La semaine dernière, le gouvernement israélien a clairement exprimé son intention d’étendre ses opérations militaires à Rafah, en faisant fi de la résolution juridiquement contraignante du Conseil de sécurité de l’ONU qui réclame un cessez-le-feu immédiat. Nous avons alors vu ce scénario commencer à se mettre en place, les bombardements israéliens à Rafah ayant tué au moins 31 personnes, dont 14 enfants, les 26 et 27 mars. Les organisations humanitaires et de défense des droits humains avaient déjà tiré la sonnette d’alarme : l’incursion terrestre israélienne prévue à Rafah promet de détruire la vie et l’aide vitale pour plus de 1,3 million de civils, dont au moins 610 000 enfants, qui se trouvent désormais en ligne de mire directe.
Il n’existe pas de plan d’évacuation réalisable, et les conditions ne sont pas réunies pour permettre de protéger les civils en cas d’incursion terrestre. Afin de respecter l’interdiction absolue du transfert forcé et de l’expulsion de civils en vertu du droit international humanitaire, Israël est tenu de prendre « toutes les mesures possibles » pour fournir aux civils évacués les produits indispensables à leur survie et garantir leur retour sûr et digne une fois les hostilités terminées – ce qui suppose d’assurer une sécurité et une protection adéquates, et de fournir abris, eau, installations sanitaires, soins de santé et de nutrition. Force est de constater que ce n’est pas le cas actuellement, ni à l’intérieur ni à l’extérieur de Gaza. Les bombardements israéliens sur Gaza et les six mois d’affrontements ont endommagé ou détruit plus de 60 % des logements et anéanti la majeure partie des infrastructures dans le nord et le centre de la bande de Gaza.
À Gaza, la population n’a nulle part où se réfugier. Les forces israéliennes ont attaqué à plusieurs reprises des zones qu’elles avaient désignées comme « sûres ». Les frappes aériennes sur la zone de sécurité d’Al Mawasi et alentour ont fait au moins 28 morts, les forces terrestres israéliennes ayant auparavant investi et occupé la partie nord de cette zone. Même si les organisations humanitaires indiquent aux forces israéliennes les emplacements où se trouve leur personnel et où se déroulent les opérations d’aide, cela ne suffit pas à éviter les attaques. Des travailleurs humanitaires ont été tués, des convois d’aide ont été la cible de tirs israéliens, et des abris et des hôpitaux mis en place par la communauté humanitaire ont été endommagés ou détruits par les bombardements. Le gouvernement israélien vient de proposer de regrouper les civils dans des « îlots humanitaires », ce qui risque d’offrir une illusion de sécurité, tout en les entassant dans des zones limitées, confinées et sous-équipées, où ils risquent de subir des attaques, qu’ils se trouvent à l’intérieur ou à l’extérieur de ces « îlots ».
Le gouvernement israélien a annoncé son intention d’y étendre ses opérations militaires et ce risque s’est encore accru depuis le 31 mars, lorsque le cabinet de guerre israélien a approuvé des plans pour mener des opérations terrestres dans le gouvernorat le plus au sud.
À Gaza, il n’y a pas d’endroit où l’accès à une aide et des services suffisants permette d’assurer la survie de la population. À Rafah, les services et infrastructures essentiels ne fonctionnent que partiellement, notamment les hôpitaux débordés, les boulangeries et les installations hydrauliques et d’assainissement. Le centre et le nord de Gaza sont anéantis : des systèmes, des infrastructures et des quartiers entiers sont rayés de la carte et l’entrée des organisations et de l’aide humanitaires demeure restreinte. Si les opérations militaires israéliennes s’intensifient à Rafah, les conséquences seront catastrophiques pour une réponse humanitaire déjà quasi paralysée dans toute la bande de Gaza, d’autant que la coordination de l’aide et les infrastructures mises en place depuis octobre 2023 sont basées à Rafah.
Tous les États ont l’obligation de protéger les populations contre des atrocités. À Rafah, les enfants et les familles vivent dans la peur et le danger constants. Le gouvernement israélien a annoncé son intention d’y étendre ses opérations militaires et ce risque s’est encore accru depuis le 31 mars, lorsque le cabinet de guerre israélien a approuvé des plans pour mener des opérations terrestres dans le gouvernorat le plus au sud. Si certains États ont exprimé publiquement leur désapprobation, les pressions et déclarations diplomatiques internationales n’ont pas encore porté leurs fruits ni permis de faire barrage au projet d’incursion. Or, les États disposent d’une série de mesures de protection et sont tenus de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire et relatif aux droits humains, comme cela a été démontré lors d’autres crises mettant en jeu la protection de civils.
Les États doivent prendre d’urgence des mesures visant à garantir l’application immédiate d’un cessez-le-feu permanent et explorer toutes les options disponibles afin de protéger la population civile, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire et relatif aux droits humains. Il s’agit notamment d’interrompre sans délai les transferts d’armes, de pièces détachées et de munitions lorsqu’il existe un risque qu’elles servent à commettre ou faciliter de graves violations du droit international humanitaire ou relatif aux droits humains. Faute de quoi, l’échec est inévitable – tout comme le manquement aux obligations morales, humanitaires et juridiques.
Organisations signataires :
1. Save the Children
2. Fédération internationale des ligues des droits de l’homme
3. Amnesty International
4. Médecins du Monde France, Espagne et Suisse
5. ActionAid International
6. Oxfam International
7. Conseil norvégien pour les réfugiés
8. Plan International
9. Handicap International - Humanity & Inclusion
10. Medical Aid for Palestinians (MAP)
11. Comité international de secours (IRC)
12. Conseil danois pour les réfugiés
13. DanChurch Aid