GÉORGIE

Géorgie
CAPITALE : Tbilissi
SUPERFICIE : 69 700 km²
POPULATION : 4,5 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Mikhail Saakachvili
CHEF DU GOUVERNEMENT : Zourab Jvania, remplacé par Zourab Noghaideli le 17 février
PEINE DE MORT : abolie
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Cette année encore, des représentants de la loi se seraient rendus responsables d’actes de torture et de mauvais traitements, malgré les efforts des autorités pour tenter de résoudre ce problème. Quelques personnes ayant commis des agressions contre des membres de minorités religieuses ont été emprisonnées, mais des centaines d’autres, coupables d’actes similaires, n’ont pas été inquiétées. Plusieurs Tchétchènes recherchés par la Russie pour des faits de terrorisme, ainsi qu’un Kurde demandé par la Turquie, risquaient d’être expulsés ou extradés. Le pouvoir judiciaire subissait manifestement l’influence abusive de l’exécutif. Selon certaines allégations, le gouvernement se serait rendu coupable d’ingérence en matière de liberté de la presse, en particulier vis-à-vis de la télévision. La peine de mort était toujours en vigueur en Ossétie du Sud et en Abkhazie, deux territoires séparatistes dont l’indépendance n’était pas reconnue par la communauté internationale.

Torture et mauvais traitements
Les autorités ont pris un certain nombre de mesures pour lutter contre le problème de la torture et des mauvais traitements. Plusieurs hauts représentants du gouvernement se sont publiquement engagés à combattre ces pratiques. La loi a été modifiée et une surveillance renforcée des centres de détention, exercée en particulier par les services du médiateur public, a été mise en place. Onze personnes reconnues coupables de crimes constituant des actes de torture ou des mauvais traitements purgeaient des peines d’emprisonnement prononcées depuis la « Révolution de la rose », en novembre 2003. En juin, la Géorgie a reconnu la compétence du Comité contre la torture [ONU] pour examiner les plaintes soumises par des particuliers ; en août, le pays a adhéré au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Des actes de torture et des mauvais traitements ont néanmoins continué d’être signalés. Parmi les méthodes dénoncées figuraient notamment l’étouffement à l’aide d’un sac en plastique enfermant la tête de la victime, le simulacre d’exécution - le canon d’une arme étant introduit dans la bouche du détenu -, les coups - y compris les coups de crosse de fusil et les coups de pied -, ainsi que les menaces contre les proches du suspect.
La plupart du temps, lorsqu’un détenu était blessé par la police, les violences avaient lieu semble-t-il au moment de son arrestation. On a signalé un certain nombre de cas de personnes qui auraient été torturées ou maltraitées dans un véhicule de la police, dans un commissariat, voire dans les locaux du ministère de l’Intérieur. Un détenu a déclaré avoir été maltraité pendant une audience, en plein tribunal.
De nombreux sévices n’étaient jamais révélés, la police s’appliquant à étouffer les affaires et les victimes craignant bien souvent de faire l’objet de représailles au cas où elles chercheraient à porter plainte ou à identifier leurs tortionnaires. Dans la pratique, la manière dont étaient appliquées les garanties légales destinées à empêcher que des détenus soient torturés ou maltraités présentait certaines carences, notamment en ce qui concernait le droit de voir un avocat dans les meilleurs délais.
L’impunité des auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements restait un problème. Aucune victime n’avait semble-t-il obtenu réparation. La section de protection des droits humains des services du procureur général a indiqué que 151 procédures ou informations judiciaires avaient été ouvertes en 2005 et que 31 responsables de l’application des lois avaient fait l’objet d’une inculpation. Le parquet n’a cependant pas ouvert une enquête sur toutes les affaires de torture ou de mauvais traitements signalés. En outre, dans des dizaines de cas, l’information ouverte ne s’est pas traduite par la comparution en justice des responsables présumés. Enfin, de nombreuses enquêtes n’étaient pas menées de façon impartiale et indépendante.
Au mois de mars, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, qui s’était rendu en Géorgie en février, a communiqué aux autorités une liste de recommandations à mettre en œuvre dans le cadre de la lutte contre la torture et les autres formes de mauvais traitements. Il a notamment demandé que les juges et les procureurs s’enquièrent systématiquement auprès des détenus comparaissant devant eux de la manière dont ils avaient été traités, que tout représentant des pouvoirs publics inculpé pour violences ou acte de torture soit suspendu de ses fonctions et traduit en justice, et que des réparations, des soins médicaux et une aide à la réadaptation soient accordés aux victimes.
Dans son rapport publié au mois de juin, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), qui relève du Conseil de l’Europe, indiquait que les suspects de droit commun étaient particulièrement exposés au risque d’être maltraités par la police, qui recourait parfois à des méthodes particulièrement dures ou relevant de la torture.
Au mois de novembre, Amnesty International a engagé les autorités à mettre en place un organisme indépendant de la police, du parquet et de la justice, qui serait chargé d’examiner les enquêtes menées à la suite d’allégations relatives à des actes de torture ou à des mauvais traitements, ainsi que les suites judiciaires données à ces enquêtes. Cet organisme devrait être habilité à présenter ses conclusions et recommandations aux autorités compétentes, ainsi qu’à publier ses rapports. Amnesty International a également prié les pouvoirs publics de s’efforcer tout particulièrement de lutter contre la torture et les mauvais traitements en province. Elle a demandé que les policiers ne soient plus autorisés à porter des masques ou d’autres accessoires vestimentaires susceptibles de dissimuler leur identité, sauf dans des circonstances exceptionnelles (chaque fonctionnaire devant cependant rester identifiable, par exemple grâce à un numéro bien visible).
Guivi Ianiachvili a été arrêté le 12 mai à son domicile, à Roustavi, par une bonne trentaine d’hommes masqués appartenant à une unité spéciale de la police. Il n’était pas armé et affirme n’avoir opposé aucune résistance. Il aurait été roué de coups devant sa femme, son enfant de onze ans et plusieurs voisins. Un médecin légiste, qui l’a examiné quatre jours plus tard, a constaté qu’il présentait des lésions tendant à confirmer sa version des faits. Le parquet de la ville de Tbilissi a attendu le 29 juin pour ouvrir une enquête sur les allégations de mauvais traitements.
Les autorités tardaient bien souvent à ouvrir une enquête lorsqu’elles recevaient une plainte faisant état d’actes de torture ou de mauvais traitements perpétrés par des responsables de l’application des lois.
Alexandre Mkheïdze, un architecte de vingt-sept ans, a été arrêté par la police le 6 avril à Tsqneti, un village des environs de Tbilissi. Selon son témoignage, il a été frappé et roué de coups de pied pendant son transfert au ministère de l’Intérieur, dans le centre de la capitale. Les violences auraient continué dans les locaux du ministère. Il a été conduit quelques heures plus tard dans un centre de détention, où il a été examiné par un médecin. Celui-ci a noté qu’il avait les jambes « légèrement rouges », estimant toutefois qu’il était globalement « en bonne santé ». Deux jours plus tard, le jeune homme a été interné dans un centre de détention au secret pour enquête. À son arrivée, il a réitéré ses accusations et un médecin a constaté qu’il avait des ecchymoses sur les jambes. Alexandre Mkheïdze a été examiné quinze jours plus tard par un expert légiste ; l’examen a révélé plusieurs ecchymoses et traces d’abrasion occasionnées par un objet lourd et contondant, ce qui tendait à confirmer les allégations du jeune homme.

Minorités religieuses
À plusieurs reprises, des personnes appartenant à des minorités religieuses ont été frappées ou harcelées par des zélateurs de l’Église orthodoxe géorgienne. Les violences auraient parfois eu lieu à l’instigation de prêtres de cette Église. Quelques personnes ayant commis des agressions de cette nature ont été emprisonnées en 2005, mais des centaines d’autres, coupables d’actes similaires, n’ont pas été inquiétées. En outre, certains des individus condamnés n’ont pas eu à répondre de toutes les violences dont ils étaient soupçonnés.
Le 31 janvier, le tribunal de district de Vake-Sabourtalo (Tbilissi) a condamné Basil Mkalavichvili, Petre Ivanidze et Merab Korachinidze, respectivement, à six ans, quatre ans et un an d’emprisonnement. Les trois hommes avaient été reconnus coupables, entre autres, d’« ingérence illégale dans la conduite de rites ou autres règles ou usages religieux », de « coups et blessures » et d’« incendie volontaire ». Quatre autres partisans de Basil Mkalavichvili (Avtandil Donadze, Avtandil Gabounia, Akaki Mosachvili et Mikheïl Nikolozachvili) ont été condamnés à des peines de trois ans d’emprisonnement avec sursis. L’appel interjeté par Basil Mkalavichvili et Petre Ivanidze a été rejeté en octobre par un tribunal de Tbilissi.

Risques d’expulsion
Plusieurs réfugiés tchétchènes poursuivis en Russie pour actes de terrorisme, ainsi qu’un Kurde recherché par la Turquie pour son appartenance présumée au Partiya Karkeren Kurdistan (PKK, Parti des travailleurs du Kurdistan), risquaient d’être renvoyés de force dans des pays où leurs droits les plus fondamentaux seraient gravement menacés.
Au mois de mars, Chengueli, Suleïman et Sosran Tsatiachvili, trois frères de nationalité russe, auraient été arrêtés dans les locaux du ministère des Réfugiés et du Logement par des hommes de la cellule antiterroriste du ministère de l’Intérieur. Ils étaient venus déposer une demande d’asile au nom de Suleïman et de Sosran. Le frère aîné, Chengueli, avait déjà fait une demande en ce sens en décembre 2004. Ils auraient dans un premier temps été emmenés au siège de la cellule antiterroriste pour y être interrogés, avant d’être conduits sur le pont Rouge, qui sépare la Géorgie de l’Azerbaïdjan. Abandonnés ainsi entre les deux pays, les trois hommes sont toutefois parvenus à revenir en Géorgie. Ils sont retournés au ministère des Réfugiés et du Logement, accompagnés cette fois de représentants des services du médiateur et de l’Association géorgienne pour les Nations unies. Ils ont alors pu faire enregistrer leur demande d’asile. Selon certaines informations, les frères Tsatiachvili ne faisaient l’objet d’aucune demande d’extradition et ont été expulsés alors que leur demande d’asile n’avait pas été examinée.

Abkhazie et Ossétie du Sud
La question du statut de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, deux territoires séparatistes dont l’indépendance n’était pas reconnue par la communauté internationale, n’était toujours pas résolue. La peine capitale restait en vigueur dans ces deux entités. L’Ossétie du Sud appliquait cependant apparemment un moratoire de fait sur les condamnations à mort et les exécutions, l’Abkhazie s’abstenant uniquement de procéder à des exécutions.
Le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture s’est rendu au mois de février en Ossétie du Sud et en Abkhazie, dans le cadre de sa visite en Géorgie. Il a pu rencontrer, en Abkhazie, un homme et une femme se trouvant sous le coup d’une sentence capitale. En mars, il a demandé l’abolition de la peine capitale dans ce territoire.

Visites d’Amnesty International
Amnesty International a effectué des recherches en Géorgie de mars à juin, puis en octobre. Ses délégués se sont rendus à Tbilissi, à Zugdidi (dans l’ouest du pays) et en Ossétie du Sud.

Autres documents d’Amnesty International

 Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s concerns in the region, January-June 2005 : Georgia (EUR 01/012/2005).

 Georgia : Torture and ill-treatment - Still a concern after the "Rose Revolution" (EUR 56/001/2005).

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