Arabie saoudite. Il faut mettre fin aux atteintes aux droits humains commises au nom de la lutte contre le terrorisme

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI
mercredi 22 juillet 2009

Les autorités saoudiennes ont lancé une offensive soutenue contre les droits humains sous couvert de lutte contre le terrorisme, a déclaré Amnesty International dans le rapport étoffé qu’elle publie ce mercredi 22 juillet 2009.

Des milliers de personnes ont été arrêtées et incarcérées dans un secret quasi absolu, tandis que d’autres ont trouvé la mort dans des circonstances douteuses. Des centaines d’autres personnes risquent d’être jugées dans le cadre de procès secrets et sommaires et d’être exécutées. Beaucoup auraient été torturées afin de leur extorquer des « aveux » ou de les punir après leur condamnation.

Le 8 juillet, le ministère de la Justice a annoncé que 330 personnes avaient été jugées pour des infractions liées au terrorisme et condamnées à des peines allant de simples amendes à la peine de mort. Leurs noms n’ont pas été divulgués, pas plus que les détails de leur inculpation – dans le droit fil de la politique du secret entourant les procédures judiciaires.
« Ces mesures iniques visant à lutter contre le terrorisme ont mis à mal une situation des droits humains déjà désastreuse, a indiqué Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Le gouvernement saoudien a usé de sa grande influence sur la scène internationale pour s’en tirer à bon compte. Et la communauté internationale ne lui a pas demandé de répondre de ces violations flagrantes des droits humains. »

Parmi les milliers de personnes détenues aux mains des autorités figurent un certain nombre de prisonniers d’opinion, incarcérés pour avoir critiqué de manière pacifique la politique du gouvernement. Pour la majorité, ce sont des partisans présumés de groupes ou factions islamiques qui dénoncent les liens étroits qu’entretient le gouvernement saoudien avec les États-Unis et d’autres pays occidentaux, ont mené plusieurs attentats contre des Occidentaux notamment, et sont officiellement désignés comme étant « égarés ». D’autres enfin sont des personnes renvoyées de force d’Irak, du Pakistan et du Yémen notamment.
« Les atteintes aux droits humains se déroulent sur fond de secret bien gardé. Les détenus sont incarcérés sans avoir la moindre idée de ce qui les attend, a expliqué Malcolm Smart. La plupart sont détenus au secret pendant des années sans jugement et ne sont pas autorisés à consulter un avocat ni à faire appel aux tribunaux pour contester la légalité de leur détention. Ces pratiques ont des effets terriblement destructeurs sur les prisonniers et leurs famille. »

Les mesures antiterroristes adoptées par le gouvernement depuis les attentats commis aux États-Unis le 11 septembre 2001 ont intensifié des pratiques de violations des droits humains déjà bien établies dans le pays.
L’arrestation arbitraire et la détention prolongée de personnes soupçonnées de délits politiques ou d’atteintes à la sûreté de l’État, qui ne bénéficient ni d’un procès ni de la possibilité de consulter un avocat, suscitent depuis longtemps des préoccupations quant à la situation des droits humains en Arabie saoudite. Cependant, si en 2001 les personnes détenues arbitrairement en Arabie saoudite se comptaient par centaines, elles se comptent aujourd’hui par milliers. Il s’agit de Saoudiens et de ressortissants étrangers.

En juillet 2007, le ministère de l’Intérieur a fait savoir que 9 000 personnes soupçonnées d’atteinte à la sûreté de l’État avaient été incarcérées entre 2003 et 2007 et que 3 106 d’entre elles étaient toujours derrière les barreaux. D’autres ont été transférées vers un programme officiel de « rééducation ». On ignore les conditions de leur sélection, tout comme celles de leur libération.

Parmi les méthodes de torture et les mauvais traitements signalés figurent les passages à tabac à l’aide de bâtons, les coups de poing, la suspension au plafond, les décharges électriques et la privation de sommeil. La flagellation est également infligée en tant que châtiment judiciaire, seule ou en complément d’une peine d’emprisonnement ; les peines administrées s’élèvent parfois à des milliers de coups de fouet.

Dans son rapport, Amnesty International insiste sur le fait que les procès des personnes jugées pour des motifs liés à la sécurité ou à la politique en Arabie saoudite se déroulent dans le plus grand secret et ne respectent pas les normes internationales d’équité. En mars 2009, le gouvernement a annoncé que les procès de 991 détenus inculpés de crimes punis de la peine de mort s’étaient ouverts devant un tribunal pénal spécial. Il n’a pas dévoilé l’identité des accusés ni aucune autre information les concernant. On ignore même s’ils sont autorisés à consulter un avocat. Dans de nombreux cas, les prévenus et leur famille ne sont pas informés de l’évolution des procédures dont ils font l’objet.
Les mesures de lutte contre le terrorisme adoptées depuis 2001 ont retardé la timide réforme amorcée en matière de droits humains en Arabie saoudite. Elles se doublent d’une répression sévère contre toutes les formes de dissidence et d’un système de défense des droits humains manquant de vigueur. Aussi le pays est-il confronté à une absence presque totale de protection des libertés et des droits.

Informations générales
« Je vous en prie, ne nous abandonnez pas entre les griffes de la tyrannie et du pouvoir aveugle. J’ai peur pour moi, pour mes enfants et surtout pour mon mari, placé en détention. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, j’ignore où il se trouve et quel sort lui sera réservé. Mes enfants et moi-même, en son absence, sommes des morts-vivants. Je vous en prie, aidez-moi à obtenir justice pour mon mari. Je vous le demande au nom d’Allah. »
C’est l’un des nombreux appels à l’aide adressés à Amnesty International par les épouses, les mères, les pères, les frères et les sœurs de personnes dont les droits humains sont bafoués en toute impunité en Arabie saoudite au nom de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme. Le nom de cette personne n’a pas été cité par peur des représailles.

Le docteur Saud al Hashimi, prisonnier d’opinion, aurait subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements à plusieurs reprises depuis son arrestation en février 2007. Le dernier épisode de ce type aurait eu lieu en juin 2009, parce qu’il avait entamé une grève de la faim pour protester contre sa détention illimitée sans jugement. Il aurait été entièrement déshabillé, à l’exception de ses sous-vêtements, enchaîné et traîné hors de sa cellule, puis enfermé dans un cachot glacial pendant cinq heures environ. Saud al Hashimi et au moins six autres prisonniers d’opinion détenus à la prison de Dhaban, près de Djedda, ont été pris pour cibles par les autorités parce qu’ils ont appelé de leurs vœux une réforme politique, débattu d’une proposition visant à fonder une organisation indépendante de défense des droits humains en Arabie saoudite et réclamé que soit mis fin à l’impunité pour les violations des droits fondamentaux imputables aux responsables du ministère de l’Intérieur. D’après ce ministère, ces hommes ont été arrêtés parce qu’ils recueillaient des fonds afin de soutenir le terrorisme – ce qu’ils nient vigoureusement. Depuis leur interpellation, ils sont maintenus en détention sans inculpation ni jugement et placés à l’isolement, et risquent toujours d’être victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements.

Saoudien de quarante-huit ans, Abdul Rahman al Sudais, enseignant à l’université Um al Qura, dans la ville de La Mecque, a été arrêté en 2003. Selon le gouvernement, il a été appréhendé en même temps qu’une cellule de « terroristes ». Son procès s’est déroulé en secret et il n’a pas bénéficié d’une assistance judiciaire ni d’une représentation juridique. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a estimé que la détention d’Abdul Rahman al Sudais était contraire à la Déclaration universelle des droits de l’homme et a déclaré que le combat contre les menaces terroristes ne pouvait justifier que l’on porte atteinte au droit à une procédure équitable, que tous les accusés doivent pouvoir exercer. Dans un autre cas au moins, trois des quatre personnes accusées d’être impliquées dans des homicides ont été exécutées, avant d’être crucifiées.

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