ANGOLA République d’Angola

Les expulsions forcées se sont poursuivies, laissant des centaines de familles sans abri. Les informations recueillies faisaient état de violations des droits humains perpétrées par des policiers, notamment d’exécutions illégales et d’actes de torture. Aucune initiative ou presque n’a été prise afin d’éradiquer l’impunité. Un policier a été jugé et 10 autres ont été révoqués pour différentes infractions. À Cabinda, les atteintes aux droits humains n’ont pas cessé malgré la signature d’un accord de paix avec un mouvement séparatiste. Des défenseurs des droits humains et des militants politiques ont subi des actes de harcèlement. Certains ont été placés en détention durant de courtes périodes ; une organisation de défense des droits humains a été interdite.






Contexte
Une épidémie de choléra qui s’est déclarée en février s’est ensuite propagée dans toutes les provinces. À la fin de l’année, plus de 2 000 personnes étaient mortes des suites de cette maladie. Initialement prévues pour la fin 2006, les élections ont été reportées à la fin de l’année 2007. L’inscription sur les listes électorales n’a toutefois débuté qu’au mois de novembre et se limitait à certains secteurs uniquement. Des responsables de l’opposition, entre autres, se sont inquiétés de la quantité d’armes légères (entre 1,5 et 4 millions, selon les estimations – dont des fusils AK-47) détenue par la population civile. Ils ont lancé un appel en faveur d’un désarmement avant les élections. En février, l’Assemblée nationale a adopté une nouvelle loi sur la presse interdisant la censure des médias et garantissant l’accès à l’information. Ce texte a abrogé l’article qui empêchait jusqu’alors les journalistes de se défendre en justice dans les affaires d’offense au chef de l’État. En août, l’Angola a ratifié la Convention des Nations unies contre la corruption. Expulsions forcées Le Conseil des ministres a approuvé deux des quatre réglementations relatives à l’application des lois foncières adoptées en 2004. Bien que leur nombre ait diminué par rapport à l’année précédente, des expulsions forcées ont eu lieu dans plusieurs quartiers de Luanda. Entre janvier et juin, des expulsions ont été organisées dans les quartiers de Cidadania et de Cambamba I et II. Dans certains cas, des policiers, des agents de l’administration municipale et des employés d’agences de sécurité privées ont fait preuve d’un recours excessif à la force, notamment en utilisant de véritables munitions, contre des habitants qui s’opposaient aux expulsions. Aucune enquête n’a été ouverte sur les expulsions ni sur le recours excessif à la force par la police. En mars, le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à un logement convenable a exprimé son inquiétude sur la persistance des expulsions forcées en Angola. Il a exhorté le gouvernement à respecter ses obligations en matière de droits humains et à traiter, dans les meilleurs délais, le problème des atteintes aux droits de la personne. En mars, au moins 330 familles des quartiers de Cambamba I, de Cambamba II et de Banga Wé ont été expulsées par des policiers et des agents de sécurité privée qui ont fait un usage excessif de la force.
 ? Le 13 mars, des membres de la police nationale, des agents de sécurité privée et des individus habillés en civil ont détruit 200 habitations situées à Cambamba II. Ils ont reçu le renfort d’une centaine d’agents de la police antiémeutes fortement armés qui ont tiré en l’air et en direction du sol. Ils ont également battu, notamment à coups de pied, des habitants – dont des femmes, des enfants et des personnes âgées – qui se tenaient devant leur domicile et refusaient de partir. Une femme enceinte a été frappée jusqu’au sang. Un petit garçon d’environ quatre ans a reçu une balle au genou. Neuf personnes, dont un adolescent de quatorze ans et quatre femmes – Eunice Domingos, Amélia José Faustino, Aida Cardoso et Isabel Miguel Francisco –, ont été arrêtées, semble-t-il pour s’être opposées aux expulsions. Le lendemain soir, toutes avaient été remises en liberté sans avoir été inculpées.
 ? Le 13 mars également, des policiers et des agents de sécurité privée ont fait preuve d’un usage excessif de la force en expulsant des familles du quartier de Cambamba I, où ils ont détruit 130 habitations. Ils ont jeté à terre et battu tous ceux qui s’opposaient aux expulsions. Un agent de sécurité aurait tiré en direction des pieds d’un jeune homme qui tentait de prendre la fuite. Cet agent ainsi que plusieurs policiers ont ensuite encerclé le jeune homme, l’ont battu à l’aide d’un tuyau et lui ont donné des coups de pied. Plusieurs personnes ont été arrêtées et détenues pendant une courte période, dont deux membres de l’organisation non gouvernementale SOS-Habitat et quatre femmes (l’une d’elles était enceinte et les autres étaient accompagnées de jeunes enfants). Plusieurs jours plus tard, les policiers sont revenus à Cambamba I et ont détruit les abris que les familles avaient construits. En mai, plusieurs expulsions forcées ont eu lieu dans le quartier de Cidadania, à Luanda.
 ? Le 5 mai, des policiers et des agents de l’administration fiscale municipale ont détruit un certain nombre d’habitations à Cidadania. Deux hommes, Rafael Morais, membre de SOS-Habitat, et João Manuel Gomes, un habitant, ont été arrêtés. On leur a passé les menottes de telle sorte qu’ils soient attachés ensemble. Ils sont restés en plein soleil durant plus de quatre heures avant d’être libérés sans inculpation. Un policier a battu João Manuel Gomes à l’aide d’un tuyau et Rafael Morais s’est vu confisquer ses chaussures et sa chemise.

Maintien de l’ordre et droits humains
Les violations des droits humains imputables à la police se sont poursuivies ; des détenus ont notamment été victimes de mauvais traitements, de torture et d’homicides illégaux. Au cours de l’année, des mesures disciplinaires ont été adoptées contre certains policiers accusés de tels agissements. Ces mesures, qui incluaient leur révocation, ont eu un grand retentissement dans l’opinion publique. Toutefois, un seul policier a fait l’objet de poursuites en 2006, alors qu’un porte-parole de la police avait déclaré que les destitutions n’empêcheraient pas les poursuites civiles ni pénales.
 ? En mai, des policiers ont tiré sur deux jeunes vendeurs de rue à Luanda, tuant l’un d’eux. Les policiers ont déclaré qu’ils les soupçonnaient de détenir des téléphones portables volés et que l’un d’eux s’était enfui lorsqu’ils avaient voulu fouiller son sac. Le jeune homme en question a été immobilisé puis délibérément tué d’une balle par un policier. L’autre a été blessé au moment où la police tentait de disperser le groupe de personnes qui s’était constitué et qui protestait contre cet homicide. Le policier responsable de la mort du jeune homme aurait été révoqué au mois de juin. À la fin de l’année, aucune action pénale n’avait toutefois été engagée contre lui.
 ? D’après les informations reçues, des policiers ont torturé quatre personnes en garde à vue pendant plusieurs jours, en mai, dans les locaux du sixième poste de police, à Luanda. Ces personnes étaient Mateus Inácio Martins, Faustino Penhafu, Zeferino Muipile et Santos João Francisco. Les policiers appartenaient à un groupe de dix agents qui, d’après les informations reçues, avaient été relevés de leurs fonctions en juin pour différentes infractions (corruption, torture et homicide illégal, entre autres).
 ? En août, le tribunal provincial de Benguela, à Lobito, a reconnu un policier coupable du meurtre d’Antoninho Tchiswugo, commis en janvier 2005, et l’a condamné à une peine de dix-sept ans de réclusion.

Défenseurs des droits humains
Les défenseurs des droits humains risquaient toujours diverses persécutions. En septembre, des membres de la Direction provinciale de la police judiciaire ont arrêté, de manière arbitraire, le défenseur des droits humains Raul Danda à l’aéroport de Cabinda. Raul Danda a été détenu de façon illicite au siège de la Direction provinciale au-delà de la durée de quarante- huit heures autorisée par la loi. Il a été inculpé pour instigation, incitation et complicité dans des affaires d’atteintes à la sûreté de l’État, puis transféré à la prison civile de Cabinda. Il a été remis en liberté quatre semaines plus tard en attendant l’ouverture de son procès, qui n’avait toujours pas eu lieu à la fin de l’année. Raul Danda appartient à l’organisation de défense des droits humains Mpalabanda – Association civique cabindaise, interdite en juillet par le tribunal provincial de Cabinda en raison de son implication présumée dans des activités politiques. Un recours formé contre cette interdiction n’avait pas encore été examiné à la fin de l’année.

Cabinda
En août, le gouvernement et le Forum Cabindés para o Diálogo (FCD, Forum de Cabinda pour le dialogue) ont signé un accord de paix, afin de mettre un terme au conflit armé sévissant dans la province. Cet accord prévoyait la démilitarisation des combattants du Frente para a Libertação do Enclave de Cabinda (FLEC, Front de libération de l’enclave de Cabinda) et leur intégration au sein des Forças Armadas Angolanas (FAA, Forces armées angolaises) et du gouvernement. Il annonçait également une amnistie pour les atteintes à la sûreté de l’État commises dans le cadre du conflit armé, qui a par la suite été adoptée par l’Assemblée nationale. L’accord a cependant été rejeté par le FLEC et d’autres organisations, au motif qu’il avait été signé par un ancien président du FCD exclu de cette organisation en avril et par conséquent non représentatif. À la suite de la signature de cet accord de paix, des informations non confirmées ont signalé l’éclatement d’hostilités entre des combattants des FAA et du FLEC. À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête n’a été ouverte sur les nombreuses informations faisant état de violations des droits humains (exécutions extrajudiciaires, actes de torture, viols et détentions arbitraires, entre autres) perpétrées par la police et les FAA à Cabinda.
 ? En janvier, Francisco Banheva a été battu par des soldats lorsque ceux-ci se sont aperçu que sa femme et lui travaillaient dans leurs champs, situés dans le secteur de Mbata-Missinga (district de Ncutu), et transgressaient ainsi un ordre des FAA qui précisait les jours de culture agricole. Francisco Banheva serait mort le lendemain des suites de ses blessures. En juin, le nouvel évêque catholique a pris ses fonctions alors que sa nomination, en février 2005, avait entraîné une vague de violentes protestations car il n’était pas originaire de la province. À l’issue de la cérémonie d’intronisation, la police aurait arrêté 28 membres de Mpalabanda qui s’étaient réunis pour débattre de l’établissement de relations cordiales avec le nouvel évêque. Ils ont recouvré la liberté quelques heures plus tard sans avoir été inculpés.

Autres documents d’Amnesty International

 Angola. Appel au gouvernement pour qu’il mette immédiatement un terme aux expulsions forcées et s’abstienne de tout recours excessif à la force (AFR 12/004/2006).
 Angola. Une organisation de défense des droits humains interdite (AFR 12/006/2006).
 Angola. Vers la fin de l’impunité pour les policiers (AFR 12/007/2006).

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