Cambodge. Il est temps de rétablir la justice dans l’affaire Chea Vichea

Déclaration publique

ASA 23/004/2007

Le 6 avril, la Cour d’appel du Cambodge aura une nouvelle occasion de rétablir la justice et de corriger de très graves irrégularités dans une affaire de meurtre hautement médiatisé, qui a mis en lumière les failles de l’appareil judiciaire cambodgien et leur rôle dans le climat d’impunité qui règne dans le pays.

Le 1er août 2005, Born Samnang, vingt-cinq ans et Sok Sam Oeun, trente-huit ans, ont été condamnés à vingt ans de réclusion pour le meurtre du dirigeant syndicaliste Chea Vichea, à l’issue d’une enquête entachée d’irrégularités et d’un procès contraire aux normes internationales d’équité. Leurs avocats ont fait appel ; le 6 avril 2007, après plus de trois ans passés derrière les barreaux, les deux hommes comparaîtront devant la Cour d’appel.

Born Samnang et Sok Sam Oeun avaient un alibi pour l’heure du crime, mais la police a menacé et arrêté les personnes qui avaient fourni leur alibi aux suspects ; des témoins du crime ont également été victimes d’actes d’intimidation de la part des policiers. Born Samnang affirme avoir été battu et amené par la force et la corruption à faire des déclarations qui ont été utilisées comme preuves lors du procès qui s’est conclu par la condamnation des deux hommes. Amnesty International demande qu’en l’absence de preuves suffisantes et recevables au regard des normes internationales, étayant les charges qui pèsent contre Born Samnang et Sok Sam Oeun, la Cour d’appel abandonne les poursuites et prononce la remise en liberté immédiate des deux hommes.

C’est la seconde fois que l’audience en appel est annulée. La fois précédente, il y a six mois, l’un des trois juges était tombé malade, selon les informations communiquées et l’audience avait été reportée.

Amnesty International pense que les véritables auteurs du meurtre de Chea Vichea courent toujours. Si la condamnation prononcée à l’issue du procès inéquitable de Born Samnang et Sok Sam Oeun était maintenue par la Cour d’appel, les véritables auteurs du meurtre de Chea Vichea échapperaient à la justice, tandis que des innocents resteraient en prison.

Complément d’information

Chea Vichea, qui était président du Syndicat libre des travailleurs (FTU), a été assassiné le 22 janvier 2004 après avoir reçu plusieurs menaces de mort. Il a été abattu à bout portant, selon un mode opératoire évoquant celui des tueurs à gages, alors qu’il se trouvait près d’un kiosque à journaux, dans le centre de Phnom Penh. Born Samnang et Sok Sam Oeun, soupçonnés du crime, ont été arrêtés peu après, les 27 et 28 janvier respectivement.

Depuis la mort de Chea Vichea, deux autres responsables du FTU ont été tués à Phnom Penh. Ros Sovannareth, président de l’usine Trinuggal Komara a été assassiné en mai 2004. Hy Vuthy, président de l’usine Suntex, a été abattu le 24 février 2007. Au cours de l’année passée, de nombreux syndicalistes ont été victimes d’actes de harcèlement ou d’intimidation et de violences.

Chea Vichea était un dirigeant syndicaliste connu et respecté qui plaidait en faveur des droits des travailleurs de l’industrie cambodgienne du textile, en plein essor. Il fut l’un des membres fondateurs, en 1995, du Parti de la nation khmère (PNK), principal parti d’opposition devenu Parti de Sam Rainsy en 1998.

Chea Vichea avait été élu président du Syndicat libre des travailleurs, un des plus grands syndicats cambodgiens, en 1999, après avoir quitté ses fonctions officielles au sein du Parti de Sam Rainsy.

Amnesty International lance de nouveau un appel aux autorités cambodgiennes pour qu’elles fassent le nécessaire pour qu’une enquête impartiale et concluante soit menée sur le meurtre de Chea Vichea et pour que ceux qui en sont responsables soient déférés à la justice.

L’organisation demande également une nouvelle fois aux autorités l’ouverture d’une enquête approfondie et indépendante sur le déroulement des faits – en particulier sur les allégations de brutalités policières lors du premier interrogatoire de Born Samnang et Sok Sam Oeun, d’intimidation de témoins et d’ingérence politique dans la procédure judiciaire.

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