En tant que mère de famille engagée pour l’éducation de mes enfants, voir grandir mon fils Rachad Maman a toujours été un bonheur pour moi.
A un âge de transition qui le projetait vers la maturité, Rachad était sur le bon chemin avec toute l’ambition qu’un collégien nourrit pour son pays.
J’avais mes rêves pour lui mais Rachad avait surtout les siens : travailler dur à l’école et devenir un homme d’affaires. Ou s’entrainer pour devenir footballeur international. Ensemble, nos rêves se rejoignaient pour son bonheur dans un futur que j’ai toujours espéré radieux pour lui.
Mais, il a fallu que le chemin de Rachad croise celui de la balle d’une arme pour que nos rêves communs s’écroulent.
Notre pays, le Togo a vécu des jours sombres entre la mi-août et la mi-octobre 2017 quand des manifestations en faveur de la démocratie ont été réprimées.
Une dizaine de personnes dont mon fils Rachad et deux membres des forces de défense et de sécurité ont été tuées.
Les jours passent, mais la mort violente de mon fils Rachad me fait toujours l’effet de la foudre perçant mon cœur. Elle reste brutale même deux ans après et les circonstances continuent de me hanter.
Dans la matinée du 20 septembre 2017, une manifestation pacifique est organisée à Bafilo une ville du nord du Togo. Rachad y participait avec son père. Pour disperser le rassemblement, des forces de défense et de sécurité ont tiré à balles réelles sur un groupe de manifestants. Rachad est atteint à la poitrine. Il meurt des suites de ses blessures deux jours plus tard. Mon fils avait 14 ans.
Ce garçon qui a été arraché à notre affection était le cinquième enfant de notre famille. Mon fils était un élève très studieux curieux et audacieux. Malgré son jeune âge, Rachad était un garçon serviable, qui avait toujours quelque chose à faire. Chaque jour après les cours, il aidait ses plus jeunes frères à faire leurs devoirs avant de faire les siens. Tous les vendredis soir et samedis matin, il jouait au football dans l’équipe de de Bafilo. Le samedi après-midi, il allait aider mon fils aîné dans son épicerie. Rachad aidait aussi son père à la ferme tous les dimanches.
Deux ans après ce triste évènement qui a frappé ma famille, je reste une mère qui souffre. Si le soutien des membres de notre famille me console, il ne peut me faire oublier la profondeur de ce drame. Et comme le père de Rachad et tous les membres de la famille, je cherche toujours à découvrir la vérité sur ce qui lui est arrivé.
La plainte que nous avons déposée le 26 octobre 2017 pour obtenir justice et réparation pour la mort de mon fils n’a pas évolué. Le procureur indique qu’une enquête est ouverte, mais le juge n’a toujours rien dit.
Ma famille et moi ne nous expliquons pas les causes de ces lenteurs. Elles me confortent dans l’idée que les forces de défense et de sécurité ne sont jamais poursuivies et condamnées lorsqu’elles commettent des violations des droits humains au Togo. Ici, au 21 e siècle, des manifestants non violents et de simples passants perdent la vie ou sont blessés par l’armée et les forces de sécurité sans que personne ne soit amené à rendre des comptes.
Pendant ce temps, la mort de mon fils a laissé un vide que personne ne pourra combler. Si les autorités togolaises veulent montrer qu’il y a une justice dans le pays, elles doivent rétablir la confiance des populations dans les forces de sécurité et s’attaquer à l’impunité endémique des violences qu’elles exercent. Nous souhaitons que justice soit rendue. Ma famille a besoin de justice pour Rachad.
Cette tribune a été initialement publiée par Medium.