MACEDOINE

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le Tribunal) n’a transmis aucune affaire relevant de sa compétence à la justice de Macédoine. Les élections législatives, qui ont entraîné un changement de gouvernement, ont été entachées par des violences entre partis représentant la communauté albanaise. Sur la scène internationale, l’enquête concernant la remise illégale par les autorités macédoniennes d’un ressortissant allemand aux forces américaines se poursuivait.






Contexte

À la suite des élections du 5 juillet, un nouveau gouvernement a été constitué par une coalition formée de la Vnatrešna makedonska revolucionerna organizacija - Demokratska partija za makedonsko nacionalno edinstvo (VMRO-DPMNE, Organisation révolutionnaire macédonienne interne - Parti démocrate pour l’unité nationale macédonienne) et de la Demokratska unija za integracija (DUI, Union démocratique pour l’intégration).
Les réformes juridiques imposées par l’Accord de stabilisation et d’association conclu avec l’Union européenne (UE) ont suivi leur cours. Le commissaire européen chargé de l’élargissement a déclaré en octobre qu’il était trop tôt pour fixer une date d’ouverture des négociations en vue de l’adhésion de la Macédoine à l’UE. Le rapport de suivi publié le 8 novembre faisait état de problèmes concernant l’indépendance du système judiciaire, l’existence d’une corruption généralisée, la non-représentation des minorités dans l’administration et la situation des Roms, qui restait mauvaise malgré les programmes d’intégration mis en place.
Le Parlement a voté en mai une loi abolissant l’obligation du service militaire, dans le cadre du projet gouvernemental visant à doter le pays d’une armée de métier en 2007.

Violences politiques
Les rivalités entre les deux plus importantes formations politiques représentant la communauté albanaise, le Partia Demokratike Shqiptare (PDSH, Parti démocratique des Albanais) et la DUI, ont suscité des violences pendant la campagne électorale. Le PDSH, qui avait remporté davantage de sièges que la DUI sans pour autant être invité à faire partie du gouvernement, a protesté en bloquant des axes routiers et en organisant d’importantes manifestations. Les dirigeants de ce parti ont déclaré que l’Accord-cadre d’Ohrid, qui avait mis fin à la crise intérieure en 2001, était désormais caduc.
Du 15 au 17 juin, des militants du PDSH auraient mené une série d’actions violentes contre la DUI, lançant un bulldozer à l’assaut d’un bureau du parti adverse à Saraj, jetant deux grenades contre des locaux de la DUI à Struga et Saraj, et attaquant l’antenne de la DUI à Tetovo. Le 18 juin, des individus non identifiés ont ouvert le feu sur la voiture d’Imer Selmani, le maire PDSH de Saraj. Ce dernier est sorti indemne de l’attentat. Le 23 juin, un militant de la DUI, Abdulhalim Kasami, a été blessé par balle devant son domicile de Tetovo. Le 24 juin, des coups de feu ont été tirés à Rasce, lors d’affrontements entre partisans du PDSH et de la DUI. Trois membres de la DUI ont été blessés. Une enquête judiciaire a été ouverte.

Crimes de guerre et impunité
L’ancien ministre des Affaires intérieures Ljube Boshkovski était toujours en détention, sous l’autorité du Tribunal. Il avait été inculpé en 2005, en compagnie de Johan Tarchulovski, pour la responsabilité qu’il aurait eue, en raison de son poste de direction, dans l’attaque menée en août 2001 contre le village de Ljuboten, au cours de laquelle sept hommes appartenant à la population albanaise avaient été tués et plus d’une centaine d’autres arrêtés, torturés ou maltraités.
La procureure du Tribunal a annoncé en octobre que quatre autres affaires, pour lesquelles le Tribunal avait déclaré sa primauté sur les juridictions nationales sans toutefois établir d’acte d’accusation, allaient être confiées en 2007 à la justice macédonienne. L’une de ces affaires portait sur le sort de 12 ressortissants macédoniens enlevés en 2001 par des hommes armés appartenant à la communauté albanaise.
Au mois d’avril, le ministère des Affaires intérieures a lancé un mandat de recherche afin d’élucider le sort de trois membres de la communauté albanaise, Sultan Memeti, Hajredin Halimi et Ruzdi Veliu. Ces trois hommes avaient vraisemblablement été victimes de disparitions forcées : ils avaient été vus pour la dernière fois alors qu’ils se trouvaient aux mains des autorités macédoniennes pendant le conflit de 2001. Le ministère a annoncé en mai qu’une enquête sur la disparition forcée de six autres Albanais était en cours. Il a cependant reconnu en novembre qu’aucun progrès n’avait été enregistré dans ces affaires.

« Guerre contre le terrorisme »
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a interrogé la Macédoine sur le rôle joué par des agents de ses services de sécurité et de renseignement dans l’arrestation et la détention illégales, assorties de mauvais traitements, d’un ressortissant allemand d’origine libanaise, Khaled el Masri. Les autorités macédoniennes auraient maintenu ce dernier en détention pendant vingt-trois jours, en 2003, dans un hôtel de Skopje, avant de le remettre à l’aéroport de la ville aux autorités américaines, qui l’auraient alors conduit en Afghanistan. Les autorités ont nié toute participation à cette affaire et n’ont pas ouvert d’enquête. Le nouveau gouvernement n’a pas reconnu que des violations avaient été commises. La Commission temporaire du Parlement européen sur l’utilisation alléguée de pays européens par la Central Intelligence Agency (CIA, les services de renseignements des États-Unis) pour le transport et la détention illégale de prisonniers (TDIP) a enquêté en avril sur cette affaire, rencontrant notamment plusieurs responsables gouvernementaux. Elle a signalé en juin des incohérences dans la version fournie par les autorités macédoniennes.
Au mois de mars, Rajmonda Maleçka et son père, Bujar Maleçka, ont été libérés de prison sur décision d’une cour qui statuait en appel, et expulsés de Macédoine. Ces Albanais de Macédoine avaient été condamnés en mai 2005 à cinq ans d’emprisonnement pour faits de terrorisme. Leur condamnation avait été confirmée lors d’un nouveau procès qui s’était tenu en novembre suivant devant le tribunal de district de Skopje. La Cour suprême avait pourtant estimé en 2005 que les accusations portées contre eux étaient infondées.

Torture et mauvais traitements
En janvier, la Direction générale des affaires juridiques du Conseil de l’Europe a dénoncé la forte surpopulation qui régnait dans les prisons d’Idrizovo et de Skopje. Les détenus de ces établissements ne bénéficiaient pas de conditions sanitaires ni d’activités de formation satisfaisantes, en raison d’un manque de personnel chronique. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) s’est rendu en Macédoine au mois de mai.
Toujours en mai, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré recevable la requête de Pejrusan Jasar, un Rom qui dénonçait les mauvais traitements dont il aurait été victime alors qu’il se trouvait aux mains de la police, en 1998.
Une nouvelle loi, visant à assurer une représentation équitable de la communauté albanaise dans les rangs de la police, a été adoptée en octobre. La nouvelle loi ne prévoyait malheureusement pas la mise en place d’un dispositif indépendant chargé de contrôler la police, et notamment d’enquêter sur les allégations de mauvais traitements et de torture mettant en cause les unités spéciales Alpha.

Prisonniers d’opinion
Les poursuites engagées pour incitation à la haine religieuse et ethnique contre Zoran Vranishkovski, métropolite de l’Église orthodoxe serbe de Macédoine à Ohrid, prisonnier d’opinion depuis le mois de juillet 2005, ont été abandonnées le 3 mars. Celui-ci a toutefois été maintenu en détention dans l’attente de son procès pour d’autres faits qui lui étaient reprochés.
Plusieurs journalistes ont été emprisonnés pour diffamation malgré les amendements apportés en mai à la législation, qui dépénalisaient la diffamation.
Le journaliste Zoran Bozinovski a été libéré le 21 novembre, à la suite d’appels en sa faveur lancés tant en Macédoine qu’à l’étranger. Il avait été condamné pour diffamation à trois mois d’emprisonnement.

Discrimination
Bien que le principe d’une juste représentation des minorités au sein de la police et du personnel municipal ait été institué en juillet, aux termes de l’Accord-cadre d’Ohrid, des membres du PDSH se sont plaints de la discrimination dont, selon eux, les Albanais de Macédoine continuaient de faire l’objet.
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [ONU] a recommandé en février au gouvernement de prendre des mesures efficaces pour éliminer la discrimination en matière d’enseignement, de santé et de participation à la vie publique qui frappe les femmes rurales ainsi que celles issues de groupes ethniques minoritaires, en particulier les Roms et les Albanaises. Au mois de novembre, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] s’est inquiété de la discrimination que subissent fréquemment les Roms, notamment lorsqu’ils cherchent à obtenir des documents officiels – attestant par exemple leur nationalité – exigés pour pouvoir bénéficier des prestations sociales, de santé et autres. Le Comité a recommandé au gouvernement d’adopter des mesures spécifiques de lutte contre la discrimination en matière d’emploi, qui atteint les femmes roms ou appartenant à d’autres minorités.
La disparition de Trajan Bekirov, dix-sept ans, a donné lieu à d’importantes manifestations de la communauté rom. Le jeune garçon a été vu pour la dernière fois le 10 mai, alors qu’il était poursuivi par des éléments d’une unité spéciale de la police, qui le soupçonnaient apparemment d’un vol. Des proches partis à sa recherche ont retrouvé son corps dans un cours d’eau le 27 mai. Les pouvoirs publics n’ont mené ni recherche ni enquête digne de ce nom. Ils n’ont communiqué les résultats de l’autopsie aux parents du jeune homme qu’après avoir fait l’objet de pressions internationales.
Près de 2 000 Roms du Kosovo se trouvaient toujours en Macédoine. Leur demande d’asile avait été rejetée à l’issue d’une procédure qui, souvent, ne comportait aucun examen individuel des dossiers. L’accès de ces personnes à l’enseignement, à l’emploi, aux services de santé et à un logement décent n’était pas assuré par le gouvernement.

Violences contre les femmes
Au mois de février, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a souligné que la législation macédonienne ne définissait pas ce type de discrimination et n’intégrait pas le principe de l’égalité de l’homme et de la femme. Une loi relative à cette question a été adoptée en mai. Le Comité s’est également dit préoccupé par le grand nombre d’actes de violence, y compris de violence familiale, commis contre les femmes, par la persistance de la traite des femmes et des jeunes filles et notamment par l’augmentation de la traite à l’intérieur des frontières, en dépit de l’existence d’un Programme national de lutte contre la traite des êtres humains et les migrations illégales.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Macédoine en novembre.

Autres documents d’Amnesty International

 « Partenaires dans le crime » : le rôle de l’Europe dans les « restitutions » des États-Unis (Résumé) (EUR 01/008/2006).

 Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s concerns in the region, January-June 2006 (EUR 01/017/2006).

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