Discours de Kumi Naidoo au Sommet Nelson Mandela pour la paix

Madame la Présidente, Monsieur le Secrétaire général, Vos Excellences, Mesdames et Messieurs :

Nous saluons l’état d’esprit général émanant de la déclaration politique sur laquelle les gouvernements se sont mis d’accord lors de ce Sommet Nelson Mandela pour la paix.

Mais la vérité, c’est que nous avons déjà entendu tout cela. Ces paroles ont été répétées maintes et maintes fois, mais il manque la volonté politique, le sentiment d’urgence, la détermination et le courage nécessaires pour en faire une réalité... pour les concrétiser vraiment.

Mais nous devons les concrétiser. Pas demain, mais maintenant. Parce que nous sommes aux prises avec de nombreuses crises dans le monde entier et que des gens souffrent de manière inimaginable.

Sans action de notre part, sans initiatives fortes basées sur des principes, j’ai peur pour ces gens. J’ai peur pour nous tous.

Rappelons-nous que Madiba a été pendant la plus grande partie de sa vie un militant de la société civile. Et pourtant, aujourd’hui, alors que nous nous rassemblons pour l’honorer, des milliers de militants et de défenseurs des droits humains dans le monde sont emprisonnés ou ont été torturés et tués. Parmi eux se trouvent des syndicalistes ; des membres d’ONG, de mouvements sociaux et de communautés religieuses ; des journalistes ; et des personnes travaillant dans le domaine des arts et de la culture. Dans bien trop de pays, l’espace civique a été fermé et le droit des personnes à participer activement et librement à la vie publique leur a été enlevé.

Le préambule de la Charte des Nations unies commence par « Nous, peuples des Nations unies », et NON par « Nous, États membres des Nations unies ». Et nous, peuples, nous ne devrions jamais nous autoriser à accepter l’injustice.

Comme Martin Luther King l’a dit un jour : «  Je n’ai aucunement l’intention de m’adapter au fanatisme religieux. Je n’ai aucunement l’intention de m’adapter à la discrimination raciale. Je n’ai aucunement l’intention de m’adapter à des conditions économiques qui enlèvent ce qui est nécessaire au plus grand nombre pour assurer le luxe de quelques uns, laissant des millions d’enfants de Dieu s’étouffer dans la cage hermétique de la pauvreté au milieu d’une société d’abondance  ».

Vos Excellences, Mesdames et Messieurs, je vous demande aujourd’hui, conformément à l’esprit insufflé par Madiba de :

  • Ne pas vous adapter à la manière inhumaine dont nous traitons les millions de réfugiés dans le monde entier.
  • Ne pas vous adapter à ce que la population rohingya vive dans une prison à ciel ouvert, dans un système d’apartheid.
  • Ne pas vous adapter à ce que les Palestiniens de Gaza vivent sous un blocus militaire incessant qui les maintient dans la pauvreté et la misère.
  • Ne pas vous adapter aux siècles d’asservissement des peuples indigènes.
  • Ne pas vous adapter aux dirigeants qui font des discours xénophobes ou fascistes, ou qui dénigrent et discréditent les femmes.
  • Ne pas vous adapter à l’exclusion systématique des personnes handicapées, ni au combat que continuent de mener les enfants et les jeunes partout dans le monde, ni à la marginalisation dont ils sont toujours l’objet. Car il ne faut pas juger l’humanité sur les progrès des plus puissants, mais sur le bien-être des plus vulnérables.

Nous ne devons pas nous adapter à l’échec lamentable des puissants à protéger les populations civiles lors de conflits.

Nous ne devons pas nous adapter aux bains de sang qui se sont produits en Syrie, au Yémen, en Irak, en Afghanistan, au Soudan du Sud et ailleurs. Il est honteux que certains gouvernements prêchent la paix tout en vendant avec détermination des armes, qui font perdurer la souffrance des civils.

Nous ne devons surtout pas nous adapter aux situations d’impasse dans lesquelles le Conseil de sécurité des Nations unies continue de se retrouver car ses cinq membres permanents utilisent trop souvent leurs pouvoirs, non pas pour empêcher la souffrance et y mettre fin, mais pour se protéger, eux et les autres qui commettent les pires crimes.

Nous ne devons pas nous adapter à la culture de l’impunité qui sévit de façon scandaleuse et plutôt exiger que les responsables de violations flagrantes des droits humains et de crimes contre l’humanité répondent pleinement de leurs actes. Nous devons également insister pour que le respect des conventions et des normes des Nations unies, qui ont été élaborées à grand-peine, soit renouvelé, en ce 70 e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, et en ce 20 e anniversaire du Statut de Rome, qui a donné naissance à la Cour pénale internationale.

Et nous ne devons pas nous adapter à ne rien faire en matière de lutte contre le changement climatique, alors que des milliers de personnes, des Philippines à Porto Rico, sont régulièrement meurtries en raison de phénomènes météorologiques extrêmes, et que certains États insulaires voient leur existence même menacée de manière imminente.

Au seul dirigeant qui continue de nier l’existence du changement climatique : nous demandons avec insistance que vous commenciez à vous mettre du bon côté de l’histoire.

Mes frères et mes sœurs,

Il est temps d’agir courageusement. À mes amis militants et défenseurs des droits humains : je sais ce à quoi vous faites face, mais je vous implore de ne pas abandonner. Laissez les mots de Madiba vous inspirer et vous guider, quand il disait « le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre. »

Et à nos dirigeants politiques,

Nous honorons Madiba en reprenant la responsabilité de ses combats. La déclaration politique adoptée ici aujourd’hui est l’occasion de renouveler nos engagements en ces temps troublés.

Pensez aux personnes les plus désarmées dans le monde qui vivront ou mourront en fonction de vos choix. Ne les décevez pas.

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