HAITI

Des élections présidentielle, législatives et locales se sont tenues en février et en décembre, marquant le retour de la démocratie. La sécurité, la justice et le respect des droits humains ont un peu progressé, dans un contexte caractérisé par deux années d’exercice d’un gouvernement intérimaire et la présence des Nations unies depuis 2004. La violence armée est toutefois demeurée à un niveau très important pendant toute l’année dans la capitale, où des groupes armés illégaux ont perpétré des meurtres et des enlèvements. Des affrontements sporadiques ont eu lieu cette année encore entre les forces de sécurité – notamment la force de maintien de la paix de l’ONU – et les groupes armés. Des fonctionnaires de police soupçonnés d’activités criminelles et de violations des droits humains n’ont pas été traduits en justice. Les femmes étaient toujours victimes de violence domestique. Des centaines de personnes restaient détenues sans inculpation ni jugement.





Contexte

Après deux années de gouvernement de transition marquées par une grande insécurité et de multiples violations des droits humains, le pays a retrouvé une stabilité politique avec l’élection à la tête de l’État de René García Préval, en février. Reportés à quatre reprises, les scrutins présidentiel et législatif se sont déroulés dans un calme relatif. Le processus électoral s’est achevé en décembre avec la tenue d’élections locales, qui ont donné lieu à un nombre restreint d’incidents violents.
Toujours préoccupée par la situation humanitaire, la communauté internationale a poursuivi ses efforts en vue d’améliorer la sécurité, la capacité d’action du gouvernement et la situation économique déplorable de millions de Haïtiens. La question des droits humains restait inquiétante, malgré la présence depuis 2004 de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Déployant un effectif de 8 000 personnes, cette force chargée d’assurer la sécurité en Haïti faisait l’objet de critiques de plus en plus nombreuses. On lui reprochait ses médiocres résultats en matière de lutte contre la violence armée et de promotion et protection des droits humains. Des parlementaires ont critiqué le programme de désarmement, démobilisation et réinsertion mis en place par le gouvernement, qui donnait la priorité au dialogue avec les groupes armés illégaux. Plusieurs membres du Parlement ont proposé le rétablissement de la peine de mort, qu’ils considèrent comme un moyen de combattre la violence armée. Le secrétaire général des Nations unies s’est rendu en Haïti en août. La haut-commissaire aux droits de l’homme a pour sa part effectué une visite dans le pays en octobre.
Le gouvernement ne parvenait toujours pas à garantir les droits économiques, sociaux et culturels de la population et 60 p. cent des 8,5 millions de Haïtiens vivaient avec moins d’un dollar par jour. La situation humanitaire était par ailleurs marquée par une grave pénurie alimentaire, des difficultés d’accès à l’eau potable et le taux de contamination par le VIH/sida le plus élevé de la région. L’émigration et le trafic d’êtres humains vers la République dominicaine se sont poursuivis. Les autorités haïtiennes n’assuraient pas de contrôle effectif aux frontières. Les travailleurs migrants renvoyés en Haïti ne pouvaient compter sur aucune aide de la part du gouvernement.
La prolifération des armes légères a continué d’alimenter la violence armée et de permettre des atteintes aux droits humains. Lors de l’Assemblée générale des Nations unies, le gouvernement a soutenu la proposition en vue de l’élaboration d’un traité international sur le commerce des armes.

Violences contre les femmes

Cette année encore, des femmes, des jeunes filles et des fillettes ont été torturées, violées ou tuées par des groupes armés illégaux et des particuliers. Les responsables présumés ne faisaient guère plus l’objet d’enquêtes et de poursuites judiciaires que les années précédentes. Le 1er septembre, des centaines de victimes de viols et d’autres atteintes sexuelles ont défilé à Port-au-Prince pour demander au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de prévenir toutes les formes de violences et de discrimination contre les femmes. Les manifestantes ont également appelé les groupes armés illégaux à cesser de perpétrer des viols.
Le 22 novembre, on a retrouvé le corps de Fara Natacha Dessources, qui présentait des marques de torture et plusieurs blessures par balle. La victime, âgée de vingt ans, avait été enlevée une semaine auparavant par des individus armés à La Plaine, dans les faubourgs situés au nord-est de Port-au-Prince.

Défenseurs des droits humains
Les défenseurs des droits humains étaient toujours en butte à des actes de harcèlement et d’intimidation.
Amnesty International craignait pour la sécurité des membres de l’Association des universitaires motivés pour un Haïti de droit (AUMOHD) après que son président, Evel Fanfan, eut reçu des menaces de mort. L’AUMOHD défend les droits des victimes de la violence armée et œuvre en faveur d’une résolution pacifique du conflit qui oppose des bandes rivales à Grand Ravine, un quartier déshérité de Port-au-Prince.
Bruner Esterne, coordonnateur du Conseil communautaire des droits humains de Grand Ravine, a été abattu par trois inconnus en septembre. Le 20 août 2005, il avait été témoin de l’attaque perpétrée par des policiers et des membres d’un groupe armé illégal, Lame Ti Manchèt (Armée de petites machettes), dans un stade de football de Martissant, qui avait fait au moins neuf morts et des dizaines de blessés. Bruner Esterne travaillait en collaboration étroite avec l’AUMOHD.

Homicides illégaux
Cette année encore, les groupes armés clandestins ont perpétré des homicides illégaux et des meurtres aveugles. Les auteurs de ces crimes continuaient de jouir, pour la plupart, d’une totale impunité.
Le 7 juillet, l’Armée de petites machettes a attaqué des habitants de Grand Ravine, tuant au moins 24 personnes, dont quatre femmes et quatre enfants. Des dizaines de maisons ont été pillées et incendiées, ce qui a contraint les rescapés à trouver refuge ailleurs. D’autres habitants, craignant de nouvelles attaques, ont également quitté leur foyer.

Prisonniers d’opinion et prisonniers politiques
L’administration de la justice n’était toujours pas conforme aux normes internationales en matière de procédure et d’équité. Des milliers de personnes étaient toujours détenues sans inculpation ni jugement. Moins d’un cinquième des quelque 4 500 détenus avaient été condamnés. Des personnalités qui avaient été incarcérées sous le gouvernement intérimaire en place entre 2004 et 2006 ont toutefois été libérées.
Le prêtre Gérard Jean-Juste a bénéficié d’une mesure de libération conditionnelle pour raison médicale en janvier. Il était détenu sans inculpation ni jugement depuis juillet 2005. Il a reçu l’autorisation de quitter le pays pour se rendre aux États-Unis afin d’y être soigné. Amnesty International l’avait adopté comme prisonnier d’opinion après son arrestation illégale sur la base d’accusations forgées de toutes pièces.
La chanteuse Annette Auguste, une militante du parti Fanmi Lavalas (FL, Famille Lavalas) arrêtée en 2004, a finalement été traduite en justice et acquittée faute de preuves le 15 août.
L’ancien Premier ministre Yvon Neptune a été remis en liberté en juillet, après avoir passé plus de deux années en détention sans jugement.

Conditions de détention
Des conditions très rudes régnaient généralement dans les prisons du pays, où les détenus étaient le plus souvent mal nourris, privés de soins médicaux adéquats et entassés dans des cellules surpeuplées. Ils devaient compter sur leurs proches pour subvenir à leurs besoins élémentaires, y compris l’alimentation. Une cinquantaine de prisonniers se sont évadés du Pénitencier national, à Port-au-Prince, en juillet et en décembre.

Impunité
Le manque de moyens, la corruption et la formation insuffisante du personnel continuaient de peser sur la bonne administration de la justice et d’empêcher que les violations des droits humains perpétrées dans le passé fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites judiciaires.
Le 9 mars, sept policiers qui avaient été arrêtés pour leur implication présumée dans l’attaque du stade de Martissant, en août 2005, ont été remis en liberté par le juge chargé de l’instruction de l’affaire. Aucun membre de l’Armée de petites machettes n’a été appréhendé, bien que les témoins et les rescapés des meurtres d’août 2005 et de juillet 2006 aient fait l’objet de menaces répétées.

Désarmement
Après plusieurs tentatives vaines durant les deux années d’exercice du gouvernement intérimaire, une Commission nationale de désarmement, démobilisation et réinsertion a été mise en place en septembre, avec le soutien de la MINUSTAH. Bien que des dizaines de groupes armés aient accepté de participer au programme, les violences se sont poursuivies à des niveaux alarmants.


Autres documents d’Amnesty International


 Haïti. L’appel pour un contrôle strict des armes. Voix d’Haïti (AMR 36/001/2006).

 Haïti. Lettre ouverte au président de la République d’Haïti, René García Préval, à propos des recommandations d’Amnesty International concernant la protection et la promotion des droits humains (AMR 36/011/2006).

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