Mexique. Progrès et reculs de la réforme de la justice pénale

Déclaration publique

AMR 41/004/2008

Le projet de réforme de la justice pénale va être débattu devant le Sénat du Mexique dans les prochains jours. Le projet prévoit des changements importants mais il faut s’assurer que son contenu est conforme aux normes internationales relatives aux droits humains que l’État mexicain a l’obligation de respecter.

Plusieurs des nouvelles dispositions proposées devraient contribuer, si elles sont approuvées, au renforcement des garanties d’une procédure régulière et au respect des droits fondamentaux de l’accusé comme de la victime. C’est le cas, par exemple, de l’inclusion explicite dans la Constitution du principe de présomption d’innocence, du principe d’égalité des parties devant la loi et de la non-recevabilité des preuves obtenues en violant les droits humains. Cependant, le projet contient également des éléments qui sapent les progrès réalisés en matière de respect et de garantie des droits humains ; ces éléments doivent être révisés et modifiés en conséquence avant d’être approuvés.

L’incorporation de l’arraigo dans la Constitution constitue de toute évidence un pas en arrière. Cette forme de détention provisoire a été qualifiée d’arbitraire par les organes internationaux chargés des droits humains tels que le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire et le Comité contre la torture, qui ont tous recommandé sa suppression. Limiter l’arraigo aux cas de délinquance organisée ne change pas sa nature ni le fait que ce type de détention constitue une violation des droits humains. Il est important de souligner que le Bureau du procureur général de la République a soumis à ce type de détention 727 personnes de 2005 à 2007. Il est préoccupant en outre que dans les 32 entités fédératives le ministère public puisse continuer à utiliser l’arraigo pendant la période de transition des réformes.

L’ambigüité avec laquelle a été défini le « crime organisé » et son régime spécial pourraient favoriser l’empiétement de l’un des principes essentiels du droit pénal dans un régime constitutionnel moderne, le principe de légalité, et plus particulièrement de primauté de la loi. La définition donnée à cette catégorie de crimes dans la réforme couvre un champ beaucoup plus vaste que celle qui figure dans la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée et donne la possibilité de son élargissement ultérieur dans la législation. Amnesty International considère que ceci est particulièrement préoccupant parce qu’il y a eu des cas où ces dispositions ont été utilisées à tort pour détenir et juger des personnes sans toutes les garanties nécessaires.

Le concept de « crime organisé » inclus dans le projet de réforme impliquera une procédure judiciaire avec des garanties limitées. Notamment, le ministère publique pourra prendre en compte des preuves réunies pendant l’enquête sans être obligé d’en faire état devant le juge pendant le procès. Ce régime fait courir le risque de maintenir le système actuel qui a permis que soit commises de graves violations des droits humains comme la torture.

D’autre part, si Amnesty International considère comme positive la restriction de la notion de flagrant délit en ce qu’elle se rapproche des normes internationales relatives aux droits humains, elle espère que la législation en la matière ne la dénaturera pas comme cela a lieu par le passé.

La proposition qui est faite que la police puisse pénétrer sans mandat dans un domicile en cas de flagrant délit ou quand la vie ou l’intégrité physique de personnes est en jeu est source de préoccupation. Des abus de pouvoir de la police dans des cas de détention illégale ont été fréquemment constatés par Amnesty International, qui s’est rendue compte en de nombreuses occasions que des actes illégaux avaient été cachés au ministère public ou au juge en utilisant des éléments de preuve fabriqués de toutes pièces pour justifier le comportement des policiers. Les propositions qui sont faites ne vont pas dans le sens d’une élimination de tels abus et ne contiennent aucune disposition qui coïncide avec les traités internationaux relatifs aux droits humains que le Mexique a ratifiés.

Amnesty International considère que la nomination de juges de contrôle peut constituer un bon mécanisme de surveillance de la police et du ministère public mais il faut indiquer expressément que la fonction primordiale de ces juges est de garantir le respect des droits humains et une procédure régulière.

La réforme proposée renforce le droit de se faire défendre par un avocat, ce qui en soi est très positif ; cependant, il est nécessaire de définir ce qu’est le droit à une défense « adaptée » et à l’« assistance » d’un avocat en se référant aux normes internationales relatives aux droits humains.

La réforme prévoit que les fonctionnaires de justice et les membres des forces de l’ordre doivent agir dans le respect des principes de « légalité, objectivité, efficacité, professionnalisme, honnêteté et respect des droits humains », sans pour autant renforcer les mécanismes pour obtenir un tel résultat. L’impunité dont bénéficient ceux qui ne respectent pas ces principes constitue encore l’un des grands obstacles à l’amélioration de la situation en matière de justice et de sécurité publique. C’est pourquoi, Amnesty International appelle ceux qui se prononceront en faveur de cette réforme à y associer les mesures qui s’imposent pour que les fonctionnaires de justice et les membres des forces de l’ordre soient tenus de rendre des comptes et pour que les victimes de violations des droits humains puissent obtenir des réparations adéquates.

Complément d’information

La réforme constitutionnelle en matière de justice pénale a été approuvée par le Sénat à la fin de l’année 2006. Les députés l’ont approuvée à leur tour en y apportant deux modifications et elle doit donc être à nouveau examinée par les sénateurs en février 2008. Amnesty International s’est depuis longtemps prononcée en faveur de l’adoption d’une réforme de la justice pour mettre fin aux violations des droits humains (voir, par exemple Mexique. Mémorandum à l’intention du Congrès fédéral mexicain sur le projet de réforme de la Constitution et du système pénal, index AI : AMR 41/032/2004)

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