24 janvier 2019, Kinshasa. Lors d’une cérémonie solennelle, le président Joseph Kabila — aux commandes du pays depuis le décès de son père en 2001 — cède le pouvoir à Félix Tshisekedi — fils d’Étienne Tshisekedi, opposant historique et personnage emblématique de la vie politique congolaise.
Malgré les nombreuses voix criant à la fraude électorale aux dépens du candidat Martin Fayulu, le processus suit son cours et Félix Tshisekedi est conforté dans sa nouvelle fonction. Une nouvelle page de l’histoire congolaise commence à s’écrire, mais elle n’efface pas l’effroyable répression qui a précédé les élections, notamment celle qui s’est abattue sur les mouvements prodémocratie LUCHA (Lutte pour le changement) et Filimbi (voir entretien p. 20).
Une contestation violemment réprimée
Selon la constitution congolaise, le second et dernier mandat du président Joseph Kabila devait prendre fin en décembre 2016. Pourtant, dès 2015, des manoeuvres visant à faire sauter le verrou constitutionnel et ainsi lui permettre de briguer un nouveau mandat ont été dénoncées. Face à l’opposition de la population congolaise, ce projet avortera, mais la tenue des élections sera repoussée durant plusieurs années. Ces reports seront perçus comme un subterfuge du président Kabila lui permettant d’exercer de facto un troisième mandat.
Des manifestations réclamant une alternance démocratique et pacifique prendront alors place à travers le pays et seront violemment réprimées, avec des manifestant·e·s arrêté·e·s, battu·e·s et emprisonné·e·s. Au moins 17 personnes seront tuées et plusieurs dizaines d’autres blessées.
Cette contestation sera menée par des acteurs aussi divers que variés, allant de partis politiques, de membres de la société civile, du clergé — à travers un collectif catholique appelé Comité Laïc de Coordination (CLC), à des mouvements citoyens. Parmi ces derniers, évoquons notamment la LUCHA (Lutte pour le Changement) et Filimbi, dont des membres passeront plusieurs mois en prison du fait de leurs opinions.
Des gestes d’apaisement
Un mois après l’entrée en fonction de Félix Tshisekedi, Amnesty International — par la voix de son Secrétaire général, Kumi Naidoo — l’a appelé à prendre rapidement les mesures nécessaires pour remédier au bilan catastrophique du pays en matière de droits humains.
Dans une proposition en 10 points, il lui a été demandé notamment de défendre les droits des femmes, de lever l’interdiction des manifestations pacifiques, de supprimer les restrictions visant l’Internet et les médias, ainsi que d’éradiquer le travail des enfants.
Début mars 2019, le président Tshisekedi fera connaitre un programme d’urgence pour ses 100 premiers jours dans lequel se trouvent des mesures visant à apaiser le climat politique en RDC. Il était ainsi question d’une grâce présidentielle aux prisonnier·e·s politiques et d’opinion et de l’autorisation de retour des exilé·e·s politiques et d’opinion. Ce même mois, une ordonnance présidentielle annonça la libération par étapes de plus de 700 détenus. À présent libres, les prisonniers politiques Franck Diongo, Diomi Dongala et Firmin Yangambi ont été parmi les premiers bénéficiaires de cette grâce.
Un espoir pour l’avenir, mais le combat continue
Après une longue période d’instabilité qui a suivi l’expiration du second mandat du président Joseph Kabila, l’alternance tant souhaitée en République démocratique du Congo a vu Felix Tshisekedi intronisé président de la République. Cet évènement inédit et les mesures de décrispation annoncées ne doivent pas nous faire perdre conscience du combat mené depuis plusieurs années par la population congolaise, et qui est loin d’être achevé.
En effet, que ce soit l’accès à la justice, la lutte contre l’impunité, la situation d’insécurité sévissant à plusieurs endroits dans le pays, les prisonniers politiques et d’opinion qui surpeuplent les prisons, ce sont autant de priorités qu’il faudra rappeler au nouveau leader du pays.