Brésil. Une multinationale suisse rend aux autorités gouvernementales des terres qui faisaient controverse

DÉCLARATION PUBLIQUE

ÉFAI

Le semencier Syngenta, multinationale suisse, a décidé le 14 octobre dernier de rendre au gouvernement de l’État du Paraná les 127 hectares de sa ferme expérimentale ; cette décision met un terme bienvenu au violent conflit qui faisait rage à propos de ce site.

Le gouvernement de l’État a depuis promis d’utiliser ces terres pour produire des semences locales destinées aux petites fermes et aux pays pauvres de la région ravagés par les cyclones. Après plusieurs mois de pression de la part des défenseurs du droit à la terre, des groupes de défenses des droits humains et du gouvernement de l’État, la décision de Syngenta d’abandonner ces terres est une avancée importante pour la défense des droits fondamentaux de ceux qui se battent pour leurs droits à la terre et à la survie dans cet État.

Le transfert de ces terres survient tout juste un an après les homicides de Valmir Mota de Oliveira (dit Keno), dirigeant du Mouvement des paysans sans terre (MST), et de Fabio Ferreira, l’un des agents de sécurité de Syngenta.

Un an après ces événements, NF Segurança, la société de sécurité de Syngenta, propose toujours ses services aux propriétaires terriens locaux, alors que son autorisation d’exercer a été annulée en septembre. Des enquêtes officielles, notamment l’enquête sur le meurtre de Keno, ont apporté de nombreuses preuves de ses activités illégales ou criminelles, mais la société continue de fonctionner en attendant qu’il soit statué sur son appel.

Il est indispensable que les autorités fédérales et des États du Brésil prennent des mesures pour contrôler la prolifération des sociétés de sécurité douteuses ou illicites, dont beaucoup servent en fait de milices illégales aux propriétaires terriens ou aux entreprises agricoles. Des enquêtes doivent être menées sur les personnes, les organisations ou les entreprises qui ont recours à des sociétés de sécurité qui commettent des violations des droits humains ou des actes criminels. S’il s’avère qu’elles ont manqué à leur devoir de contrôler ou de surveiller de manière satisfaisante leurs sociétés de sécurité, il faut leur demander des comptes.

Le procès des personnes accusées des meurtres de Keno et de Fabio Ferreira débutera en novembre. Amnesty International appelle les autorités de l’État du Paraná à veiller à ce que ce procès soit conforme aux normes internationales d’équité afin que seuls les responsables soient condamnés. Il est temps de mettre un terme à l’impunité pour les homicides commis en milieu rural et à la protection des intérêts politiques et économiques.

Complément d’information

À l’aube du 21 octobre 2007, des membres de Via Campesina et du Mouvement des paysans sans terre (MST), deux mouvements de défense des paysans sans terre, ont occupé la ferme de 127 hectares de Syngenta, située près de la ville de Santa Teresa do Oeste. Le semencier y réalisait des essais en plein champ de semences génétiquement modifiées. L’utilisation de ces terres était controversée d’une part parce qu’elle était susceptible de contrevenir à une loi environnementale sur l’occupation des sols, et d’autre part parce que le site faisait partie des lieux possibles pour l’installation de paysans sans terre dans le cadre de la réforme agraire.

Quelques heures après le début de l’occupation, une quarantaine d’hommes armés sont entrés dans la ferme et ont abattu le dirigeant du MST, Keno, d’une balle tirée à bout portant dans la poitrine. L’un des agents de sécurité, Fabio Ferreira, a aussi été tué. À l’époque, la police a laissé entendre qu’il avait été abattu accidentellement par ses collègues, mais le parquet a ensuite inculpé du meurtre un membre du MST, expliquant à Amnesty International que ces hypothèses devaient être vérifiées par le tribunal. Huit autres personnes ont été blessées dans cette attaque, dont Izabel Nascimento, membre du MST, qui a été rouée de coups au point de perdre connaissance et qui se trouve toujours dans le coma à l’hôpital, dans un état critique.

Des groupes de défense des droits humains et des défenseurs du droit à la terre de l’État du Paraná avaient auparavant subi des menaces et des intimidations de la part de membres d’associations de propriétaires terriens ou de personnes agissant en leur nom. Le 18 octobre 2007, lors d’une audience publique, des groupes locaux de défense des droits ont présenté à la commission des droits humains de l’État un dossier rassemblant des preuves des activités des hommes armés employés par les propriétaires terriens et les entreprises agricoles. Selon ce dossier, ces hommes agissent en dehors de tout contrôle légal ou de toute surveillance, et utilisent souvent des méthodes violentes et illégales pour chasser de force, menacer et attaquer les défenseurs du droit à la terre.

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