Au Burundi, Agnès Ndirubusa travaille comme analyste politique pour Iwacu, l’un des rares médias indépendants de son pays. Malgré les menaces qui « font partie de son travail », elle se dédie à son métier avec passion. « En tant que journalistes, nous étions intimidé·e·s et menacé·e·s par les services de renseignement burundais, la police et le régulateur de la presse, qui est au service du président, confie Agnès. J’ai essayé de me protéger moi-même et ma famille en vivant dans un quartier sûr et en apparaissant peu en public, mais la situation demeurait tout de même dangereuse. »
INFORMER, MALGRÉ LES MENACES
Ces craintes se renforcent lorsque, en 2016, disparaît le collègue d’Agnès, Jean Bigirimana, dont on n’a d’ailleurs toujours aucune trace. Agnès décide malgré tout de continuer à faire son travail comme avant. « Iwacu était le seul média qui parlait réellement de politique. Mes collègues et moi étions régulièrement interrogé·e·s par les autorités et nous recevions des appels téléphoniques menaçants », poursuit la journaliste.
Le 22 octobre 2019, Agnès se rend dans la province de Bubanza avec trois collègues et un chauffeur afin de réaliser un reportage sur les violents combats qui opposent les forces de sécurité à un groupe de rebelles. Bien que la journaliste ait informé le gouvernement provincial de leur déplacement, l’équipe est arrêtée dès son arrivée. Motif : complicité d’atteinte à la sécurité intérieure, alors même qu’aucune preuve n’existe pour justifier cette accusation.
UNE CONDAMNATION SANS AUCUN FONDEMENT
S’ensuit alors un procès inéquitable qui aboutit à la condamnation des quatre journalistes à deux ans et demi de prison et à une amende d’un million de francs burundais (l’équivalent de 500 euros). Scandalisée par ce verdict, Amnesty International se mobilise et appelle notamment le public à écrire des lettres pour obtenir la libération d’Agnès et de ses collègues. Ces actions et la pression internationale portent leurs fruits : après 14 mois d’emprisonnement, les journalistes bénéficient d’une grâce présidentielle et sont libéré·e·s le 24 décembre 2020.
« Le fait de savoir que des organisations internationales telles qu’Amnesty militaient pour notre libération a été un grand soutien. Les cartes et les lettres que nous avons reçues nous ont grandement aidé·e·s à garder le moral », insiste Agnès.
UN EXIL OBLIGATOIRE
Si la journaliste a recouvré sa liberté, sa sécurité n’est pas pour autant garantie : « après ma libération, j’ai repris mon travail, mais j’ai rapidement reçu de nouvelles menaces. Rester dans mon pays devenait trop risqué. » Arrivé·e·s en Belgique avec l’aide d’Amnesty International, Agnès, son fils et son mari ont récemment été reconnu·e·s comme réfugié·e·s et tentent de reprendre le fil de leur vie : « mon fils va à l’école, mon mari a trouvé un travail. Le soleil et la chaleur humaine du Burundi nous manquent, mais un retour n’est pas envisageable tant que notre pays n’aura pas changé. » En attendant, Agnès n’a pas renoncé à exercer son métier, à l’instar d’autres journalistes qui ont dû fuir le Burundi. Délivrant analyses et articles, elle tente de continuer d’informer le public du mieux qu’elle le peut sur la situation de ce pays où être journaliste équivaut souvent à avoir une cible sur le dos.