Yémen. La recrudescence des violences à Saada menace les droits humains

Déclaration publique

ÉFAI-
20 août 2009

Dans une lettre adressée au président Ali Abdullah Saleh, Amnesty International l’a exhorté à prendre toutes les mesures possibles pour que la récente recrudescence des heurts entre les forces gouvernementales et les partisans de Hussain Badr al Din al Huthi, dignitaire chiite zaïdite décédé, ne se traduise pas une nouvelle fois par des violations flagrantes des droits humains, comme ce fut le cas précédemment dans le gouvernorat de Saada.

Depuis la reprise des affrontements armés il y a environ quatre semaines, des milliers d’habitants de Saada et des environs auraient quitté leur domicile, désormais en butte à de grandes difficultés pour accéder à l’aide humanitaire, les forces gouvernementales ayant pratiquement interdit la zone aux journalistes et aux organismes humanitaires. Selon certaines informations, des dizaines de civils ont été tués, notamment lors de bombardements aériens imputables aux forces du gouvernement. En outre, les forces de sécurité auraient arrêté des partisans présumés d’al Huthi à Saada et les maintiendraient en détention au secret, faisant craindre qu’ils ne soient victimes d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements. Des dizaines de personnes auraient péri lors d’affrontements armés, dont des soldats de l’armée gouvernementale. Toutefois, on ignore les circonstances exactes dans lesquelles elles ont trouvé la mort.

Dans sa lettre au président Ali Abdullah Saleh, Amnesty International a parfaitement reconnu qu’il incombe au gouvernement de protéger la sécurité publique et de sanctionner les crimes, tout en soulignant la nécessité de se conformer en toutes circonstances au droit international, qui interdit le recours à la torture et promeut le respect du droit à la vie. En particulier, l’organisation a exhorté le président à faire en sorte que tous les membres des forces de sécurité reçoivent l’ordre de respecter les principales normes internationales, telles que les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois, et que les auteurs d’homicides illégaux ou d’autres violations soient tenus de rendre des comptes.

Par ailleurs, Amnesty International a sollicité des informations sur le nombre de personnes incarcérées à Saada et sur le lieu de leur incarcération. Les autorités doivent les protéger contre tout acte de torture ou autre mauvais traitement et les juger équitablement dans les meilleurs délais, ou les remettre en liberté.

Les précédents affrontements entre forces gouvernementales et partisans d’al Huthi, qui ont éclaté en 2004 et se sont poursuivis depuis lors, entrecoupés de périodes de paix relative, ont fait de nombreuses victimes dans le cadre de graves violations des droits fondamentaux, les forces gouvernementales étant accusées de recourir de manière excessive à la force meurtrière et de procéder à des homicide délibérés.

Depuis 2007, à Aden et dans des villes comme al Dali et al Mukalla, les manifestations dénonçant la discrimination que subiraient les habitants du sud du Yémen se sont soldées par la répression ; des dizaines de manifestants ont été tués par les forces de sécurité dans des circonstances plus que douteuses, tandis que nombre d’autres étaient arrêtés.

Informations générales

De vieilles tensions entre les partisans de la famille d’al Huthi, de la communauté chiite zaïdite, et le gouvernement du Yémen ont été exacerbées en 2003 par l’invasion de l’Irak par les forces de la coalition dirigée par les États-Unis. Pendant et après la guerre en Irak, les partisans des al Huthi ont manifesté chaque semaine après la prière du vendredi, devant les mosquées, notamment la grande mosquée de Sanaa, scandant des slogans anti-américains et anti-israéliens. Ces manifestations ont toujours été suivies d’arrestations et de placements en détention. En juin 2004, le gouvernement a appelé Hussain Badr al Din al Huthi, l’une des figures de proue du mouvement d’opposition, à se rendre. Mais celui-ci a refusé. Les tensions ont ensuite dégénéré en affrontements armés. En septembre 2004, Hussain Badr al Din al Huthi a été tué. La trêve a duré jusqu’en mars 2005, date à laquelle ont éclaté de nouveaux combats.
En septembre 2005, le gouvernement a promulgué une amnistie présidentielle pour les partisans des al Huthi, suivie en mars 2006 de la libération de dizaines de personnes arrêtées au cours des affrontements La plupart étaient maintenues en détention sans avoir été jugées ni même inculpées. Le gouvernement n’a jamais divulgué le nombre exact de personnes se trouvant toujours derrière les barreaux. Selon des organisations locales de défense des droits humains, elles seraient plusieurs centaines. Parmi elles, au moins 37 ont été déclarées coupables par le Tribunal pénal spécialisé au terme d’un procès inique et condamnées à des peines d’emprisonnement ou à la sentence capitale.
En janvier 2007, les affrontements ont repris et se sont poursuivis jusqu’en août 2008. Le gouvernement a alors annoncé qu’un accord mettant fin au conflit avait été conclu grâce à la médiation du gouvernement du Qatar. Les deux parties impliquées ont relâché des centaines de prisonniers.

Les manifestations pacifiques ont débuté en 2007 dans le sud du pays, menées principalement par des soldats à la retraite de l’armée de l’ancienne République populaire démocratique du Yémen (RPDY). Après la réunification du pays en 1990, les troupes de la RPDY (sud du Yémen) et de la République arabe du Yémen (RAY, nord du Yémen), ont été rassemblées en une seule armée, celle de la nouvelle République du Yémen. Cependant, à la suite de la guerre civile de 1994, de nombreux soldats de l’ex-RPDY ont été renvoyés de l’armée. Ces anciens militaires, ainsi que ceux qui appartiennent encore à l’armée actuelle, se sont plaints de discriminations par rapport aux soldats qui avaient fait partie de l’armée du nord. Les manifestations ont désormais évolué en un mouvement faisant campagne contre les discriminations en matière d’emploi et au sein de l’armée pour les habitants du sud du pays, mais aussi pour des questions d’ordre politique, économique et sociétal.

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