Des citoyens de 147 pays appellent les Nations unies à maintenir un système indépendant et efficace d’experts des droits humains


Déclaration publique

IOR 40/010/2007

Une pétition signée par plus de 12 000 personnes a été remise ce 9 mai à Genève au président du Conseil des droits humains des Nations unies (le Conseil), Luis Alfonso de Alba. Parmi les signataires figurent des victimes de violations des droits humains, des défenseurs et experts des droits humains, des parlementaires, des commissaires nationaux aux droits humains, et des organisations non gouvernementales (ONG) de toutes les régions du monde. La pétition (voir texte ci-dessous) demande au Conseil de maintenir et de renforcer son système d’experts des droits humains indépendants, appelés « procédures spéciales ».

Cette pétition mondiale, soutenue par dix-sept ONG internationales et régionales, a été officiellement remise par le secrétaire général de la section canadienne d’Amnesty International, Alex Neve. Lors de cet événement, les personnes suivantes ont pris la parole : Roberto Garretón, ancien rapporteur spécial sur la République démocratique du Congo (RDC), Golden Misabiko, militant des droits humains de la RDC, ainsi que la haut-commissaire adjointe aux droits de l’homme Kyung-wha Kang. Un message vidéo a été transmis par Sunila Abeysekera, directrice exécutive d’INFORM au Sri Lanka.

Parmi les personnes soutenant cette initiative figurent la lauréate du prix Nobel Shirin Ebadi, le sénateur Dick Marty (membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe), Thomas Hammarberg (commissaire aux droits de l’homme, Conseil de l’Europe), Anders Johnsson (secrétaire général de l’Union interparlementaire), Sonia Picado (présidente de l’Institut américain des droits de l’homme), et plusieurs anciens titulaires du mandat des procédures spéciales, dont Diego Garcia Sayan, Nigel Rodley, Peter Leuprecht et Theo van Boven.

Cette pétition a été déposée alors que des négociations continuent au sein du Conseil pour réviser le système des procédures spéciales - en risquant de diminuer son efficacité. Les « procédures spéciales » désignent les experts des droits humains indépendants qui observent la situation des droits humains dans le monde pour les Nations unies. Cette révision doit être achevée le 18 juin 2007.

La révision des procédures spéciales peut contribuer à renforcer le système, afin qu’il soit mieux équipé pour aider le Conseil, en protégeant les droits humains. Cependant, certains États membres soutiennent des propositions qui affaibliraient les procédures spéciales en nuisant à leur capacité de travailler de manière efficace et indépendante, sans ingérence des États.

Parmi ces propositions figure un projet de code de conduite contenant des dispositions visant à réguler les activités des procédures spéciales, en les rendant moins efficaces. D’autres propositions demandent l’élection des experts détenant des mandats par des gouvernements, ce qui politiserait ce processus. Actuellement, les personnes détenant les mandats au titre des procédures spéciales sont indépendantes des gouvernements, tant sur le plan opérationnel que lors de leur sélection.

L’avenir semble particulièrement incertain pour les mandats établis pour étudier les situations de pays ou territoires particuliers, comme la Corée du Nord et le Myanmar.

Il existe 41 mandats des procédures spéciales. Celles-ci sont considérées depuis longtemps comme l’une des composantes les plus efficaces et les plus essentielles de l’appareil de défense des droits humains des Nations unies. Elles publient des centaines d’appels urgents et de communications chaque année, au nom de milliers de victimes, se rendent sur les sites et publient leurs conclusions. Par leurs missions et études sur les pays, ces procédures spéciales émettent des recommandations pour l’amélioration des droits humains au niveau national et international ; elles permettent une meilleure compréhension du droit relatif aux droits humains, et encouragent son développement. Les procédures spéciales proposent aussi une aide pratique et des conseils aux gouvernements qui veulent améliorer et protéger les droits humains.

Les procédures spéciales s’occupent notamment de la lutte contre la torture, les exécutions arbitraires ou extrajudiciaires, le racisme, le commerce d’enfants et la violence contre les femmes, ainsi que du droit à la santé, à la nourriture et à un logement décent, et de la protection de groupes comme les défenseurs des droits humains et les migrants.

Les signataires de la pétition craignent que l’actuelle révision des procédures spéciales n’affaiblisse gravement la capacité des Nations unies – en particulier du Conseil – à protéger les droits humains. Il est essentiel de disposer d’un système efficace d’experts indépendants, capables de surveiller la situation des droits humains et de réagir rapidement et sans ingérence aux allégations de violations des droits humains, où que ce soit dans le monde.

Parallèlement à la remise de cette pétition, un recueil de témoignages de victimes a été publié. Les membres de leurs familles et des défenseurs des droits humains exposent en détail l’impact énorme que les procédures spéciales ont eu sur leur vie. Ces témoignages sont un rappel aux gouvernements : les négociations qui se déroulent à Genève ont un effet très direct sur les droits humains de nombreuses personnes, partout dans le monde.

Contexte

Les procédures spéciales ont été créées par l’ancienne Commission des droits humains des Nations unies, sur une période de plus de quarante ans. Le premier mandat pour un pays était le Groupe de travail ad hoc d’experts des droits humains sur l’Afrique du sud, établi en 1967 en réponse aux atrocités de l’apartheid. Le premier mandat thématique était le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, établi en 1980 en réaction aux nombreuses « disparitions » en Argentine.

Grâce à leur indépendance, les procédures spéciales ont pu développer leurs propres méthodes de travail, notamment en menant des missions dans des pays, en diffusant des appels urgents et des communications relatives à des allégations de violations des droits, en étudiant divers aspects de leurs mandats, et en publiant des déclarations et des rapports. Les procédures spéciales ont été affaiblies par le refus de nombreux États de coopérer suffisamment avec elles, et par la non application de leurs recommandations par l’ancienne Commission.

La pétition

Cette pétition est disponible à l’adresse http://www.actforspecialprocedures.org, et restera ouverte jusqu’au 18 juin. Voici son texte :

« Nous soussignés estimons que les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU sont essentielles pour la promotion et la protection de tous les droits humains de toutes les personnes partout dans le monde. Nous exhortons les États membres de l’ONU à préserver les acquis du passé et à renforcer le système de procédures spéciales composé d’experts indépendants capables de surveiller la situation des droits humains et de réagir rapidement en cas d’allégations de violation de ces droits, partout dans le monde, aussi efficacement que possible et sans ingérence extérieure. »

ONG qui parrainent la pétition :
Action Canada pour la population et le développement, Amnesty International, l’Association pour la prévention de la Torture, le Centre africain pour la démocratie et les études des droits de l’homme, le Centre pour le droit au logement et contre les expulsions (COHRE), la Commission internationale des juristes, le Democracy Coalition Project, la Fédération internationale de l’action de chrétiens pour l’abolition de la torture, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), Forum Asie, Franciscains International, Global Justice, Human Rights First, Human Rights Watch, l’International Service for Human Rights, l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et Penal Reform International.

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