Pérou. Sans certificat de naissance, les nouveaux-nés ne sont pas des citoyens


COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AMR 46/028/2006

Pour cette Journée mondiale de l’enfance, Amnesty International exhorte les autorités péruviennes à respecter le droit de tous les petits garçons et de toutes les petites filles à une identité et à faire le nécessaire, comme il en a l’obligation, pour que tous et toutes reçoivent gratuitement leur certificat de naissance.

Des témoignages recueillis par Amnesty International font apparaître que certains centres de santé ne fournissent pas de certificat de naissance aux nouveaux-nés dont la mère issue d’une population marginalisée n’a pas payé l’amende, pouvant aller jusqu’à 50 nouveaux sols péruviens (environ 12,50 €), que le centre de santé lui a infligée parce qu’elle n’était pas venue accoucher dans leur établissement ou ne s’y était pas présentée pour les examens prénataux et postnataux. Ces amendes sont illégales et leur montant est excessif pour les femmes des zones rurales, à qui elles sont essentiellement infligées.

Cette pratique porte atteinte aux jeunes enfants les plus vulnérables et les prive de leur droit à être reconnus comme citoyens et à jouir des libertés fondamentales.

« Pour les petits garçons et les petites filles du Pérou, ne pas avoir de certificat de naissance signifie ne pas avoir d’identité et, par conséquent, ne pas bénéficier des droits élémentaires que sont les droits à la santé et à l’éducation », a déclaré Nuria García, chercheuse sur le Pérou au sein d’Amnesty International.

En dépit des efforts menés par les autorités pour remettre des papiers d’identité aux nouveaux-nés dans le cadre du Plan d’attribution d’identité, l’Institut national de statistiques et d’information (INEI) a estimé en septembre 2006 qu’il y avait au Pérou plus de 1 200 000 personnes qui ne disposaient pas de papiers d’identité, parmi lesquelles plus de 300 000 mineurs âgés de moins de dix-huit ans.

« Du fait des inégalités sociales et de la pauvreté, des enfants au Pérou ne bénéficient pas pleinement de leurs droits fondamentaux, a ajouté Nuria García. Ce n’est pas par hasard si ce sont essentiellement les mineurs touchés par ces inégalités et la pauvreté que l’on prive de certificat de naissance, portant ainsi atteinte à leur droit à une identité. »

Des professionnels de la santé exerçant dans des zones rurales ont indiqué à Amnesty International que l’objectif poursuivi en infligeant des amendes et en ne remettant pas gratuitement les certificats de naissance était d’inciter les femmes à venir dans les centres.

« Cette pratique est contraire à la législation péruvienne et elle montre que l’État n’a pas fait le nécessaire pour que les professionnels de la santé respectent les lois en vigueur et l’obligation qu’ils ont de remettre gratuitement les certificats de naissance aux personnes concernées »
, a ajouté Nuria García.

« Les femmes issues de populations marginalisées sont confrontées à des obstacles économiques et culturels qui les empêchent, dans certains cas, de se rendre dans les centres de santé pour l’accouchement et les examens prénataux et postnataux, a souligné Nuria García. Ces obstacles peuvent être la distance qui les sépare des centres, les coûts occasionnés, les craintes face à des pratiques qui diffèrent des pratiques traditionnelles d’accouchement dans leur communauté. »

« Les autorités doivent s’occuper de toute urgence de ce problème qui affecte des milliers de petits garçons et de petites filles au Pérou, a conclu Nuria García. Elles doivent faire de ce pays un endroit où tous les jeunes enfants sans distinction sont reconnus comme des citoyens et peuvent exercer leurs droits et leurs libertés fondamentales. »

Complément d’information
En juillet 2006, Amnesty International a publié le rapport Perú : Mujeres pobres y excluidas. La negación del derecho a la salud materno-infantil (index AI : AMR 46/004/2006), dans le cadre de la Troisième Conférence nationale sur la santé qui se tenait à Lima.

Dans ce rapport, l’organisation montrait qu’en raison de la discrimination exercée par les services de santé maternelle et infantile, des centaines de femmes et de jeunes enfants mourraient chaque année et de nombreux petits garçons et petites filles étaient privés de leur droit à une identité.

La mortalité maternelle et infantile au Pérou est l’une des plus élevées de cette région du monde, et ce taux est plus élevé dans les zones rurales. Les personnes les moins bien protégées sont les femmes pauvres, en particulier dans les campagnes, qui risquent le plus d’avoir des problèmes de santé pendant la grossesse et l’accouchement, ainsi que les enfants marginalisés, qui sont les plus susceptibles d’être atteints de maladies pendant les premières années de leur vie.

Malgré la mise en place d’un service de santé officiel gratuit pour les populations marginalisées, les femmes et les enfants pauvres ne bénéficient pas d’une réelle attention des services de santé ; par ailleurs, les quelques personnes qui finissent par accéder à ces services ne sont pas bien traitées.

Dans son rapport, Amnesty International appelle les nouvelles autorités péruviennes à garantir l’absence de discrimination et la diffusion de l’information au sein du service gratuit de santé maternelle et infantile en direction des personnes marginalisées socialement ; à faire le nécessaire pour que les femmes marginalisées ne reçoivent pas d’amende pour avoir accouché chez elles ; à garantir que tous les enfants reçoivent un certificat de naissance ; et à faire en sorte que les professionnels de la santé bénéficient de conditions de travail adéquates ainsi que d’une formation dans le domaine des droits humains.

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