CAMBODGE

Les conflits liés au droit à la terre se poursuivaient sans relâche. Plus de 10 000 habitants pauvres des villes ont été expulsés par la force de chez eux et des milliers de paysans ont perdu leurs terres et leurs moyens de subsistance dans des conflits fonciers. Les autorités continuaient de recourir aux tribunaux pour faire taire ceux qui les critiquaient de façon pourtant non violente. Le droit à la liberté de réunion restait soumis à un certain nombre de restrictions.



Contexte
La campagne de répression menée par le gouvernement contre les personnes critiquant, de façon pourtant non violente, son action, a pris fin en février, un accord ayant été trouvé entre le Premier ministre et certains de ses adversaires. Plusieurs prisonniers d’opinion, dont le député de l’opposition Cheam Channy, ont ainsi été remis en liberté. L’opposant Sam Rainsy est rentré d’exil, après avoir été amnistié par le roi.
Le Front uni national pour un Cambodge indépendant, neutre, pacifique et coopératif (FUNCINPEC), parti minoritaire au sein de la coalition gouvernementale, a traversé une grave crise ; le Premier ministre Hun Sen, du Pracheachon (Parti du peuple cambodgien, PPC), la formation à la tête de la coalition, a en effet accentué les pressions sur le président du FUNCINPEC, le prince Norodom Ranariddh, et ses partisans. Quelque 75 personnalités du FUNCINPEC ont été démises de leurs fonctions au sein du gouvernement et de l’Assemblée nationale. Ce parti s’est finalement réuni le 18 octobre pour un congrès extraordinaire à l’issue duquel Keo Puth Raksmey est devenu le nouveau président du mouvement. Norodom Ranariddh a lancé en novembre un parti sous son propre nom, après avoir pris la direction d’une petite formation ultranationaliste, le Parti du front khmer.
La haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme s’est rendue au Cambodge au mois de mai. Elle a estimé que le renforcement du pouvoir judiciaire était d’une importance capitale pour la consolidation de la démocratie dans le cadre de l’état de droit.

Droit à la terre et au logement
Des concessions de terres et d’autres transactions foncières douteuses entre les pouvoirs publics et certains groupes d’intérêt économiques ont continué d’être signalées. Une série d’expulsions a eu lieu en juin et juillet à Phnom Penh. Quelque 10 000 habitants pauvres de la capitale ont ainsi perdu leur logement au profit d’hommes d’affaires proches des milieux du pouvoir, sans avoir été suffisamment consultés ou dédommagés et sans avoir bénéficié d’une protection juridique adéquate.
Le 6 juin, à l’aube, plusieurs centaines de membres des forces de sécurité armés de fusils, de gaz lacrymogène et de matraques électriques ont commencé l’opération d’expulsion des habitants de Sambok Chab, un quartier du centre de Phnom Penh. Environ 5 000 personnes ont été embarquées de force dans des camionnettes, puis emmenées sur un site de réinstallation à une vingtaine de kilomètres de là, dans un secteur dépourvu d’eau salubre, d’électricité, de centres de soins et d’écoles. Cette absence d’équipements de base a entraîné une multiplication des maladies de la peau et des cas de diarrhée, de malnutrition et d’infection respiratoire, en particulier chez les enfants et les personnes âgées.
Les expulsions ont eu pour effet d’appauvrir encore davantage ces personnes qui vivaient déjà dans des conditions précaires, en les privant de leurs terres et de leurs moyens de subsistance. Elles se sont produites deux semaines seulement après l’appel lancé par le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à un logement convenable et par la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, qui avaient demandé qu’il soit mis un terme aux expulsions et que des mesures soient prises sans attendre pour permettre aux familles concernées d’accéder à un logement décent, conformément aux obligations incombant au Cambodge en matière de droits humains.
Le 29 juin, les forces armées ont commencé à expulser 168 familles qui vivaient dans le quartier de l’hôpital Preah Monivong à Phnom Penh. Des maisons ont été démolies et les habitants, dont certains vivaient là depuis 1988, ont été réinstallés à une trentaine de kilomètres de la capitale, dans un secteur dépourvu des équipements les plus élémentaires.
Dans les deux cas, la police a bouclé la zone où avaient lieu les expulsions, empêchant les journalistes et les défenseurs des droits humains de surveiller les opérations.
Certains défenseurs locaux des droits humains ont été pris pour cibles par des organes chargés de l’application des lois dans le cadre d’expulsions et de conflits fonciers touchant aussi bien des citadins que des ruraux. Au moins 15 militants des droits à la terre ont été arrêtés au cours de l’année.


Système juridique

Les réformes portant notamment sur les lois régissant l’appareil judiciaire et le système pénal n’ont pas été menées, alors qu’elles étaient attendues de longue date. La loi contre la corruption, présentée comme une priorité absolue dans la déclaration finale de la réunion annuelle des donateurs, qui s’est tenue en mars, n’a pas été adoptée. Au lieu de cela, un organisme de lutte contre la corruption, placé sous la tutelle du puissant Conseil des ministres, a été instauré au mois d’août par le gouvernement. Cette instance était composée de hauts responsables du parti au pouvoir.
Une loi portant sur le statut des parlementaires et limitant leur liberté d’expression a été adoptée en août. Le mois suivant était votée une loi réprimant l’adultère qui prévoyait des peines d’emprisonnement pour les contrevenants. Des dispositions rendant le service militaire obligatoire, alors même que le gouvernement s’était engagé à réduire les forces armées, ont été adoptées en octobre par l’Assemblée nationale.
S’adressant le 26 septembre au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, le représentant spécial du secrétaire général pour les droits de l’homme au Cambodge a indiqué que le gouvernement s’était servi des procureurs et des juges pour intimider ou punir ceux qui le critiquaient, tout en prétendant respecter l’indépendance de la justice. Le représentant spécial a ajouté que le gouvernement avait appliqué la loi de manière sélective, et que ceux de ses partisans qui s’étaient rendus coupables d’infractions flagrantes avaient été exemptés de poursuites, tant au civil qu’au pénal.
Born Samnang et Sok Samoeun, qui ont été condamnés en août 2005, à l’issue d’un procès non équitable, à vingt ans d’emprisonnement pour le meurtre du dirigeant syndical Chea Vichea, étaient toujours en prison fin 2006. À la suite des déclarations d’un nouveau témoin, de nombreuses voix se sont élevées, aussi bien au Cambodge qu’à l’étranger, pour réclamer la libération des deux hommes. Il a alors été annoncé, le 6 octobre, que l’affaire allait être examinée en appel. Or, comme l’un des juges ne s’est pas présenté à l’audience, celle-ci a été reportée.

Atteintes à la liberté d’expression et de réunion
La Loi sur la diffamation, qui était aussi souvent invoquée que décriée, a été modifiée en mai. Désormais elle ne prévoit plus de peine d’emprisonnement. Plusieurs affaires très médiatisées ont en conséquence été suspendues. La Loi relative à la lutte contre la désinformation, qui prévoit une peine maximum de trois années d’emprisonnement, a alors été utilisée dans un certain nombre d’affaires pour intimider les détracteurs et les réduire au silence. Cette loi a notamment été invoquée contre plusieurs journalistes.
Deux journalistes cambodgiens, Soy Sopheap, de la chaîne de télévision CTN, et You Saravuth, du journal Sralanh Khmer, ont reçu des menaces de mort après avoir rapporté que des militaires et des individus proches du gouvernement se seraient rendus coupables de corruption. You Saravuth a été contraint de fuir à l’étranger.
Les restrictions apportées au droit de réunion début 2003 étaient toujours en vigueur. Les demandes d’autorisation pour l’organisation de manifestations étaient régulièrement rejetées par les autorités. Les manifestations et les actions de protestation étaient souvent réprimées par la force.

Chambres extraordinaires
Les chambres extraordinaires créées au sein des tribunaux cambodgiens pour juger les auteurs présumés de graves atteintes aux droits humains perpétrées sous le régime des Khmers rouges (1975-1979) ont été installées à la périphérie de Phnom Penh. En raison d’un désaccord entre les juges nationaux et internationaux, les chambres extraordinaires réunies en assemblée plénière n’ont pas pu adopter les règles internes nécessaires pour lancer des enquêtes et des poursuites. Les critiques ont de nouveau porté sur le manque de transparence du processus de recrutement des juges cambodgiens : certains étaient membres du Comité central du parti au pouvoir et d’autres manquaient de la plus élémentaire formation juridique.
L’ancien dirigeant khmer rouge Ta Mok, qui devait comparaître avec un autre accusé devant les chambres extraordinaires, est mort le 21 juillet sans avoir jamais été jugé pour sa participation présumée à des crimes contre l’humanité.

Visites d’Amnesty International
Une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Cambodge au mois de mars.

Autres documents d’Amnesty International

 Cambodia : The murder of trade unionist Chea Vichea - Still no justice (ASA 23/008/2006).

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