Par Shiromi Pinto
Quand les meilleurs traitements médicaux possible enfreignent la loi, il est nécessaire de changer la loi.
Il est presque impossible en Irlande d’obtenir un avortement en toute légalité. Il faut être en danger de mort pour y avoir droit. S’il est quasiment impossible dans le pays de bénéficier d’un avortement, il est presque aussi difficile d’obtenir des informations sur les meilleures solutions envisageables, à cause de la Loi sur la réglementation des informations.
Cette loi interdit aux médecins et aux autres professionnels concernés de parler ouvertement de l’avortement ou d’aiguiller une patiente vers un avortement. S’ils enfreignent la loi, ils sont passibles d’une amende de 4 000 euros.
Les conséquences de cette loi sont catastrophiques. « La loi sur les informations tient un double langage », a déclaré le docteur Mark Murphy, de Doctors for Choice. « Ne pas pouvoir donner des informations précises et exhaustives sur la procédure d’avortement équivaut à une faute professionnelle. »
Une opération d’infiltration
La Loi sur la réglementation des informations a également ouvert la porte à des abus. En 2012, un groupe de femmes faisant campagne contre l’avortement se sont fait passer pour des clientes avec une grossesse non désirée et ont enregistré secrètement les consultations qui ont eu lieu dans 11 services à travers le pays. Leur objectif était de montrer que les organismes d’accompagnement à la grossesse ne respectaient pas les dispositions de cette loi.
Elles ont donné les enregistrements au quotidien irlandais le plus lu, l’Irish Independent, qui a publié un article parlant d’« irrégularités » et de communication d’informations « illégales ».
À la suite de cet article, la Direction des services de santé a ouvert une enquête sur tous les services d’accompagnement à la grossesse qu’elle finance, en s’intéressant tout particulièrement à ceux contre qui étaient portées les accusations.
Le Dublin Well Woman et l’Irish Family Planning Association font partie des services qui ont fait l’objet d’un contrôle approfondi destiné à vérifier s’ils avaient enfreint la loi.
L’enquête a duré six mois et aucune irrégularité n’a été découverte. Il n’y a pas eu de poursuites.
Un effet intimidant
Cette enquête ainsi que l’opération d’infiltration ont toutefois eu des effets intimidants. Comme l’explique Linda Wilson Long, de Dublin Well Woman : « Le fait d’avoir été enregistrés a suscité une prudence qui n’existait pas avant ; nous avons tous fait un peu plus attention et nous avons perdu notre spontanéité. Nous disons : “La loi m’interdit de vous le dire” ; nous sommes tous très contraints par ces lignes directrices dans notre travail. »
Linda Wilson Long, Head of Dublin Well Woman © Amnesty International / Eugene Langan
« Nous restons très clairement dans le cadre du droit d’aller à l’étranger. Alors d’un côté nous accueillons les femmes et nous leur offrons tout ce que nous […] pouvons, et la minute suivante nous les envoyons ailleurs. C’est à ça que ressemble notre travail. »
De par leur nature, les services d’accompagnement nécessitent un certain degré de confiance, d’intimité et de respect de la confidentialité entre accompagnée et accompagnant. Les opérations d’infiltration sont donc particulièrement éprouvantes pour les personnes qui offrent ces services. Comme l’a déclaré Linda Wilson Long : « Ils s’en sont pris à l’essence même de ce type très particulier d’accompagnement. »
Niall Behan, de l’Irish Family Planning Association, a été perturbé par cette enquête, mais il reste philosophe quant à ses conséquences.
« Au final, je pense que cette campagne de dénigrement a montré deux choses : jusqu’où les groupes anti-avortement sont prêts à aller pour discréditer les prestataires de soins de santé qui défendent le droit des femmes de bénéficier de services dans le domaine de la santé reproductive, et la nécessité d’abroger la loi sur la réglementation des informations. »