La police du Kenya ne doit pas recourir à une force excessive durant les élections Abdullahi Boru Halakhe, chercheur sur l’Afrique de l’Est à Amnesty International

Un nuage sombre plane sur les élections prévues cette semaine. Craignant une répétition des violences qui ont suivi l’élection de 2007, la police s’apprête à disperser les manifestations et a désigné des « hotspots » de violence.

La période de campagne électorale a déjà été émaillée d’incidents violents.

Les partisans de candidats rivaux au poste de gouverneur se sont affrontés dans la ville d’Eldoret, dans l’ouest du pays, le 19 juillet, faisant cinq blessés, ainsi qu’à Marsabit dans le nord du pays, le 26 juillet, où quatre personnes ont été blessées.

On peut supposer que l’inspecteur général de la police Joseph Boinnet anticipait des violences électorales lorsqu’il a autorisé l’achat d’équipements antiémeutes, notamment des véhicules blindés de transport de troupes, des gaz lacrymogènes et 36 canons à eau, en vue de les utiliser en marge des élections.

S’il est du devoir de la police kényane de protéger la population contre les violences, elle doit le faire tout en respectant le droit national et international.

D’après la commission Waki chargée d’enquêter sur les violences post-électorales en 2007-2008, sur les 1 133 personnes tuées, près de 36 % sont mortes de blessures par balles de la police.

En mai 2016, à Nairobi, la police a violemment réprimé des manifestations d’opposants qui réclamaient de nouveaux commissaires électoraux. Beaucoup se souviennent de l’image d’un policier lourdement armé piétinant la tête d’un manifestant sur le trottoir, image qui avait alors retenu l’attention du monde entier.

Aussi n’est-il guère étonnant que certains aient exprimé des préoccupations quant à l’achat par les forces de police de nouveaux équipements pour le contrôle des foules. Par nature, ces équipements frappent sans discrimination et peuvent causer de graves dommages. Leur utilisation doit être strictement limitée aux situations de violence généralisée et lorsque tous les autres moyens de contenir la violence ont échoué.

Les Kenyans vont sans doute descendre dans les rues une fois le résultat de l’élection connu, pour célébrer la victoire de leur candidat ou se lamenter sur leur défaite. Leurs effusions publiques prendront sans doute des formes diverses – manifestations, réunions, défilés, meetings ou sit-in. Le rôle de la police est de faciliter ces rassemblements pacifiques, et non de les disperser.

Si des actes violents sont commis durant ces événements, il incombe à la police de protéger les citoyens, mais elle ne doit pas se servir des actes violents de quelques-uns pour restreindre les droits de tous. La décision de disperser un rassemblement ne doit être prise qu’en dernier ressort. Si elle doit user de la force, la police doit respecter les principes de nécessité et de proportionnalité. Au titre du droit international, les armes à feu ne doivent jamais être utilisées pour disperser une réunion.

Le droit kényan l’interdit également. Aux termes de la Loi relative aux Services de police au niveau national et de la Loi relative à l’ordre public, l’usage des armes à feu est restreint à des circonstances exceptionnelles. Ces deux lois précisent que les armes à feu doivent être utilisées uniquement pour sauver ou protéger la vie, ou en cas de légitime défense contre une menace imminente de mort ou de blessure grave.

S’il est logique que la police positionne ses forces là où il est probable que des violences éclatent et fassent des victimes, les policiers déployés dans les zones identifiées comme des « hotspots » ne doivent pas penser qu’ils ont carte blanche pour user d’une force excessive.

Dans plusieurs interviews données aux médias, Joseph Boinnet a déclaré que la police maintiendra l’ordre « dans le strict respect de la loi » – de belles paroles, qu’il faut désormais mettre en pratique.

Il a ajouté que plus de 100 000 agents des services de police, pénitentiaires et forestiers ont été formés dans le cadre des préparatifs pour l’élection. Il importe de les mettre en garde contre un usage excessif, injustifié et disproportionné de la force, car ils enfreindraient alors la loi.

Depuis 2007, les services de police ont fait l’objet de réformes légales et institutionnelles visant à en faire un service professionnel, efficace et ayant à rendre des comptes, qui s’attache la confiance de la population. Ces efforts seront réduits à néant si la réponse à cette élection est violente et bafoue les droits de ceux que la police a jurés de protéger – les citoyens du Kenya.

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