Un décret présidentiel promulgué en Uruguay ouvre la porte aux enquêtes et aux poursuites dans quelque 80 affaires de violations des droits humains commises entre 1973 et 1985.
Le décret promulgué jeudi 30 juin par le président José Mujica a annulé les décisions de ses prédécesseurs de bloquer les investigations sur les graves atteintes aux droits humains commises par l’armée et la police uruguayennes.
« Les obstacles ont finalement été levés pour enquêter et engager des poursuites dans des dizaines d’affaires de graves violations des droits humains perpétrées durant cette période, a indiqué Guadalupe Marengo, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International.
« L’Uruguay doit désormais rendre justice aux victimes et à leurs proches qui ont subi des préjudices aux mains des forces de sécurité du pays. »
Aux termes de la Loi de prescription de 1986 (Ley de Caducidad de la Pretensión Punitiva del Estado), adoptée lorsque l’Uruguay est revenu à un régime démocratique, le pouvoir exécutif décide en dernière instance des affaires de violations des droits humains devant être instruites. Par le passé, dans la plupart des cas, les présidents ont usé de cette prérogative pour clore les dossiers, permettant ainsi aux responsables de se soustraire à la justice.
Au cours des années de régime militaro-civil jusqu’en 1985, la police et l’armée uruguayennes ont perpétré de graves atteintes aux droits humains, notamment des actes de torture, des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées. On estime qu’il y a eu durant cette période jusqu’à 7 000 détenus politiques, dont la plupart ont été torturés.
« Ces atteintes aux droits humains, généralisées et systématiques, s’apparentent à des crimes contre l’humanité et sont, de ce fait, imprescriptibles », a expliqué Guadalupe Marengo.
En mai, une tentative visant à annuler les effets de la Loi de prescription a été rejetée de justesse au Congrès et la loi a été confirmée par référendum à deux reprises, en 1989 et 2009.
Le 24 mars, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a statué que l’Uruguay était responsable de la disparition en 1976 de María Claudia García Iruretagoyena de Gelman et de la dissimulation de l’identité de sa fille, Macarena Gelman. Déclarant que la Loi de prescription bafouait la Convention américaine relative aux droits de l’homme, la Cour a ordonné à l’État uruguayen de lever les obstacles que représentait cette loi, afin que les enquêtes puissent être menées et que les responsables présumés puissent être traduits en justice.