’UA doit s’opposer aux tentatives du Kenya de soustraire ses dirigeants à l’obligation de rendre des comptes pour les violations des droits humains ayant eu lieu dans ce pays en 2007-2008 », a résumé Netsanet Belay, directeur du programme Afrique d’Amnesty International.
« L’Organisation de l’unité africaine, qui a précédé l’Union africaine, fut fondée afin de mettre un terme aux innombrables violations des droits fondamentaux infligées aux Africains se trouvant sous le joug du colonialisme. Aujourd’hui, l’Union africaine doit rester ferme et soutenir les victimes de violations des droits humains imputées à leurs propres dirigeants. »
« Il est dommage que la principale préoccupation du gouvernement kenyan soit la protection de ses dirigeants contre la CPI. Le gouvernement kenyan n’a évoqué à aucun moment, ni devant les Nations unies, ni devant l’UA, les besoins des victimes des violences de 2007-2008, ni leurs appels en faveur de la justice, de réparations et de garanties de non-répétition. »
L’initiative actuelle fait suite à des efforts déployés au début du mois de mai par l’ambassadeur du Kenya auprès des Nations unies afin que le Conseil de sécurité mette fin aux poursuites visant le président Kenyatta et le vice-président Ruto.
« Ceci est une nouvelle tentative inquiétante d’échapper à la justice de la part des autorités kenyanes. Cette initiative n’a aucun fondement juridique et ne débouchera pas sur l’ajournement de l’affaire confiée à la Chambre de première instance de la CPI. L’offensive diplomatique kenyane n’est rien d’autre qu’une attaque contre le travail effectué par la Cour pénale internationale. »
La version préliminaire de cette décision – qui devait être examinée dimanche 26 mai – demande le report des enquêtes et poursuites ouvertes par la CPI en relation avec les violences ayant suivi l’élection de 2007, afin qu’un mécanisme national kenyan ait le temps de traiter le dossier.
Le Kenya a précédemment demandé à la Chambre préliminaire de la CPI un report tandis que celle-ci menait l’enquête. Cette requête a été rejetée en mai 2011. Le Kenya a alors déposé un recours, rejeté en août 2011. Dans les deux cas, les juges de la CPI ont estimé que les autorités kenyanes n’avaient pas démontré qu’elles étaient aptes et disposées à ouvrir de véritables poursuites pour les crimes commis.
« Le gouvernement kenyan devrait privilégier la coopération avec la CPI et non pas proposer des résolutions n’ayant d’autre but que celui d’affaiblir cette institution en Afrique », a souligné Netsanet Belay.
Amnesty International demande à tous les membres de l’UA de s’opposer à cette décision. Les 34 membres de l’UA qui ont ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale doivent clairement prendre position afin de protéger ce mécanisme de justice internationale en faveur duquel ils se sont engagés.
Ces dernières années, l’UA est devenue une tribune depuis laquelle certains dirigeants africains attaquent la CPI et s’efforcent de protéger ceux qui ont été inculpés par la Cour plutôt que de réclamer justice pour les victimes. En particulier, l’UA a à maintes reprises demandé aux États africains de ne pas collaborer à l’arrestation ni à la remise à la CPI du président soudanais, Omar el Béchir.