UNION AFRICAINE : La Conférence doit mettre en place une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples efficace

DÉCLARATION PUBLIQUE

La Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine, réunie à Addis-Abeba, en Éthiopie, doit créer une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après dénommée la Cour) qui soit efficace et qui fonctionne, a recommandé Amnesty International ce mardi 6 juillet 2004.

Depuis l’adoption, le 10 juin 1998, du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après dénommé le Protocole), Amnesty International n’a cessé d’appeler les membres de l’Union africaine à ratifier ce Protocole, à nommer des juges compétents, indépendants et impartiaux, à donner à la Cour des moyens suffisants pour fonctionner une fois qu’elle sera créée et à coopérer pleinement avec elle.

Le Protocole prévoit la création d’une Cour des droits humains ayant la compétence de juger les cas de violations des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels garantis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après dénommée la Charte africaine) et par les autres instruments appropriés relatifs aux droits humains.

En vertu de l’article 3 du Protocole, la Cour a le pouvoir de juger les affaires dans lesquelles une victime demande réparation pour la violation, par un État partie, d’un ou plusieurs des droits reconnus par la Charte africaine ou par tout autre instrument relatif aux droits humains ratifié par l’État en question.
À la date du 29 juin 2004 - soit plus de six ans après l’adoption du Protocole - seulement 18 des 53 États membres de l’Union africaine l’avaient ratifié. En outre, parmi ces 18 pays, seul le Burkina Faso a adopté une déclaration permettant aux particuliers et aux organisations non gouvernementales (ONG) de saisir la Cour. Enfin, seuls dix pays ont proposé des candidats pour les postes de juges à cette Cour.

“ Le sommet de l’Union africaine qui se déroule actuellement offre à la Conférence des chefs d’État et de gouvernement une nouvelle occasion de tenir ses promesses de garantir une ratification rapide du Protocole et de renforcer la protection des droits humains en Afrique, comme elle s’y était engagée lors de ses précédents sommets. Ces engagements se situent tout à fait dans la ligne de l’Acte constitutif de l’Union africaine, qui accorde une importance particulière aux droits humains ”, a déclaré Amnesty International.

L’efficacité du Protocole va continuer d’être compromise par le refus des gouvernements qui l’ont ratifié de faire les déclarations nécessaires pour permettre aux particuliers et aux ONG d’introduire directement une requête devant la Cour. Il est clair que de nombreux gouvernements africains doivent prendre des mesures concrètes pour garantir une mise en œuvre efficace du Protocole et pour permettre à la Cour de fonctionner pleinement.

Amnesty International exhorte la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine à profiter de son troisième sommet pour prendre des décisions importantes en faveur d’une mise en œuvre concrète des engagements qu’elle a pris par le passé.

Plus spécifiquement, les États membres de l’Union africaine qui ne l’ont pas encore fait devraient :
 ratifier sans délai le Protocole portant création de la Cour africaine et faire les déclarations nécessaires pour autoriser les particuliers et les ONG à saisir directement la Cour ;
 revoir leurs lois et leurs pratiques pour s’assurer qu’elles sont pleinement conformes aux dispositions du Protocole ;
 veiller à ce que les juges élus à la Cour africaine aient des compétences appropriées pour cette fonction, à ce que la parité entre les hommes et les femmes soit respectée et à ce que toutes les régions et tous les systèmes juridiques de l’Union africaine soient représentés ; les États devraient veiller à ce que le processus de désignation et de sélection des candidats soit transparent et ouvert à tous les candidats potentiels, encourager les candidatures féminines et inciter les organisations de la société civile à participer à tous les stades du processus de désignation ;
 apporter à la Cour, une fois qu’elle sera pleinement opérationnelle, les ressources nécessaires à son fonctionnement, notamment sur le plan financier ; la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples devrait aussi recevoir des moyens suffisants pour mener sa tâche à bien ;
 veiller à ce que la Cour africaine puisse fonctionner de manière indépendante, impartiale et efficace et ait la possibilité d’élaborer sa propre jurisprudence ;
 prendre toutes les mesures nécessaires pour coopérer pleinement avec la Cour, notamment en considérant comme une priorité absolue le respect immédiat de ses arrêts et de ses décisions ;
 veiller à ce que les parties intéressées puissent être entendues et être représentées par un avocat même si elles n’ont pas les moyens de le payer. Par ailleurs, les parties et les témoins qui comparaissent devant la Cour devraient être protégés et ne pas risquer de représailles.

Complément d’information

L’Union africaine a été créée le 11 juillet 2000 à Lomé, au Togo, avec l’adoption de son Acte constitutif. Elle remplace l’ancienne Organisation de l’Unité africaine (OUA), qui existait depuis 1963. La réunion qui se tient actuellement à Addis-Abeba est la troisième session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement.

Cette dernière est l’organe suprême de l’Union africaine. Elle définit ses politiques communes, contrôle leur mise en œuvre et veille à ce qu’elles soient respectées par tous les États membres.

Le Protocole portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a été adopté par la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) en juin 1998. La Cour fonctionnera parallèlement à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après dénommée la Commission), et non à la place de celle-ci.

En effet, comme le précise le préambule du Protocole, “ la réalisation des objectifs de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples nécessite la création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples pour compléter et renforcer la mission de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ”. La Charte africaine, qui est entrée en vigueur le 21 octobre 1986, a été ratifiée par tous les États membres de l’Union africaine. Si la Commission dispose, aux termes de celle-ci, d’un mandat détaillé en matière de promotion des droits humains, elle n’a pas de pouvoirs de protection suffisants pour veiller au respect de la Charte par les États parties.

Malgré quelques améliorations positives dans le mécanisme de la Commission relatif aux plaintes individuelles, les décisions qu’elle rend ne sont pas contraignantes et reçoivent toujours très peu d’attention de la part des gouvernements des États membres, quand elles ne sont pas totalement ignorées. Amnesty International fait campagne depuis plusieurs années en faveur de la ratification du Protocole.

Seules les entités suivantes ont le droit de saisir directement la Cour : la Commission africaine ; l’État partie qui a déposé une plainte devant la Commission ; l’État partie contre lequel une plainte a été introduite devant la Commission ; l’État dont le ressortissant est victime de violations des droits humains ; et les organisations intergouvernementales africaines. Par ailleurs, un État qui a un intérêt dans une affaire jugée par la Cour peut demander à celle-ci l’autorisation de participer à la procédure. Par contre, les ONG qui ont un statut d’observateur à la Commission, ainsi que les particuliers, ne peuvent saisir la Cour que si l’État qu’ils veulent attaquer a fait une déclaration acceptant ce type de plaintes. En l’absence d’une telle déclaration, la Cour ne pourra en aucun cas entendre la requête d’une ONG ou d’un particulier. ?

Index AI : IOR 30/018/2004

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