ZIMBABWE : Des arrestations en masse marquent le début d’une nouvelle et dangereuse phase de répression

Index AI : AFR 46/009/2003

Amnesty International est extrêmement préoccupée par le nombre croissant de
détentions arbitraires au Zimbabwe ; l’organisation est inquiète pour la
sécurité de plusieurs centaines de personnes, détenues depuis le 18 mars
2003, au rang desquelles figurent des membres et sympathisants de la
principale formation d’opposition, le Mouvement pour le changement
démocratique (MDC). Bien que certains de ceux qui avaient été arrêtés aient
été remis en liberté, beaucoup restent détenus et le sort d’un certain
nombre d’entre eux demeure incertain. Une personne au moins, Steven Tonera,
ouvrier agricole de la province du Manicaland, est mort après avoir été
battu, semble-t-il, par des agents de l’État.

« Nous assistons à l’heure actuelle à quelque chose de beaucoup plus grave
que ce qui se passe habituellement en période préélectorale, lorsque le
gouvernement cherche à augmenter le niveau de violence. C’est une situation
explosive et il ne semble pas y avoir de limites à ce que pourra
entreprendre ce gouvernement pour supprimer toute opposition et se maintenir
au pouvoir », a déclaré Amnesty International.

La dernière vague de violence semble s’être produite en réaction à l’appel
du MDC à des arrêts de travail les 18 et 19 mars ; le gouvernement et ceux
qui le soutiennent tentent d’intimider les partisans du MDC et tous ceux qui
critiquent le gouvernement avant les élections législatives partielles
prévues les 29 et 30 mars.

Lors d’un de ces épisodes de violence, le 18 mars, un groupe de soldats et
d’agents de l’État ont battu et torturé trois ouvriers de la ferme de Roy
Bennet, député MDC de Chimanimani. Les trois hommes ont été contraints de se
mettre à plat ventre et ont été battus avec des gourdins, des sjamboks
(fouets) et des morceaux de câbles. On leur a cassé les doigts des mains et
des pieds. L’un des ouvriers, Steve Tonera, est mort des suites de ses
blessures. Les trois hommes étaient accusés d’être des militants du MDC et
d’avoir mis le feu à un bus. Le 20 mars, un convoi de trois camions
transportant une soixantaine de soldats de l’Armée nationale du Zimbabwe
sont revenus à la ferme et ont sauvagement agressé environ soixante-dix
personnes.

Le 19 mars, environ soixante militants du MDC ont été arrêtés à Harare,
parmi lesquels : Silas Mangono, député MDC de Masvingo-Centre, Giles
Mutsekewa, député MDC de Mutare-Nord et Austin Mupandawana, député de
Kadoma-Centre. Silas Mangono a été remis en liberté le 20 mars, mais Giles
Mutsekewa et Austin Mupandawana ainsi que d’autres militants du MDC sont
toujours en garde à vue.

Le 18 mars, Philimon Bulawayo, photographe au Daily News, a été arrêté par
la police alors qu’il couvrait une manifestation organisée par le MDC dans
le quartier Budiriro à Harare. Gugulethu Moyo, avocate et directrice aux
affaires générales du groupe de presse Associated Newspapers of Zimbabwe, a
également été interpellée alors qu’elle s’était rendue au commissariat de
Glen View pour réclamer la libération du photographe. Au poste de police,
tous deux auraient été violemment frappés par l’épouse d’un commandant de
l’armée et l’un de ses collègues, sous les yeux des policiers qui ne
seraient pas intervenus. Le 19 mars, on les a transférés au commissariat de
police de Harare. Bien qu’ils aient été violemment battus, ils n’ont pas été
autorisés à recevoir des soins ; ils ont été remis en liberté le 20 mars
sans qu’aucun chef d’inculpation ne leur ait été notifié.

« L’inquiétante escalade de violence politique indique clairement que les
autorités du Zimbabwe sont déterminées à supprimer toute dissension, par
quelque moyen que ce soit et quelles qu’en soient les conséquences. Nous
craignons le pire pour les dix jours à venir : nous nous attendons à de
nouvelles réactions violentes en réponse aux actions de protestation
organisées par le MDC et la société civile », a déclaré l’organisation.

Amnesty International appelle les autorités du Zimbabwe à mettre
immédiatement un terme aux violations des droits humains et aux violences
pour motifs politiques qui ont lieu dans le pays ; l’organisation de
défense des droits humains appelle également les autorités à traduire en
justice les personnes soupçonnées d’être responsables de ces violations ;
enfin elle leur demande de veiller à ce que les forces de police
accomplissent leur tâche avec une totale impartialité.

Complément d’information
Au cours du mois dernier, le gouvernement a souffert de mauvaise publicité,
en raison du débat autour des matchs de la coupe du monde de cricket qui
devaient se dérouler sur son sol et de la prolongation de son exclusion des
conseils du Commonwealth. Des élections législatives partielles doivent se
dérouler à Kuwadzana et Highfield, dans la banlieue de Harare, les 29 et 30
mars prochain. Au cours des trois années passées, les élections ont été
centrées sur la suppression de toute opposition, d’autant plus que le
gouvernement semble déterminé à gagner des sièges dans les zones urbaines
qui ont toujours été des places fortes du MDC. Les 18 et 19 mars, le MDC a
organisé des arrêts de travail dans les deux villes principales du pays,
Harare et Bulawayo, auxquels semble avoir répondu une majorité d’ouvriers
et de commerçants. Le MDC a depuis fixé la date du 31 mars comme ultimatum
au gouvernement, pour répondre à certaines de ses revendications ou se
trouver confronté à « une montée du mouvement de protestation ».

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