Le Viêt-Nam doit améliorer son bilan en matière de droits humains Par John Coughlan, chercheur pour Amnesty spécialiste du Cambodge, du Laos, et du Viêt-Nam

Alors qu’il a été annoncé que Nguy ?n Phú Trong sera reconduit dans ses fonctions de secrétaire général du Parti communiste vietnamien (PCV), au terme d’une course secrète au leadership l’ayant opposé au Premier ministre, Nguy ?n T ?n D ?ng, il doit de toute urgence s’efforcer de rectifier le bilan du pays en matière de droits humains, qui depuis longtemps laisse beaucoup à désirer.

De plus en plus, le Viêt-Nam essaie de se présenter comme un membre responsable de la communauté internationale - il siège au Conseil des droits de l’homme des Nations unies et a récemment ratifié la Convention contre la torture. Mais dès qu’on y regarde d’un peu plus près, la réalité est bien différente. Les violations des droits humains dans le pays ne faiblissent pas. Le fait est que le même secret ayant entouré la lutte de pouvoir au sein du PCV protège d’un examen approfondi le bilan du Viêt-Nam en matière de droits humains, et permet au gouvernement de ne pas s’exposer au mépris de la communauté internationale.

Le cas de Lê V ?n M ?nh illustre tout à fait cela. Cet homme a été déclaré coupable du viol et du meurtre d’une fille de 12 ans en 2005, mais a toujours clamé son innocence et affirmé qu’on lui avait arraché des « aveux » sous la torture. Lê V ?n M ?nh devait être exécuté en octobre dernier. D’habitude, les autorités ne laissent échapper aucune information sur les affaires de condamnation à la peine capitale jusqu’à ce que l’exécution ait eu lieu, mais dans ce cas, Lê V ?n M ?nh est parvenu à transmettre au monde extérieur des informations relatives à sa mort imminente. Après que cela eut suscité une vague de protestation dans le monde entier, les médias d’État ont indiqué que l’exécution avait été reportée la veille de la date où Lê V ?n M ?nh devait être mis à mort, et que la Cour suprême « réexaminerait » son cas.

Mais depuis ce sursis, aucune information n’a filtré. Malgré de nombreuses demandes de renseignements adressées aux autorités, la mère de Lê V ?n M ?nh ignore tout du sort réservé à son fils. Le système judiciaire a serré les rangs, refusant de communiquer des informations à ce propos et se soustrayant à toute évaluation ou obligation de rendre des comptes.
Afin de faire avancer le pays, le secrétaire général doit lancer des réformes inclusives et mettre un coup d’arrêt aux tendances répressives de son parti.

En mars 2015, le ministère de la Sécurité publique a révélé que 226 personnes étaient mortes en garde à vue au cours d’une période de trois ans ayant pris fin en septembre 2014, mais a affirmé que la plupart des détenus concernés avaient succombé à une maladie ou étaient décédés de causes naturelles. Le ministère a en outre déclaré qu’il avait mené des arrestations dans 1 410 cas impliquant 2 680 personnes qui avaient « porté atteinte à la sécurité nationale » - une expression souvent utilisée au Viêt-Nam en référence à ceux qui défendent les droits humains -, et dissous 60 groupes d’opposition illégaux.

Peu d’éclaircissements ont été fournis sur ce que recouvrent les chiffres rendus publics. On peut supposer qu’ils n’incluent pas les agressions physiques ayant visé des défenseurs des droits humains et des opposants au gouvernement, qui se sont banalisées à travers le pays. En 2015, 69 hommes et femmes ont été pris pour cible dans le cadre de 36 attaques violentes, perpétrées par la police ou par des hommes en civil qui, de l’avis général, travaillaient pour ou avec la police.

Un exemple saillant est le passage à tabac en décembre 2015 de Nguy ?n V ?n ?ài, avocat et défenseur des droits humains. Cet homme et trois de ses collègues ont été violemment agressés après qu’ils ont dispensé une formation aux droits humains dans une commune rurale du nord du pays. Dix jours plus tard, il a été arrêté alors qu’il se rendait à une discussion sur les droits humains avec des délégués de l’Union européenne. Il a depuis lors été accusé, avec sa collègue Lê Thu Hà, de propagande contre l’État, infraction passible d’une peine de 20 ans de réclusion.

La progression du Viêt-Nam sur le plan des droits humains suit un chemin bien établi ; lorsqu’il fait un pas en avant, il en fait souvent plusieurs en arrière. En octobre 2015, il a pris part aux négociations ayant débouché sur le Partenariat transpacifique, un accord de libre-échange qui engage les pays signataires tels que le Viêt-Nam à autoriser la création de syndicats indépendants, du jamais vu dans cette nation du sud-est de l’Asie. Depuis que le texte de l’accord a été approuvé en octobre, cependant, les attaques contre les défenseurs des droits des travailleurs ont continué. En novembre, ?? Th ? Minh H ?nh et Tr ??ng Minh ??c, deux défenseurs des droits des travailleurs et anciens prisonniers d’opinion, ont été frappés par des hommes en civil, avant d’être arrêtés par des policiers en uniforme.
Si le Viêt-Nam veut donner l’image d’un membre responsable de la communauté internationale, il doit rompre avec ce genre de pratiques abusives.

Des réformes en profondeur sont requises aux différents niveaux de pouvoir, afin que le gouvernement puisse tenir ses promesses en matière de droits humains et honorer les obligations qui sont les siennes aux termes du droit international. Cela doit être la priorité de Nguy ?n Phú Trong dans le cadre de son nouveau mandat.

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