Guinée

Les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive contre des manifestants. Une centaine de personnes ont ainsi été tuées et un plus grand nombre encore ont été blessées. Des femmes ont été violées par des soldats. Des placements en détention arbitraires et des homicides imputables aux forces de sécurité ont été signalés. De nombreux manifestants et autres personnes interpellées ont subi des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements. Des journalistes ont été arrêtés de manière arbitraire.


Contexte

Sur fond de grave crise économique et avec le soutien des grands partis d’opposition, les deux principaux syndicats guinéens ont appelé à la grève générale en janvier. Des manifestations en faveur du changement ont été organisées dans les principales villes et ont paralysé l’ensemble du pays.
Le président Lansana Conté, qui s’était emparé du pouvoir en 1984 grâce à un coup d’État, a tenté de réprimer le mouvement par la force. Durant le mois de janvier, c’est-à-dire au début des événements, des membres des forces de sécurité ont tiré sur la foule qui manifestait de façon pacifique, tuant des dizaines de personnes et en blessant d’autres. La grève générale s’est poursuivie, malgré ce recours à la force et l’arrestation de plusieurs syndicalistes et responsables de la société civile ; les syndicats ont exigé la nomination d’un gouvernement de consensus à la fin du mois de janvier.
En février, le président Conté a nommé Eugène Camara au poste de Premier ministre. Cette désignation a suscité des protestations massives en raison des liens étroits entre Eugène Camara et le président.
Les affrontements entre les manifestants et les forces de sécurité se sont intensifiés et l’état d’urgence a été décrété le 12 février. Le 24, l’Assemblée nationale a refusé d’accéder à la demande du chef de l’État de proroger la mesure. La grève générale a été suspendue le 27 février. Un nouveau gouvernement a été formé le 28 mars. Ne comprenant aucun membre de parti politique, il se composait exclusivement de personnes de la société civile.
En mai, des membres des forces armées sont descendus dans les rues de plusieurs villes, dont Conakry, la capitale, et ont tiré des coups de feu en l’air. Les balles perdues ont causé la mort d’au moins 13 personnes et en ont blessé d’autres. Les militaires exigeaient le paiement d’arriérés de soldes et le renvoi de certains hauts gradés de l’armée, un point sur lequel ils ont obtenu gain de cause.
Une commission d’enquête indépendante a été créée en mai pour « mener des investigations sur les crimes, délits et violations graves des droits de l’homme commis lors des grèves de juin 2006 et de janvier-février 2007 ».

Police et forces de sécurité
Homicides
Plus de 135 personnes qui, pour la plupart, n’étaient pas armées ont été tuées par des membres des forces de sécurité lors de manifestations exigeant la démission du président. À plusieurs reprises, les forces de l’ordre ont visé les organes vitaux de manifestants ou leur ont tiré dans le dos alors qu’ils tentaient de fuir. Il est arrivé aussi que des agents empêchent des personnes de venir en aide à des manifestants blessés.
 ?En janvier, les forces de sécurité ont chargé des manifestants et ont tiré dans le dos de plusieurs personnes qui essayaient de fuir, parmi lesquelles Abdoulaye Diallo.
 ?Pendant une manifestation organisée en février, un étudiant de Kindia âgé de dix-huit ans a reçu une balle dans le dos alors qu’il tentait de secourir un blessé.
Détention arbitraire
Lors de la grève générale, des dizaines de personnes, dont des manifestants et des employés d’une station de radio privée, ont été placées en détention durant de courtes périodes par les forces de sécurité. Certaines d’entre elles ont été torturées.
 ?En juillet, Sidibé Keita, membre d’un parti d’opposition, a été interpellé et maintenu en détention pendant plus d’un mois. Il a été remis en liberté sans avoir été ni inculpé ni jugé.
 ?En décembre, Lansana Komara, un membre du bureau politique du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), a été détenu plus de cinq jours au palais présidentiel. Selon certaines informations, il a été torturé et suspendu au plafond la tête en bas. Il a ensuite été transféré au poste militaire III, où il restait détenu sans inculpation à la fin de l’année.


Torture et autres mauvais traitements

 ?À Kankan, dans le quartier Timbo, un enseignant d’une soixantaine d’années a été arrêté dans la cour de sa résidence. Aucune explication n’a été avancée pour justifier son interpellation, durant laquelle il a été frappé devant plusieurs personnes, dont ses propres enfants. Emmené au camp militaire de Kankan, il a été maintenu au sol par quatre gendarmes tandis qu’un cinquième lui donnait des coups de matraque.
 ?Un membre de l’Union des jeunes de Guinée a été arrêté à deux reprises au mois de février. Il a été frappé à coups de crosse par des policiers, qui lui ont menotté les bras dans le dos avant de marcher sur lui et de lui donner des coups de pied dans la poitrine. Les fonctionnaires lui ont attaché les coudes dans le dos avec une corde, puis ont placé un bâton au milieu dont ils se servaient pour serrer progressivement le lien et augmenter la douleur.
Violences contre les femmes
Au cours de la grève générale, un certain nombre de femmes ont été violées par des militaires ou par des hommes masqués portant des tenues militaires.

Liberté d’expression
Des atteintes à la liberté d’expression ont été relevées tout au long de l’année. Des journalistes ont été placés en détention et emprisonnés de façon arbitraire et pour des raisons d’ordre politique.
En janvier, le ministre de l’Information a interdit à toutes les stations de radio privées et locales d’évoquer à l’antenne la grève générale.
 ?En février, les gardes présidentiels ont arrêté deux personnes travaillant pour la radio FM Liberté, dont ils ont saccagé les studios. Les soldats ont accusé la station d’avoir diffusé des interviews critiques à l’égard du président Conté.
L’un des employés, David Camara, a été interpellé par des membres des forces de sécurité qui l’ont menacé de mort et ont écrasé une cigarette allumée sur son cou. Il a été libéré sans condition deux jours plus tard.
 ?En février également, les stations de radio Familia FM et Radio Soleil ont cessé d’émettre après avoir, semble-t-il, reçu des menaces anonymes.
En août, un tribunal de Conakry a condamné à des peines d’emprisonnement avec sursis deux directeurs de journaux privés qui avaient publié des articles mettant en cause un ancien ministre dans une affaire de corruption.

Peine de mort
En avril, 23 condamnés à mort incarcérés à la maison centrale de Conakry et dans la prison de haute sécurité de Kindia, à l’est de la capitale, ont déclaré avoir été torturés ou maltraités au moment de leur arrestation et dans les premiers jours de leur détention. Plusieurs d’entre eux présentaient des traces visibles de coups ou de liens ayant servi à les immobiliser de façon prolongée.
En juin, la ministre de la Justice et des Droits de l’homme a assuré que le gouvernement était opposé à la peine capitale et que les autorités ne procéderaient à aucune exécution.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Guinée en avril et se sont entretenus avec les autorités.

Autres documents d’Amnesty International

 Guinée. Les tueries doivent immédiatement cesser (AFR 29/001/2007).

 Guinée. L’état de siège ne doit pas remettre en cause les libertés fondamentales (AFR 29/002/2007).

 Guinée. « Les militaires tiraient partout en rafale ». La réponse des forces de sécurité face à la demande pacifique de changement (AFR 29/003/2007).

 Guinée. Les forces de sécurité constituent toujours une menace (AFR 29/004/2007).

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