Grèce. Une enquête doit être ouverte sur des allégations d’atteintes aux droits humains qui se seraient produites en mer

Déclaration publique

EUR 25/001/2008

Amnesty International a appelé la semaine dernière les autorités grecques à ouvrir une enquête sur des atteintes aux droits humains qui auraient été perpétrées en mer Égée par des gardes-côtes grecs. Des représentants d’Amnesty International ont rencontré et interviewé treize personnes qui ont déclaré avoir été empêchées d’accoster en terre grecque et maltraitées par des hommes en uniforme dont elles pensent qu’ils étaient des gardes-côtes grecs, avant d’être repoussées vers les eaux turques dans des embarcations peu sûres.

La presse turque a relaté l’affaire dans ses éditions des 7 et 8 janvier 2008. Des représentants d’Amnesty International ont retrouvé et interrogé les treize personnes actuellement placées en détention dans la région d’Ayvalik en Turquie, après avoir été récupérées par les gardes-côtes turcs. Il s’agit de treize hommes de nationalité afghane. Huit d’entre eux sont mineurs.

Les treize hommes, interrogés individuellement par Amnesty International, ont expliqué qu’ils essayaient d’atteindre l’île grecque de Mytilène lorsqu’ils avaient été interceptés par des hommes en uniforme, masqués pour certains d’entre eux, à bord de deux bateaux battant pavillon grec. Plusieurs Afghans ont déclaré avoir été battus, giflés et avoir reçu des coups de pied de la part des hommes masqués. Ils ont montré aux représentants d’Amnesty International les marques des coups reçus.

Les deux plus jeunes du groupe, deux garçons de neuf et treize ans, ont déclaré avoir été maltraités physiquement par les hommes masqués : le premier s’est plaint d’avoir reçu des coups de poing et de pied et le deuxième a dit avoir été giflé et frappé à la tête. Les Afghans se sont plaints aussi du fait que toutes leurs affaires, y compris leurs sacs et leurs vêtements, avaient été lacérés à coups de couteau. Ordre a été donné à plusieurs d’entre eux d’ôter leurs vêtements qui ont été jetés à la mer. D’autres, y compris le plus jeune des deux garçons, ont expliqué qu’on les avait laissés avec leurs seuls sous-vêtements. Tous ceux qui avaient de l’argent ou des téléphones mobiles s’en étaient vus dépouillés.

La Grèce, en tant qu’État souverain, doit, au titre de ses obligations régionales et internationales en matière de respect des droits humains, veiller à protéger les droits fondamentaux de toute personne se trouvant sous sa juridiction. La juridiction des États est reconnue comme étant avant tout territoriale (voir Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, para.109). Le territoire d’un État comprend outre le territoire terrestre les espaces maritimes définis par le droit de la mer.

Les faits décrits ci-dessus, s’ils se sont réellement produits tels qu’ils ont été décrits, constituent une violation des obligations de la Grèce au regard du droit international et régional relatif aux droits humains – notamment de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.

Les Afghans ont déclaré avoir été poussés à l’eau dans des canots pneumatiques endommagés qui n’avaient pas assez de rames et sommés de retourner en Turquie. Si cela s’avérait exact, en mettant en danger les vie de ces hommes, la Grèce aurait agi en violation flagrante des responsabilités qui lui incombent en vertu de ses obligations régionales et internationales et n’aurait pas respecté le droit à la vie (article 6 du PIDCP et article 2 de la CEDH).

Les allégations dont il est question précédemment recoupent un certain nombre de témoignages recueillis par Amnesty International ces derniers mois et corroborent le rapport, rendu public en octobre 2007, de deux organisations non gouvernementales : Pro-Asyl et l’Association des avocats grecs pour la défense des droits des réfugiés et migrants.

Après la publication de ce rapport The truth may be bitter but it must be told : The situation of refugees in the Aegean and the Practices of the Greek Coast Guard (La vérité est peut-être amère mais elle doit être dite : La situation des réfugiés en mer Égée et les pratiques des gardes-côtes grecs), Amnesty International a écrit au ministre de la marine marchande le 19 décembre 2007 pour lui faire part de son inquiétude concernant la façon de procéder des gardes-côtes et demander des précisions sur leur formation et leur structure hiérarchique. L’organisation n’a pas reçu de réponse à ce jour.

Amnesty International appelle le gouvernement grec à mener une enquête impartiale, indépendante et approfondie sur cette affaire récente, à rendre publiques les conclusions de cette enquête et à veiller à ce que tout représentant de la loi soupçonné d’atteintes aux droits humains soit traduit en justice.

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