L’État des droits humains : les politiques opprimantes et sexistes ont galvanisé le combat pour les droits des femmes

En cette Journée internationale des droits humains, Amnesty International présente dans un document intitulé Les droits humains aujourd’hui la situation de ces droits dans sept régions du monde : l’Afrique, les Amériques, l’Europe et l’Asie centrale, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, l’Asie de l’Est, l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est. Ce compte rendu est publié à l’occasion du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Celle-ci constitue la première déclaration mondiale de droits fondamentaux et a été adoptée le 10 décembre 1948 par les gouvernements du monde entier.

Principal constat élaboré dans ce rapport : les dirigeants répressifs mènent, dans le monde entier, une politique hostile aux femmes, xénophobe et homophobe et portent ainsi atteinte aux libertés et droits fondamentaux. Partout, cependant, des femmes se soulèvent pour défendre les droits humains, et en 2018, les militantes se sont trouvées en première ligne du combat pour les défendre.

Le soulèvement des femmes

Les droits humains aujourd’hui souligne qu’un nombre croissant de politiques et de lois visent à soumettre et à contrôler les femmes, en particulier en ce qui concerne la santé en matière de sexualité et de procréation. Ainsi, en Pologne et au Guatemala, les décideurs politiques défendent un durcissement des lois sur l’avortement, et aux États-Unis, la baisse des subventions versées aux centres de planning familial met en danger la santé de plusieurs millions de femmes.

« Un grand nombre des gouvernants actuels à travers le monde ont lancé de nouvelles attaques contre les droits des femmes avec des discours misogynes et clivants. Ces dirigeants tentent de se justifier en expliquant qu’ils protègent des valeurs traditionnelles garantissant les intérêts de la famille, alors qu’en réalité ils défendent des programmes privant les femmes de l’égalité la plus fondamentale. », explique Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International.

« Le pouvoir grandissant de la voix des femmes n’est pas à sous-estimer. Si les mouvements de défense des droits des femmes sont bien établis, ce sont les militantes qui ont porté les principales causes du combat pour les droits fondamentaux durant l’année écoulée. Des organisations menées par des femmes, telles que Ni una menos en Amérique latine, ont galvanisé des mouvements de masse d’une ampleur totalement inédite concernant des questions liées aux femmes. »

En Inde et en Afrique du Sud, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre les violences sexuelles endémiques. En Arabie saoudite et en Iran, des militantes ont bravé le risque d’une arrestation en résistant, respectivement, à l’interdiction de conduire et à l’obligation de porter le hijab (voile islamique). En Argentine, en Irlande et en Pologne, de très nombreuses personnes se sont rassemblées pour réclamer la suppression de lois répressives sur l’avortement. Aux États-Unis, en Europe et au Japon, des millions des personnes ont participé à la marche des femmes.

« Le pouvoir grandissant de la voix des femmes n’est pas à sous-estimer. Si les mouvements de défense des droits des femmes sont bien établis, ce sont les militantes qui ont porté les principales causes du combat pour les droits fondamentaux durant l’année écoulée. Des organisations menées par des femmes. »

Des militantes mettent en péril leur vie et leurs libertés pour attirer l’attention sur des injustices en matière de droits humains. Parmi elles figurent Ahed Tamimi, une adolescente palestinienne militante injustement emprisonnée pour avoir osé défendre son peuple ; Loujain al Hathloul, Iman al Nafjan et Aziza al Yousef, trois militantes actuellement détenues en Arabie saoudite pour avoir mené campagne en faveur des droits des femmes ; et Marielle Franco, qui a été assassinée au Brésil il y a quelques mois parce qu’elle s’est courageusement battue pour les droits humains.

Les droits humains en Europe

Les droits humains aujourd’hui offre un aperçu des problèmes relatifs aux droits humains recensés dans les principales régions du monde. En Europe, les droits fondamentaux sont également sous pression. L’année 2018 a été marquée par une montée de l’intolérance, des discours haineux et de la discrimination, dans un contexte de rétrécissement du champ d’action reconnu à la société civile.

« La dynamique à l’oeuvre derrière cette tendance est la rhétorique opposant “nous et eux” entretenue par différents leaders politiques européens. Alors que les citoyen·ne·s attendent légitimement des réponses sérieuses à de réels problèmes économiques et sociaux, certains groupes comme les personnes demandeuses d’asile, réfugiées et migrantes sont désignés comme boucs émissaires. Ce genre de politique est un poison insidieux et dangereux », explique encore Philippe Hensmans.

La situation en Hongrie est particulièrement alarmante. Le gouvernement de Viktor Orbán intensifie ses attaques contre les droits humains et tire de la fierté des violations du droit européen et international dont il se rend coupable. Les droits des migrants et des réfugiés ne sont pas respectés, le droit de manifester pacifiquement est limité, les personnes sans-abri sont traitées comme des criminels et la survie des organisations légitimes de la société civile est soumise à de fortes pressions. L’état de droit vacille également en Pologne et, en Turquie, la vague de répression continue d’être destructrice.

En Belgique

Amnesty International considère que la Belgique n’échappe pas à cette tendance mondiale. En effet, outre quelques avancées positives, l’État belge ne s’est pas montré à la hauteur en matière de droits humains.

« Nous attendons de la Belgique qu’elle soit irréprochable en matière droits humains. »

« Si on peut en effet se réjouir que la Belgique ait exprimé ses préoccupations sur les violations des droits humains en Pologne, au Burundi ou au Yémen, parallèlement, les livraisons d’armes à l’Arabie saoudite se sont poursuivies sans relâche, la Belgique préférant se cacher derrière le refus d’un embargo européen. L’Arabie saoudite reste ainsi le premier client de la Région wallonne, qui continue de bafouer ses obligations internationales et son propre décret et risque de se rendre complice de crimes de guerre au Yémen », indique Philippe Hesmans.

« En ce qui concerne les droits des réfugié·e·s, migrant·e·s et demandeur·se·s d’asile, il est intolérable que notre pays ait renoué avec cette pratique honteuse, contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, qui consiste à enfermer des enfants pour des raisons liées à la migration. Il est également inacceptable que des personnes soient obligés de dormir dans la rue en raison de la limitation du nombre quotidien de demandes d’asile et que les engagements concernant la réinstallation de réfugiés aient été suspendus. Nous regrettons par ailleurs les polémiques lancées par nos représentants politiques en ce qui concerne le Pacte migratoire, qui constitue une avancée importante dans la mise en place d’un cadre international pour les migrations. »

Dans un monde où les droits humains sont de plus en plus attaqués, Amnesty International demande à la Belgique de faire plus et mieux, alors qu’elle occupera un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies durant deux ans à partir de janvier 2019.

« Les livraisons d’armes à l’Arabie saoudite se sont poursuivies sans relâche, la Belgique préférant se cacher derrière le refus d’un embargo européen. L’Arabie saoudite reste ainsi le premier client de la Région wallonne, qui continue de bafouer ses obligations internationales et son propre décret et risque de se rendre complice de crimes de guerre au Yémen »

« Nous attendons de la Belgique qu’elle soit irréprochable en matière droits humains. Notre pays doit utiliser son siège au Conseil de sécurité pour placer les droits humains en tête de l’agenda international et faire cesser les attaques contre les droits humains », précise Philippe Hensmans. « La Belgique doit s’engager à soutenir le mouvement de défense des droits des femmes qui ne cesse de prendre de l’ampleur en protégeant mieux les militantes. »

« Si la Belgique veut être considérée comme un leader international crédible, elle doit balayer devant sa porte et prendre des mesures concrètes, comme la suspension des transferts d’armes à l’Arabie saoudite. Elle doit également cesser d’enfermer des enfants pour des raisons migratoires et oeuvrer à la mise en place d’un système pénitentiaire respectant les droits fondamentaux des détenus », conclut Philippe Hensmans.

« Septante ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les citoyen·ne·s attendent de nos autorités politiques qu’elles se montrent garantes en paroles et en actes les droits de chacun et chacune. »

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