« Je ne suis pas juste une réfugiée »

Foni Joyce et sa famille ont fui le sud du Soudan (aujourd’hui le Soudan du Sud, pays indépendant) en 1991. Cette jeune femme de 25 ans, qui a grandi au Kenya, refuse que son étiquette de « réfugiée » l’empêche de vivre sa vie. En cette Journée mondiale des réfugiés, elle souhaite que les gens entendent son histoire, au-delà de son statut.

Je ne suis pas juste une réfugiée. Je suis un être humain qui a des rêves, des objectifs et des ambitions.

Derrière chaque réfugié, homme, femme ou enfant, il y un nom, une histoire et une personne. Nous avons peut-être changé de pays, mais nous sommes toujours les mêmes. Nous ne pouvons peut-être pas retourner dans notre pays d’origine, de peur d’être victimes de persécutions ou de subir la guerre et les crises. Mères, pères, frères, sœurs, médecins, enseignants, nous avons tous et toutes des noms et des identités qui dépassent le terme de « réfugié » mais, bien souvent, on nous voit seulement comme une vague migratoire sans visage.

Je m’appelle Foni. On pense souvent que c’est un surnom, mais ce n’est pas le cas. Je porte le nom de ma grand-mère. Beaucoup de gens l’orthographient mal et écrivent « Phony » ou « Phone ». Il y a une chanson de Jadakiss feat. Swizz Beatz et Oj Da qui fait « He’s phony, she’s fake » [Il est hypocrite, elle est fausse], et on me taquine avec ça. Ça me fait toujours rire. Je ris parce que les personnes qui font ce genre de blagues me connaissent vraiment.

Mes parents ont fui le sud du Soudan en 1991 à cause de la guerre, et j’ai grandi au Kenya avec mes quatre frères et sœurs. En plus d’être victimes de discrimination, nous avons eu du mal à obtenir des papiers et à jouir de nos droits fondamentaux, comme celui à l’éducation. J’ai toujours été déterminée à ne pas me laisser définir par mon passé. Ma famille et moi avons beaucoup à offrir et je refuse d’avoir le sentiment d’être un fardeau.

J’ai obtenu une licence en communication de masse à l’université, et je dirige aujourd’hui avec un ami une petite organisation appelée Youth Empowerment & Mentorship Initiative [Autonomisation des jeunes et initiative de tutorat].

Nous travaillons avec des jeunes pour les aider à réaliser leur potentiel et à transmettre leurs connaissances et compétences à d’autres. Nous menons des activités qui renforcent les relations intercommunautaires et interculturelles, et nous encourageons le soutien par les pairs et l’autonomie pour briser l’idée, répandue parmi les réfugiés et les jeunes, que ces personnes sont démunies ou passives.

En plus d’être victimes de discrimination, nous avons eu du mal à obtenir des papiers et à jouir de nos droits fondamentaux, comme celui à l’éducation. J’ai toujours été déterminée à ne pas me laisser définir par mon passé. Ma famille et moi avons beaucoup à offrir et je refuse d’avoir le sentiment d’être un fardeau.

C’est incroyable de voir des jeunes que nous avons guidés devenir à leur tour des tuteurs, ou de voir des gens identifier un besoin dans leur communauté et se sentir suffisamment autonomes et confiants pour trouver une solution.

En tant que jeune femme, je fais face à diverses difficultés à cause de mon genre et de mon statut de réfugiée. J’ai rencontré des personnes qui ne croient pas que les femmes puissent apporter une réelle contribution à la société. On m’a dit que « les femmes sont trop tendres » et qu’elles ne devraient pas être impliquées dans le processus d’instauration de la paix au Soudan du Sud. Mais la guerre n’affecte pas seulement les hommes, elle touche tout le monde.

Cela dit, j’ai constaté un changement positif ces dernières années, et la voix des femmes est davantage écoutée. Je travaille avec le Conseil consultatif mondial de la jeunesse – qui dépend du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés – sur des questions liées à la protection et l’épanouissement des jeunes, y compris celles et ceux qui sont déplacés à l’intérieur de leur pays et les apatrides. J’ai récemment assisté à une réunion de haut niveau sur le processus de paix au Soudan du Sud, un des moyens de me faire entendre.

Aujourd’hui, je considère le Kenya comme mon deuxième pays, et j’ai des amis qui sont comme des membres de ma famille. Mais je n’ai jamais perdu mon identité et je suis déterminée à utiliser mes compétences pour aider à reconstruire mon pays un jour.

Partir au Kenya nous a permis, à moi et ma famille, de réaliser notre potentiel, et je veux aider d’autres personnes à faire de même. Quant au sentiment d’appartenance, nous avons eu l’occasion d’explorer la culture et l’histoire d’un nouveau pays. Tout le monde mérite de vivre ces expériences, mais c’est impossible tant que les gens ne s’engagent pas à instaurer la paix et à travailler ensemble, sans discrimination.

Les campagnes comme J’accueille ! d’Amnesty International ont une grande importance dans le contexte actuel. J’accueille ! nous aide à aller des problèmes aux solutions. Mais cette campagne nous permet surtout de voir au-delà du statut de réfugié, et encourage les gens à poser des questions et à écouter nos histoires.

À l’avenir, je souhaite continuer de me battre pour donner à des jeunes vulnérables la possibilité de se faire entendre. Tout le monde mérite de vivre dignement dans une société égalitaire, en étant défini non pas par son statut, mais par ses compétences, son histoire et ses réussites.

Chaque jour, je répète à ma famille et à mes amis que le terme « réfugié » ne les définit pas, et qu’il ne devrait pas les empêcher d’avancer.

Je ne suis pas juste une réfugiée.

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