KIRGHIZISTAN

République kirghize
CAPITALE : Bichkek (ex- Frounzé)
SUPERFICIE : 198 500 km²
POPULATION : 5,3 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Askar Akaïev, destitué et remplacé par Kourmanbek Bakiev le 24 mars
CHEF DU GOUVERNEMENT : Nikolaï Tanaïev, remplacé provisoirement par Kourmanbek Bakiev entre le 24 mars et le 10 juillet ; Félix Charchenbaevitch Koulov depuis le 11 juillet
PEINE DE MORT : maintenue, mais un moratoire sur les exécutions est en vigueur depuis 1998
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Des centaines de personnes sont venues se réfugier au Kirghizistan en mai, après que les forces de sécurité de l’Ouzbékistan voisin eurent, semble-t-il, ouvert le feu sur des milliers de manifestants, pour la plupart pacifiques et non armés. Quatre Ouzbeks ont été renvoyés contre leur gré dans leur pays d’origine au mois de juin. Les forces de sécurité ouzbèkes ont en outre poursuivi des réfugiés et des demandeurs d’asile en territoire kirghize, parfois avec la collaboration des autorités du Kirghizistan. De nombreuses personnes ont été privées de la possibilité de déposer une demande d’asile. Des Kirghizes figuraient parmi les hommes et les femmes qui ont fui la répression en Ouzbékistan ; ils n’ont pas été davantage protégés des agents ouzbeks, qui les ont poursuivis illégalement au-delà de la frontière.

Contexte
Des élections ont eu lieu en février, en vue de la constitution d’un nouveau Parlement à chambre unique. Elles ont suscité un large mouvement de protestation, des fraudes et d’autres irrégularités ayant semble-t-il entaché le scrutin. Le 24 mars, des partisans de l’opposition ont pris d’assaut plusieurs bâtiments officiels de la capitale, Bichkek, et une coalition informelle de groupes politiques a pris le pouvoir. Des discussions se sont engagées à Moscou et le chef de l’État, Askar Akaïev, a officiellement démissionné le 4 avril.
Félix Koulov, chef du parti d’opposition ‘‘Ar Namys ‘‘(Dignité) et ancien ministre de la Sécurité nationale, a été libéré alors qu’il purgeait une peine de dix-sept ans d’emprisonnement pour abus de pouvoir et détournement de fonds ; il avait été condamné à l’issue d’un procès motivé, semble-t-il, par des préoccupations politiques. Le Parlement l’a chargé de rétablir l’ordre dans le pays. Un autre opposant, l’ancien Premier ministre Kourmanbek Bakiev, a été nommé chef de l’État et du gouvernement par intérim. L’ancien Parlement s’est dissous le 28 mars en reconnaissant la légitimité de l’Assemblée nouvellement élue. En avril, la Cour suprême a annulé les jugements aux termes desquels Félix Koulov avait été déclaré coupable de détournement de fonds et de corruption. Kourmanbek Bakiev a été élu président de la République le 10 juillet. Il a nommé Félix Koulov au poste de Premier ministre.
Une loi visant à interdire l’extrémisme a été promulguée au mois d’août ; elle semblait devoir porter atteinte à la liberté d’expression, notamment à la liberté de la presse, dans la mesure où elle définissait de façon très large ce qui était susceptible de constituer une activité ou un document extrémiste. Les tensions se sont accentuées au mois de septembre et octobre. Plus de 20 détenus ont été tués lors d’une vague d’émeutes qui a secoué les prisons. Les troubles auraient été le fait de prisonniers excédés par leurs conditions de vie et par la collusion des autorités pénitentiaires avec certains chefs mafieux incarcérés. Un parlementaire, Tynytchbek Akmatbaïev, deux de ses assistants, et un haut fonctionnaire de l’administration pénitentiaire, Ikmatoullo Polotov, ont été tués le 20 octobre alors qu’ils visitaient l’une de ces prisons. Des manifestations ont eu lieu à Bichkek, à l’instigation de Ryspek Akmatbaïev, le frère du député tué, lui-même inculpé de meurtre dans le cadre d’une autre affaire. Les manifestants accusaient Félix Koulov de complicité dans la mort des quatre hommes. Le mouvement de protestation a été suspendu au bout d’une semaine, après que le président Bakiev eut accepté de recevoir une délégation. De nouvelles violences ont éclaté le 1er novembre, lorsque les forces gouvernementales ont tenté de reprendre le contrôle des prisons abandonnées par le personnel depuis les émeutes du mois précédent.
Le moratoire sur les exécutions a été prolongé d’un an. Parmi les projets de modification de la Constitution figurait une proposition d’abolition totale et définitive de la peine de mort.

Les réfugiés venus d’Ouzbékistan menacés
Plus de 540 personnes, dont des femmes et des enfants, sont arrivées au Kirghizistan dans la nuit du 14 mai en provenance de l’Ouzbékistan voisin où, selon certaines informations, des centaines de manifestants avaient été tués à Andijan le 13 mai (voir Ouzbékistan ). Ces réfugiés se sont regroupés dans un premier temps dans un camp de fortune, près de la frontière, où leur sécurité ne pouvait être assurée. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) les a donc installés le 4 juin dans un autre camp, à Bech-Kana. Les autorités kirghizes auraient cependant remis la liste des noms et adresses de ces personnes aux services de sécurité ouzbeks, qui ont fait pression sur certaines familles afin d’inciter les exilés à rentrer chez eux. Des parents des réfugiés auraient ainsi été amenés en autocar jusqu’au camp de Bech-Kana, qui aurait en outre été infiltré par les services de sécurité ouzbeks. Ce camp a été présenté dans la presse ouzbèke comme un repère de ‘‘« terroristes », ‘‘dirigé par de ‘‘« dangereux criminels »‘‘. Les habitants de Bech-Kana auraient en outre menacé de chasser les personnes réfugiées. Le HCR a mis en place un pont aérien, le 29 juillet, et a évacué 439 réfugiés vers la Roumanie, où ils ont été placés dans un centre de rétention, dans l’attente de leur réinstallation.
Extraditions et menaces de renvoi forcé
L’Ouzbékistan a exercé des pressions sur le Kirghizistan pour qu’il extrade une bonne partie des personnes réfugiées sur son sol. Le 9 juin, au mépris de leurs obligations internationales, les autorités kirghizes ont procédé à quatre renvois forcés vers l’Ouzbékistan, alors que le président Bakiev avait assuré au HCR que son pays accorderait une protection temporaire à un premier groupe de plus de 540 réfugiés, dont les quatre personnes concernées faisaient partie. Les services du procureur général d’Ouzbékistan ont indiqué, le 16 juin, qu’ils avaient demandé l’extradition de 131 réfugiés, au motif qu’ils avaient ‘‘« directement participé aux actes de terrorisme ‘‘[d’Andijan] ».
Le 22 juin, le procureur général du Kirghizistan aurait qualifié de ‘‘« criminels » ‘‘29 réfugiés arrêtés dans le camp de Bech-Kana et placés en détention, précisant que ceux-ci seraient renvoyés en Ouzbékistan dans la semaine. Il aurait demandé le 24 juin l’arrestation de 103 autres réfugiés. Il a cependant déclaré un peu plus tard que le Kirghizistan respecterait son obligation de protéger les réfugiés au regard du droit international, et que les 29 personnes appréhendées ne seraient pas renvoyées en Ouzbékistan tant que leur demande d’asile n’aurait pas été examinée. Quatorze d’entre elles ont été évacuées vers la Roumanie au mois de juillet, dans l’attente d’une réinstallation. Onze autres ont été réinstallées dans divers pays européens en septembre. La situation des quatre derniers détenus faisait l’objet de contestations. Selon les autorités d’Ouzbékistan, l’un d’eux aurait été condamné pour infraction à la législation sur les stupéfiants et les trois autres seraient recherchés pour le meurtre - commis le 13 mai - du procureur de la ville d’Andijan. Le HCR a accordé à l’un d’entre eux le statut de réfugié, mais cette décision a été contestée par les autorités kirghizes. Ces dernières ont, dans un premier temps, refusé d’autoriser les trois autres à déposer une demande d’asile, mais l’appel interjeté par les intéressés contre cette décision a été considéré comme fondé par un tribunal, qui a demandé que leur cas soit réexaminé.
Impossibilité d’accès aux procédures d’asile
Parmi les centaines de personnes ayant fui l’Ouzbékistan après le 13 mai, certaines n’auraient pas été autorisées à pénétrer en territoire kirghize ou auraient été renvoyées contre leur gré. Devant l’impossibilité de faire légalement reconnaître leur présence au Kirghizistan, d’autres auraient trouvé refuge auprès de parents ou d’amis, parfois clandestinement. Ces personnes ne disposaient guère d’informations concernant la procédure à suivre pour déposer une demande d’asile. Le HCR a certes enregistré de son côté des demandes, mais les autorités kirghizes n’ont rien fait pour protéger concrètement les demandeurs de l’action de leurs homologues ouzbèkes.
Bakhodir Sadikov, un Ouzbek réfugié dans la région d’Och, a déposé fin juin une demande d’asile auprès du HCR. Il a cependant été arrêté en rentrant du bureau de cet organisme parce qu’il n’avait pas de document attestant du dépôt de sa demande. Son nom figurait sur une liste de personnes soupçonnées d’infractions de droit commun publiée en juin par les autorités ouzbèkes. Selon certaines informations, Bakhodir Sadikov se trouvait deux jours après son arrestation dans un centre de détention de transit, en compagnie d’un autre demandeur d’asile originaire d’Ouzbékistan, Hadir Oulmas, lui aussi en fuite dans la région d’Och. Il semblerait que les deux hommes aient été renvoyés un peu plus tard en Ouzbékistan.

Déni de protection de citoyens kirghizes
Une cinquantaine de Kirghizes qui se trouvaient à Andijan pour des raisons professionnelles ou personnelles figuraient parmi les personnes ayant fui l’Ouzbékistan après les événements du 13 mai. Ils ont pourtant été placés dans un camp de réfugiés à leur arrivée dans leur pays. Leurs familles n’ont pas été informées de leur présence et les autorités n’ont ni enregistré leur arrivée ni cherché à leur apporter l’assistance dont ils pouvaient avoir besoin. Ils ont été directement transférés dans un centre de détention provisoire au titre d’un mandat administratif. Certains y sont restés quinze jours.
Les familles ont indiqué que les responsables de l’application des lois avaient systématiquement exigé d’elles le paiement d’importantes sommes d’argent pour les autoriser à rendre visite à leurs proches internés ou détenus, ou pour les libérer. Les noms de 37 de ces Kirghizes figuraient sur la liste de personnes soupçonnées d’infractions de droit commun publiée en juin par les autorités ouzbèkes. Pour échapper à une éventuelle arrestation et à un transfert forcé vers l’Ouzbékistan, ces hommes sont entrés dans la clandestinité.
Les proches de quatre jeunes gens originaires du Kirghizistan dont on était sans nouvelles depuis les événements d’Andijan ont contacté les autorités de la ville d’Och pour tenter d’obtenir des informations. Deux jours plus tard, après la tombée de la nuit, une voiture portant une plaque minéralogique ouzbèke s’est arrêtée devant le domicile de ces personnes. Des hommes à l’allure athlétique en sont sortis. Ils ont ensuite interrogé les occupants de la maison sur tous les membres de la famille, sans s’identifier ni présenter de mandat. Selon les victimes, il s’agissait probablement d’agents des services de sécurité ouzbeks.

Visites d’Amnesty International
Une déléguée d’Amnesty International s’est rendue au Kirghizistan en février. Des représentantes de l’organisation y sont également allées en mai, juin et juillet, pour y interviewer des réfugiés en provenance d’Ouzbékistan.

Autres documents d’Amnesty International

 ‘‘Kyrgyzstan : Refugees in need of a safe haven‘‘ (EUR 58/008/2005).

 ‘‘Kyrgyzstan : Uzbekistan in pursuit of refugees in Kyrgyzstan - A follow-up report‘‘ (EUR 58/016/2005).

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