Communiqué de presse

Viêt-Nam. Tous les prisonniers d’opinion doivent être libérés immédiatement et sans conditions

Amnesty International demande aux autorités vietnamiennes de libérer immédiatement et sans conditions tous les prisonniers d’opinion à l’occasion de la grâce marquant le 70e anniversaire de l’institution de la fête nationale, mercredi 2 septembre 2015. Salil Shetty, le secrétaire général d’Amnesty International, a écrit au président Truong Tan Sang pour lui demander que la grâce spéciale accordée à quelque 17 000 prisonniers concerne également les prisonniers d’opinion. Les directeurs des bureaux d’Amnesty International Allemagne, Australie, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Espagne, États-Unis, France, Japon, Népal, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Philippines, Suède et Thaïlande ont également adressé des lettres similaires au ministre des Affaires étrangères du Viêt-Nam.

La liste non exhaustive de 51 prisonniers d’opinion constituée par Amnesty International comprend des personnes emprisonnées uniquement pour avoir exercé leurs droits pacifiquement, notamment leurs droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association. Sur cette liste figurent la blogueuse Ta Phong Tan, le prêtre catholique Nguyen Van Ly et le blogueur et entrepreneur dans le domaine de l’informatique Tran Huynh Duy Thuc. Ces trois prisonniers d’opinion ont été condamnés à des peines comprises entre huit et 16 ans d’emprisonnement uniquement pour s’être exprimés pacifiquement sur des sujets qui les préoccupaient, notamment la situation des droits humains.

Ta Phong Tan, ancienne policière, a été condamnée à 10 ans de prison en septembre 2012, et à cinq ans d’assignation à domicile après sa libération. Elle avait été déclarée coupable de « propagande » contre l’État aux termes de l’article 88. Ta Phong Tan est cofondatrice du Club des journalistes libres du Viêt-Nam, organisation indépendante créée en septembre 2007 pour encourager la liberté d’expression et les alternatives aux médias contrôlés par l’État. Elle est connue pour son blog Conglysuthat (« Justice et vérité »), sur lequel elle publiait des articles sur l’injustice sociale, les atteintes aux droits humains et la souveraineté nationale. Ta Phong Tan a entrepris trois grèves de la faim pour protester contre ses conditions de détention et les mauvais traitements dont elle est victime en prison. La plus récente de ces grèves de la faim a duré 23 jours ; c’était en mai-juin 2015. Son état de santé est préoccupant : elle souffre d’arthrite, d’hypertension et d’autres affections.

Nguyen Van Ly a passé plus de 20 ans en prison depuis le milieu des années 1970 pour avoir plaidé, de manière pacifique, en faveur de la liberté de religion et de la démocratie. En avril 2006, il a cofondé Bloc 8406, un mouvement pro-démocratie basé sur Internet qui défend le respect des droits humains, et qui a recueilli des milliers de soutiens en ligne. Moins d’un an plus tard, Nguyen Van Ly a été arrêté, jugé de façon inique et déclaré coupable de « propagande » contre l’État. Il a été condamné à une peine de huit ans d’emprisonnement assortie de cinq ans d’assignation à domicile à sa remise en liberté. Lorsqu’il était détenu, son état de santé s’est dégradé : en novembre 2009, il a eu une attaque cérébrale non diagnostiquée au départ, ce qui a provoqué une paralysie. Bien qu’il ait bénéficié d’une « libération conditionnelle temporaire » pour raisons médicales en mars 2010, il a de nouveau été emprisonné en juillet 2011, toujours en mauvaise santé, pour le reste de sa peine.

Tran Huynh Duy Thuc milite pacifiquement pour des réformes économiques, sociales et administratives, ainsi que pour le respect des droits humains. Le 20 janvier 2010, il a été déclaré coupable de « tentative de renversement » de l’État aux termes de l’article 79 du Code pénal et a été condamné à une peine de 16 années d’emprisonnement assortie de cinq ans d’assignation à domicile après sa libération. Au cours de son procès, il a déclaré qu’on l’avait torturé pendant sa détention pour le contraindre à « avouer », ce qu’il a refusé de faire. Selon des témoins présents lors du procès, les juges n’ont délibéré qu’un quart d’heure avant de rendre leur jugement. Or, la lecture de ce jugement a pris 45 minutes, ce qui porte à croire qu’il avait été préparé à l’avance.

Sur la liste constituée par Amnesty International figurent des blogueurs, des défenseurs des droits du travail et des droits fonciers, des militants et des partisans politiques, des militants religieux et des adeptes de différentes religions, et des défenseurs des droits humains et de la justice sociale. Dans la province de Phu Yen, 22 membres du groupe religieux de défense de l’environnement Bia Son, une organisation pacifique, ont été condamnés à des peines allant de 10 ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité pour avoir critiqué les politiques du gouvernement et pour avoir semble-t-il planifié la fondation d’un « nouvel État ».

Pas un seul de ces prisonniers d’opinion n’a eu recours à la violence ou a défendu son utilisation. Tous sont détenus uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. La plupart d’entre eux ont été déclarés coupables à l’issue de procès inéquitables sur la base de dispositions du Code pénal vietnamien de 1999 rédigées en termes vagues, telles que l’article 79 (volonté de « renverser » l’État), l’article 88 (« propagande » contre l’État), l’article 258 (« recours excessif aux libertés démocratiques ») ou d’autres accusations forgées de toutes pièces.

Dans sa lettre, Salil Shetty prie instamment le gouvernement vietnamien de veiller à ce que tout militant, défenseur des droits humains, journaliste ou toute autre personne puisse mener des activités pacifiques en toute légitimité sans craindre de faire l’objet de représailles, de manœuvres de harcèlement ou d’intimidation, ni d’être arrêté, poursuivi et emprisonné, conformément aux obligations qui incombent au Viêt-Nam au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et aux termes du droit international relatif aux droits humains et des normes en la matière, notamment de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme des Nations unies.

Complément d’information

Les conditions de détention au Viêt-Nam sont dures, et de nombreux prisonniers d’opinion sont en mauvaise santé et ont été victimes de mauvais traitements. La plupart d’entre eux sont détenus dans des prisons éloignées de leur famille, ce qui complique les visites. Souvent, ces prisonniers sont soumis à des pressions ou d’autres formes de contrainte pour qu’ils « avouent » les crimes dont ils sont accusés.

En tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Viêt-Nam a le devoir de respecter et de protéger les droits inscrits dans ce traité fondamental relatif aux droits humains. Il est notamment tenu de respecter l’interdiction absolue de la torture et des autres mauvais traitements. L’année dernière, quelques prisonniers d’opinion ont été libérés avant la fin de leur peine. Les autres doivent être remis en liberté immédiatement et sans conditions.

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