Neuf femmes afro-latino-américaines et afro-caribéennes qui consacrent leur vie à la quête de justice

portraits d'une dizaine de femmes

À l’occasion de la Journée internationale des femmes afro-latino-américaines, afro-caribéennes et issues de la diaspora, nous voulons mettre en valeur neuf militantes qui consacrent leur vie à mettre un terme aux inégalités et à la violence, en proposant des modes de vie qui soient dignes pour toutes les personnes.

Cristhian Manuel Jiménez*

Pour des milliers de femmes afro-latino-américaines et afro-caribéennes, ces défenseures sont un exemple en ce qu’elles dirigent divers combats et y participent, notamment en faveur de la justice, la liberté d’expression, la protection de la terre, la lutte contre le racisme, la protection des personnes réfugiées et l’absence de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, entre autres causes justes et nécessaires. Leur travail mérite la reconnaissance, la visibilité, la protection et les ressources nécessaires pour poursuivre son élargissement et rester possible.

Découvrez qui elles sont :

Réseau Vozes Negras pelo Clima, Brésil

Le réseau Vozes Negras pelo Clima est une initiative formée par 11 femmes brésiliennes noires qui travaillent dans leurs territoires respectifs pour protéger les droits humains, lutter contre le racisme climatique et promouvoir une justice socio-environnementale antiraciste. Elles appartiennent à des communautés quilombolas (composées de descendant·e·s d’esclaves en fuite), traditionnelles et riveraines des cours d’eau. Elles sont également des militantes et des dirigeantes de communautés périphériques des grands centres urbains, qui sont directement touchées par les conséquences de la crise climatique et les projets de développement qui ne tiennent pas compte des droits des populations locales.

Elles comprennent qu’il n’est pas possible d’élaborer de politiques d’adaptation, d’atténuation, de compensation et de réparation concernant les territoires exposés à la crise climatique sans compter avec les personnes les plus touchées par cette crise. Il est nécessaire d’écouter les voix de ces personnes et de répondre à leurs demandes pour apporter une réponse mondiale au changement climatique qui soit juste et inclusive.

Pour des milliers de femmes afro-latino-américaines et afro-caribéennes, ces défenseures sont un exemple en ce qu’elles dirigent divers combats et y participent, notamment en faveur de la justice, la liberté d’expression, la protection de la terre, la lutte contre le racisme, la protection des personnes réfugiées et l’absence de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, entre autres causes justes et nécessaires.

Elles se battent donc pour des politiques d’adaptation antiracistes et une transition énergétique qui garantisse la promotion des droits humains et de la nature. Les initiatives d’atténuation doivent intégrer les connaissances et les savoirs ancestraux des communautés et des peuples traditionnels, ainsi que veiller à la participation des personnes touchées par les phénomènes climatiques extrêmes lors de la prise de décisions relatives aux investissements à consacrer à la réparation des pertes et préjudices.

Dayana Blanco Acendra, Colombie

Dayana Blanco, avocate colombienne reconnue, dirige ILEX Acción Jurídica [1], une organisation afro-colombienne et afro-LGBTIQ+ engagée en faveur de la justice raciale en Colombie, en Amérique latine et dans les Caraïbes. D’après Dayana Blanco, « la justice raciale en Colombie requiert que toute la société s’engage à combattre l’inégalité historique qui touche la population d’ascendance africaine. Pour ce faire, des actions doivent s’attaquer à l’inégalité sociale et économique. »

Riche d’une formation universitaire remarquable et d’une expérience dans différents secteurs, Dayana Blanco a été à l’origine de l’ouverture d’enquêtes innovantes sur les violences policières racistes, sur l’invisibilité statistique dans la systématisation des violences contre les dirigeant·e·s d’ascendance africaine et sur les droits économiques et sociaux. Par ailleurs, grâce aux efforts coordonnés de son équipe avec d’autres organisations de la société civile, elle a obtenu des jugements importants en faveur du savoir-faire des sages-femmes afro-colombiennes et l’élimination de l’invisibilité statistique de la population d’ascendance africaine, entre autres, démontrant son dévouement en faveur de la quête d’égalité et de justice.

« la justice raciale en Colombie requiert que toute la société s’engage à combattre l’inégalité historique qui touche la population d’ascendance africaine. Pour ce faire, des actions doivent s’attaquer à l’inégalité sociale et économique. »

Sous sa direction, ILEX est devenue un référent de la promotion des droits de la population d’ascendance africaine, au moyen de la mobilisation juridique, de l’investigation et des communications stratégiques. Dayana Blanco et son équipe mettent en lumière l’importance du fait d’aborder l’inégalité sociale et économique comme une partie fondamentale de la justice raciale en Colombie, appelant toute la société à s’unir à ce combat et à construire un futur plus équitable pour tous et toutes.

Donaida Pérez Paseiro, Cuba

Militante noire, Donaida Pérez Paseiro est une dirigeante religieuse et présidente de l’association Yorubas Libres de Cuba. Propre à la diaspora africaine, la religion yoruba se pratique dans de nombreux pays, dont Cuba. Arrêtée le 16 juillet 2021, Donaida a été condamnée à huit ans de prison par le tribunal municipal populaire de Santa Clara en février 2022 pour « désordre public », « outrage » et « attentat » contre un fonctionnaire. D’après les informations dont dispose Amnesty International, Donaida n’aurait jamais dû être accusée de ces infractions.

Les charges d’« outrage » et de « désordre public » sont utilisées fréquemment à Cuba pour limiter le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Donaida et son époux, Loreto Hernández García, ont été jugés avec 14 autres manifestant·e·s au cours d’un procès inique, selon toute vraisemblance.

Donaida est un exemple de courage et de persévérance dans la résistance contre la répression à Cuba. Elle a fait preuve de son engagement au cours de nombreuses marches pacifiques et manifestations. D’après sa famille, elle a été journaliste indépendante avant de fonder l’agence de presse Laurel Express, à travers laquelle elle a donné une visibilité aux injustices que subit sa communauté de la ville de Placetas, ainsi qu’aux défis que cette communauté doit relever. Son militantisme aborde de multiples sphères, car elle a été membre du front de résistance d’Orlando Zapata Tamayo et de la coalition centrale d’opposition. L’héritage de Donaida Pérez Paseiro dépasse les frontières et est une profonde source d’inspiration pour les personnes qui voudraient voir Cuba libérée de la répression.

Guerline M. Jozef, Haïti

Guerline M. Jozef est la fondatrice et la directrice exécutive de Haitian Bridge Alliance, la seule organisation dirigée par des femmes noires et haïtiennes à apporter des services aux personnes migrantes des deux côtés de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Nommée comme l’une des personnes les plus influentes sur les questions raciales en 2021 par Politico, elle est également cofondatrice du Black Immigrants Bail Fund et du Cameroon Advocacy Network.

Haitian Bridge Alliance (HBA), également connue comme « le Pont », est une organisation communautaire locale qui plaide pour des politiques migratoires justes et humaines. Elle propose également aux personnes migrantes et immigrées des services humanitaires, juridiques et sociaux, avec une attention toute particulière portée aux personnes migrantes noires, à la communauté haïtienne, aux femmes et aux filles, aux personnes LGBTQIA+ et aux victimes de torture et d’autres atteintes aux droits humains. HBA cherche également à mettre en lumière les problèmes spécifiques aux personnes migrantes noires et à favoriser la solidarité et l’action collective pour obtenir des changements politiques. Anpil men, chay pa lou ! l’union fait la force !

Miriam Miranda, Honduras

Dirigeante afro-autochtone garifuna, la Hondurienne Miriam Miranda, se démarque par son courage en tant que défenseure des droits humains et de l’environnement. Comme coordonnatrice de l’Organisation fraternelle noire du Honduras (OFRANEH), elle a mené à bien un travail précieux sur la protection et la défense des droits du peuple garifuna au Honduras. Son travail sans relâche, sa lucidité et son engagement lui ont valu d’obtenir la reconnaissance de prix prestigieux, comme celui de la fondation Friedrich Ebert, ainsi que les prix Carlos Escaleras et Oscar Romero.

Le combat de Miriam est profondément enraciné dans le territoire garifuna du Honduras et se manifeste à travers l’histoire de l’OFRANEH, organisation avec laquelle ce peuple construit sa dignité et son avenir. La terre et la mer, éléments fondamentaux de son identité, déterminent une lutte essentielle pour préserver les biens naturels de son territoire.

La terre et la mer, éléments fondamentaux de son identité, déterminent une lutte essentielle pour préserver les biens naturels de son territoire.

Miriam est une penseuse et une dirigeante très respectée au sein du mouvement social. Elle a une capacité incroyable à dévorer les livres et à mobiliser des énergies de toutes parts pour défendre son peuple. Elle est une de ces personnes qui rendent la vie possible, dont les paroles sont toujours tournées vers l’avant et qui trouvent leur force dans les racines profondes de leur origine, où est né leur avenir fait de liberté. En tant que fille de Barauda [2] (représentante de la force féminine garifuna, Barauda est un personnage historique qui a poussé le héros garifuna Sathuye à poursuivre le combat pour la libération de son peuple), Miriam a tourné son regard critique vers l’origine de tous les maux : la civilisation déprédatrice du consumérisme.

Son travail insatiable et son courage sont une source d’inspiration qui pousse les autres à poursuivre le combat. Sa contribution et son leadership ont déjà laissé une empreinte indélébile dans l’histoire du Honduras et dans les luttes pour la défense du territoire de par le monde.

Shackelia Jackson, Jamaïque

En 2014, l’exécution extrajudiciaire du frère de Shackelia Jackson, Nakiea Jackson, a fait basculer sa vie dans le militantisme. Progressivement depuis, elle guérit, évolue, apprend et réunit les outils nécessaires pour concilier ses réalités qui s’opposent. Se consacrant à l’étude des sciences politiques et à la communication, Shackelia est mère d’un enfant empathique, qui rêve avec innocence d’explorer et expérimenter le monde. Malgré les obstacles et les contretemps, Shackelia continue de se consacrer à la lutte en général : elle soutient les causes qui freinent l’institutionnalisation et la normalisation de pratiques qui enfreignent les droits humains et qui érodent le caractère sacré de la vie.

« Écrivons jusqu’à ce qu’on nous écoute, écrivons jusqu’à ce que justice soit rendue, » a-t-elle déclaré.

À travers les efforts de son organisation basée en Jamaïque, elle a collecté des fonds pour soutenir des initiatives de rescolarisation et de programmes éducatifs, reconnaissant qu’il est essentiel de donner à la nouvelle génération les capacités d’agir. Le travail de Shackelia a largement dépassé sa communauté locale. Elle est devenue une force mondiale, prêtant sa voix et son expérience à des plateformes internationales. Lorsqu’elle est intervenue en tant qu’oratrice principale à un événement d’Amnesty International à Londres, elle a captivé le public par ses paroles puissantes, l’incitant à se lever et à passer à l’action. En 2017, Shackelia a également participé à des tables rondes lors d’événements d’Amnesty International au Brésil [3] et aux États-Unis [4], se faisant l’écho des personnes opprimées et exigeant que les responsabilités soient établies.

Au cours de son voyage, Shackelia s’est aperçue que le changement commence par chaque personne. Elle a encouragé les autres à s’unir à elle en écrivant pour les droits et en utilisant leurs mots comme des armes contre l’injustice. « Écrivons jusqu’à ce qu’on nous écoute, écrivons jusqu’à ce que justice soit rendue, » a-t-elle déclaré.

Ivana C. Fred Millán, Porto Rico

Éminente militante noire et transgenre, Ivana Fred est aussi une écrivaine et une leader à Porto Rico. Elle a consacré sa vie à se battre pour les droits humains des personnes transgenres et pour leur égalité avec les autres dans son pays. Sa passion pour la justice a fait d’elle une figure influente et une voix puissante dans la société portoricaine.

Dès ses premiers pas dans le militantisme, en 1999, Ivana a fait partie de projets pionniers destinés aux personnes trans et a utilisé sa voix et sa plume pour se faire l’écho des récits et des besoins de la population trans.

Comme elle le dit elle-même : « la vie m’a placée à un endroit où j’ai pu m’épanouir en tant que leader. Le projet Ponte el sombrero [« Mets ton chapeau »] m’a fourni les outils nécessaires pour pouvoir éduquer les populations victimes de discrimination, socialement défavorisées, et leur donner du pouvoir. J’ai alors compris qu’exister, c’est résister. »

Ivana a également laissé son empreinte dans les médias. Elle a écrit des articles pour le journal Metro et a participé à des documentaires et des films acclamés par la critique, comme « Mala Mala » et « Las Muchachas ». Sa présence et son point de vue ont aidé à renforcer la visibilité et la compréhension de l’expérience des personnes transgenres à Porto Rico.

À l’heure actuelle, Ivana Fred est l’une des directrices de l’organisation Trans Goofy Games, au sein de laquelle elle continue de diriger et de soutenir des initiatives qui favorisent l’inclusion et le renforcement du pouvoir des personnes transgenres. Faisant preuve d’un engagement indéfectible, Ivana est toujours restée une leader visible et une militante fidèle. Depuis ses débuts dans le militantisme jusqu’à aujourd’hui, sa voix n’a cessé de s’élever dans la quête de dignité et de respect pour toutes les personnes transgenres.

Avec son courage et sa détermination, Ivana a démontré qu’exister, c’est résister. Elle a ouvert la voie vers un avenir plus inclusif et respectueux, à Porto Rico et ailleurs. Son héritage en tant que leader visible et son militantisme infatigable inspirent tout le monde à poursuivre le combat en faveur d’un monde où tous et toutes puissent vivre dans l’égalité et la dignité.

Elena Lorac, République dominicaine

Elena Lorac est une militante et défenseure des droits humains réputée en République dominicaine, en particulier pour les personnes dominicaines d’ascendance haïtienne. En tant que coordonnatrice nationale du mouvement Reconoci.do, elle a dirigé la lutte en faveur du droit à la nationalité et à la pleine intégration de cette population dans la société dominicaine.

Au cours de ses 12 ans d’expérience, Elena a travaillé au renforcement du pouvoir des responsables communautaires et à l’autonomisation des femmes noires dans les bateyes du pays. Par ailleurs, elle apporte son soutien aux personnes migrantes haïtiennes et vénézuéliennes ainsi qu’aux personnes réfugiées, se démarquant par son approche communautaire.

Elena jouit également d’une reconnaissance nationale et internationale en tant que conférencière. Elle aborde des thèmes tels que la nationalité, la discrimination et le racisme, produisant ainsi une prise de conscience au sujet des politiques qui nuisent aux personnes dominicaines d’ascendance haïtienne en République dominicaine. Ses efforts inlassables ont joué un rôle crucial pour promouvoir les droits humains et parvenir à l’intégration réelle de cette population dans la société dominicaine.

Aracelis Sánchez, Venezuela

Défenseure des droits humains et fondatrice de l’organisation des familles de victimes d’atteintes aux droits humains (Orfavideh), Aracelis Sánchez favorise la solidarité et exige que justice soit rendue, avec plus de 200 mères de victimes d’exécutions extrajudiciaires au Venezuela.

Depuis la perte de son fils, Darwilson Sequera, il y a plus de 10 ans, Aracelis se bat pour enquêter sur les cas de violations des droits humains commises par les forces de sécurité de l’État vénézuélien. Orfavideh offre des ateliers de formation en droits humains aux mères, leur fournissant des outils pour exiger des garanties et utiliser les mécanismes judiciaires au Venezuela.

Leur travail mérite la reconnaissance, la visibilité, la protection et les ressources nécessaires pour poursuivre son élargissement et rester possible.

Aracelis souligne que lorsque les victimes trouvent les moyens d’agir et font pression sur les procureurs, des enquêtes sont ouvertes. Elle estime qu’il est essentiel de mettre un soutien à disposition et d’octroyer des moyens d’agir pour transformer la douleur en actions positives et obtenir que justice soit rendue pour les victimes et leurs familles.

*Cristhian Manuel Jiménez est le chargé de campagne d’Amnesty International pour les Caraïbes.

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