Tunisie. Le procès des dirigeants syndicaux est une parodie de justice

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International demande aux autorités tunisiennes de remettre en liberté immédiatement et sans condition toutes les personnes qui ont été arrêtées et jugées parce qu’elles avaient exercé, pourtant sans violence, leur droit à la liberté d’expression et de réunion. D’autres personnes doivent bénéficier d’un nouveau procès qui soit conforme aux normes d’équité, dans le respect des obligations internationales souscrites par la Tunisie.

L’organisation a lancé cet appel à la suite de la condamnation, le 11 décembre, de 38 manifestants et responsables syndicaux, qui se sont vu infliger des peines d’emprisonnement à l’issue d’un procès inéquitable pour leur participation à des mouvements de protestation dans la région de Gafsa.

Le jugement et les peines prononcées mettent à bas la justice et ne doivent pas être maintenus , a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

Un tribunal de Gafsa a condamné à des peines allant jusqu’à dix ans d’emprisonnement 33 manifestants et militants syndicaux accusés d’être à l’origine du mouvement de protestation contre le chômage et le coût élevé de la vie qui s’est déroulé dans la première partie de l’année 2008 dans le sud-est du pays, précisément dans la région de Gafsa, riche en phosphate. Quatre des accusés ont été jugés par contumace.

Parmi les charges retenues figuraient notamment la constitution d’un groupe criminel dans l’intention de détruire des biens publics et privés, la rébellion armée et des coups et blessures contre des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions. Les accusés faisaient partie des centaines de personnes arrêtées après la vague de manifestations.

Il faut que les autorités tunisiennes cessent immédiatement de considérer la contestation sociale comme une infraction pénale, a ajouté Hassiba Hadj Sahraoui. Plutôt que de traduire en justice des manifestants et des syndicalistes pacifiques, elles doivent enquêter sur les allégations de torture dont ont fait état les accusés.

Amnesty International est préoccupée par les graves violations des normes internationales d’équité qui ont été commises lors du procès. Les avocats n’ont, en particulier, pas pu présenter le dossier de leurs clients ; les accusés n’ont pas été interrogés devant le tribunal et celui-ci a rejeté les requêtes des avocats, qui demandaient un examen médical afin de déterminer la présence éventuelle de traces de torture et souhaitaient citer des témoins et les soumettre à un contre-interrogatoire.

Le jugement est intervenu dans un climat marqué par une présence massive des forces de sécurité, qui ont été déployées sur les voies d’accès au tribunal ainsi que sur les principales routes menant à la ville de Gafsa. Les environs immédiats du tribunal auraient été barrés par les forces de l’ordre, qui ont empêché un certain nombre de militants des droits humains de se rendre sur place.

Ce procès soulève une fois de plus des questions quant à l’indépendance du pouvoir judiciaire en Tunisie , a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, et montre bien la détermination des autorités à étouffer toutes les voix indépendantes dans le pays.

Sept personnes, dont Adnan Hajji, dirigeant syndical et porte-parole du mouvement de protestation sociale de Gafsa, ont été condamnées à dix ans d’emprisonnement. Les autres accusés se sont vu infliger des peines d’emprisonnement allant de deux à six ans, avec sursis dans huit cas au moins. Jugés par contumace, le journaliste Fahem Boukadous et le militant des droits humains Mouheiddine Cherbib, qui vit en France, ont été condamnés respectivement à six et deux ans de prison. Cinq autres personnes ont été acquittées et attendent d’être relâchées.

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